La Cour de cassation a, dans un arrêt récent (Cass. 1ère Civ., 7 févr. 2024, n°22-12.115), eu à se prononcer sur l’existence d’une éventuelle insanité d’esprit du testateur au regard de différentes circonstances avancées par les parties.
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Dans cette affaire, les faits étaient relativement simples. Un défunt laissait pour lui succéder sa fille et un testament olographe désignant son auxiliaire de vie et, la compagne de son fils prédécédé légataire d’un ensemble immobilier.
Si la première renonça au bénéfice du legs, la deuxième assigna la fille du défunt en délivrance du sien.
Cette dernière demanda reconventionnellement annulation du testament pour insanité d’esprit de son auteur.
Les juges du fond (CA Aix-en-Provence, 15 déc. 2021, n° 18/01850) avaient alors prononcé la nullité du testament au regard de plusieurs arguments avancés par la fille du défunt qui traduisaient pour la Cour d’appel la vulnérabilité du de cujus, à savoir :
- L’existence de « brouillons » datés et non datés rédigés tant de la main de la fille du défunt que d’autres mains quelques semaines avant le testament relatant une vente viagère de l’ensemble immobilier, un legs du bien mais également un projet de révocation du legs ;
- Le recopiage du mandat de vente par le de cujus avec des erreurs sur le prix du bouquet au profit de son auxiliaire de vie ;
- L’existence d’un certificat médical postérieur d’une année à la rédaction du testament révélant l’existence d’un accident vasculaire cérébral passé inaperçu,
- Des erreurs dans l’exposé testamentaire qui comporte deux fois le prénom de la compagne de son fils prédécédé, légataire et, une absence du prénom et de la mention « Madame » pour la désignation en tant que légataire de son auxiliaire de vie.
La compagne du fils prédécédé, voyant la nullité du testament prononcée, se pourvut en cassation en vue de reconnaître la validité du testament et ainsi écarter l’insanité d’esprit du testateur au moment de l’acte.
La Cour de cassation cassa l’arrêt d’appel au visa des articles 414-1 et 901 du Code civil et écarta l’insanité d’esprit du de cujus :
« 10. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’état d’insanité d’esprit d'[T] [Y] au moment de la rédaction du testament, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Avis de l’AUREP
En application combinée des articles 414-1 (droit de la majorité et des majeurs protégés) et 901 (droit des libéralités) du Code civil, la rédaction d’un testament exige d’être sain d’esprit. Il appartient à celui qui agit en nullité d’un testament pour insanité d’esprit de prouver l’existence d’un trouble mental du disposant au moment de l’acte. L’action en nullité ne peut être introduite qu’à compter du décès du disposant par les successeurs universels légaux ou testamentaires du défunt.
L’altération des capacités intellectuelles du testateur est une question des faits qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. En raison du caractère factuel de la problématique, la jurisprudence est abondante et démontre toute la difficulté à prouver l’existence simultanée d’une altération des facultés mentales du disposant, soit habituelle soit accidentelle, au moment de la rédaction. Le testament pouvant en lui-même ne pas comporter la preuve d’un trouble mental, l’insanité d’esprit pourra être prouvée par tous moyens.