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Loin sans faute repose l’idée selon laquelle des cessions répétées de résidences principales acquerront définitivement l’exonération prévue à l’article 150-U du CGI. A plusieurs reprises, l’Administration est venue remettre en cause le vertueux schéma en requalifiant les opérations en activité de marchand de biens. Bien que la frontière entre les deux soient aujourd’hui clairement définie par la jurisprudence, elle n’en demeure pas moins source de nombreux contentieux en raison de son essence factuelle.
Dans le présent arrêt, nous reviendrons sur l’articulation et la qualification de ces différentes notions (CE, 14 juin 2023, n°461960).
Dans cette affaire, des contribuables avaient acquis et revendu entre 1999 et 2012, neuf terrains sur lesquels ils avaient édifié leur résidence principale.
L’ampleur et la régularité des opérations litigieuses ne sont pas passées inaperçues du côté de l’Administration qui requalifia les contribuables en marchands de biens impliquant des cotisations complémentaires d’impôt sur le revenu et un assujettissement à la TVA.
Les juges d’appel suivirent le raisonnement de l’Administration tendant à la requalification aux motifs du nombre et du court délai entre chacune des opérations qui caractérisaient une intention spéculative.
Saisi du contentieux, le Conseil d’Etat cassa l’arrêt d’appel en rappelant que des acquisitions suivies de cessions répétées d’immeubles affectés à la résidence principale ne sauraient caractériser automatiquement une activité de marchand de biens. En l’espèce, faute d’avoir remis en cause l’affectation à la résidence principale des immeubles cédés ou d’avoir invoqué l’abus de droit l’Administration ne pouvait agir sur ce fondement.
S’appuyant sur une lecture combinée de l’article 35 du CGI relatif à la qualification de l’activité de marchand de biens en matière de BIC et de l’article 256 du même code relatif aux activités passibles de la TVA, les juges de droit ont écarté le raisonnement retenu en premier ressort et renvoyé l’affaire en appel.
Avis de l’AUREP
L’activité de marchand de biens dans le cadre d’acquisitions d’immeubles suivies de leur revente suppose la réunion de deux conditions à savoir, une intention spéculative et le caractère habituel des opérations. Si tel est le cas, le contribuable se livre sur le plan fiscal à des actes de commerce relevant des bénéfices industriels et commerciaux (art. 34 et 35 CGI). Au regard de la TVA, le contribuable y est assujetti dès lors qu’il exerce une activité économique au sens des textes.
Si la parade, assez superficielle, consistant à écarter l’activité de marchand de biens en démontrant que les immeubles cédés constituaient la résidence principale du contribuable ou qu’ils relevaient de la simple gestion de son patrimoine personnel, l’Administration est en mesure d’activer deux leviers pour écarter l’éventuelle mystification. Comme le rappelle ici le Conseil d’Etat, elle pourra en effet s’appuyer sur la procédure de l’abus de droit ou démontrer la fausse affectation à la résidence principale des immeubles en cause.