Dans le cadre d’un contentieux relatif à l’impôt sur la fortune, lié entre autres à la valorisation des parts d’une SCI propriétaire d’un bien immobilier détenues en usufruit par des époux, la Cour d’appel de Montpellier saisie sur renvoi (CA Montpellier, 7 nov. 2023, n°23/01048) a eu à statuer sur les éventuelles décotes applicables. La nue-propriété des parts était par ailleurs détenue indivisément par leurs trois enfants.
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L’Administration fiscale avait contesté la valeur vénale retenue par les contribuables usufruitiers lors de l’établissement de leur déclaration ISF. Ces derniers revendiquaient l’application d’une décote pour illiquidité de 30% compte tenu d’une part de la présence d’une clause d’agrément dans les statuts d’autre part, de la détention sociétaire de l’immeuble.
La Cour de cassation ayant eu à statuer sur le litige (Cass. Com., 15 fév. 2023, n°20-19.451), avait écarté le raisonnement des juges du fond considérant que le démembrement sur les parts écartait toute application de décotes, le bien devant figurer en pleine propriété dans le patrimoine de l’usufruitier. En synthèse, la Haute juridiction avait justement rappelé que si aucune décote au titre du démembrement ne pouvait être retenue, le démembrement ne faisait pas obstacle à l’utilisation parallèle de décotes représentatives d’une certaine illiquidité de droit ou de fait des parts sociales. Ainsi, la Cour d’appel aurait dû tenir compte dans son raisonnement de l’indivision existant entre les enfants nus-propriétaires sur chacune des parts sociales et de la clause d’agrément statutaire.
Il appartenait donc à la Cour d’appel de renvoi de Montpellier de statuer sur les éventuelles décotes applicables. Celle-ci rappelle d’abord, au visa de l’interprétation jurisprudentielle de l’article 885 G ancien du CGI, qu’il ne peut être fait application d’un quelconque abattement au titre du démembrement. Toutefois, il doit être tenu compte des éventuelles situations de fait ou de droit pour affiner l’évaluation des titres et s’approcher autant que faire se peut de la valeur qu’aurait entrainé le jeu normal de l’offre et la demande.
A cet égard, les juges du fond opposent à l’administration une décote totale de 20% sur la valeur vénale des titres répartie de la manière suivante :
- 10% au titre de la clause d’agrément statutaire qui limite la cessibilité des parts et confère donc une certaine illiquidité,
- 10% au titre de l’occupation effective du bien immobilier par les parents usufruitiers.
Avis de l’AUREP
Cet arrêt s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence relative à la pratique des décotes. En tout état de cause, les décotes devront être justifiées et nécessitées par la situation des contribuables afin d’approcher la valeur vénale réelle des titres. Ainsi, l’évaluation est une question purement factuelle qu’il convient de résoudre par un examen rigoureux des faits de chaque espèce. La combinaison de plusieurs méthodes d’évaluation illustrera davantage les situations économique et financière de la société tandis que l’utilisation de décotes affinera cette valorisation au regard de la situation juridique des associés.
Enfin, la solution nous apparait transposable à l’impôt sur la fortune immobilière.
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