Usufruitier de parts sociales : non-associé certes, mais titulaire d’un droit de jouissance inaltérable

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Bien que la qualité d’associé soit aujourd’hui expressément déniée à l’usufruitier de parts sociales, la vie sociale ne saurait pour autant faire abstraction de son droit de jouissance. Dès lors, cet arrêt vient rappeler que l’usufruitier détient certaines prérogatives attachées au respect de ce droit.  

Photo de Ashkan Forouzani sur Unsplash

Dans cette affaire, il était question d’une société civile immobilière dont les parts étaient détenues d’une part en pleine propriété, d’autre part en démembrement. Plusieurs délibérations étaient intervenues parmi lesquelles : une augmentation du capital de la société, une modification des statuts relatifs aux modalités des décisions collectives (conditions de majorité à la suite de cette augmentation de capital), à l’année sociale, à l’affectation et à la répartition des résultats.

Par la suite, plusieurs décisions avaient été remises en cause. Parmi les requérants, certains des usufruitiers demandaient l’annulation :

Saisie, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence s’était alors appuyée sur l’article 19 VIII des statuts énonçant « que les usufruitiers sont irrecevables à contester toute décision collective quelle que soit sa forme, à la seule exception des décisions collectives portant sur l’affectation des résultats » pour déclarer leurs demandes irrecevables. Les décisions contestées ne portant pas sur l’affection des bénéfices, les juges estimèrent qu’il n’y avait pas lieu de rechercher si elles seraient susceptibles d’avoir une incidence indirecte sur leur droit de jouissance.

Le litige, poussé jusque devant la Cour de cassation en juillet dernier (Cass. 3ème civ., 11 juil. 2024, 23-10.013) conduit la Haute juridiction à reconnaître à l’usufruiter le droit de contester les décisions susceptibles d’affecter directement son propre droit. S’appuyant sur les articles 578 du Code civil définissant l’usufruit et 31 du Code de procédure civile relatif aux titulaires de l’action en justice, elle cassa l’arrêt d’appel. Selon les juges, si les statuts peuvent réserver le droit de vote aux associés sur les questions autres que celles relatives à l’affectation des bénéfices qui appartient à l’usufruitier, ils ne peuvent « priver l’usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance ».

Ainsi, la Cour d’appel ne pouvait s’appuyer sur la clause statutaire litigeuse qui, étant de nature à priver l’usufruitier de ce droit de contestation sans considération des conséquences de la décision sur son droit de jouissance, contrevenait au principe consacré ci-dessus. Les parties sont renvoyés devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.  

Avis de l’AUREP : La solution consacrée par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation s’inscrit dans le sillon d’un avis de la Chambre commerciale du 1er décembre 2021 (Cass. com., 1er déc. 2021, n° 20-15.164) et d’un arrêt de février 2022 (Cass. 3ème civ., 16 fév. 2022, n° 20-15.164) qui reconnaissaient à l’usufruitier le pouvoir de provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

En pratique, la décision commentée vient étendre la solution en reconnaissant à l’usufruitier le droit de contester des délibérations susceptibles de porter une atteinte directe à son droit de jouissance. Nous regrettons que ce tempérament « d’incidence directe » sur son droit de jouissance ait été repris. Il avait, à juste titre, fait l’objet de nombreuses critiques, ne trouvant aucun fondement juridique créant ainsi une certaine instabilité car s’immisçant dans la vie sociale. L’identification du périmètre des décisions visées apparait complexe et source de contentieux.

Avis de l’AUREP

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Droit civil
Thomas Gimenez

Thomas Gimenez

Chargé de recherche