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Avant la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, l’action en réduction était enfermée dans le délai de prescription de droit commun de 30 ans (2262 C. civ ancien)
La loi est venue créer un délai spécifique pour l’action, raccourci à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.
Ce délai est toutefois seulement applicable aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007.
Ensuite, la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription civile est venue supprimer le délai de prescription trentenaire. A la place, deux délais :
- le délai de prescription extinctive applicable aux actions personnelles et mobilières, a été porté à 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (2224 C. civ.).
- le délai de prescription extinctive applicable aux actions immobilières restant pour sa part trentenaire (2227 C. civ.).
Il était par ailleurs indiqué que ces dispositions entraient en vigueur immédiatement, soit à compter du 19 juin 2008 (art 26 de la loi). Une problématique sans réponse naissait ainsi à compter de cette date, celle de savoir quel délai (quinquennal ou trentenaire), il convient d’appliquer à la prescription en cours des actions en réduction relatives aux successions ouvertes avant le 1er janvier 2007.
L’affaire relevée traitait de ce cas particulier (Cass. 1ère civ., 23 oct. 2024, n° 22-19.365). Le défunt décédé le 18 avril 2001, laissait pour lui succéder son épouse et leurs quatre enfants. Le 6 septembre 2016, deux des enfants ont, entre autres, assigné deux de leurs frères et sœurs en réduction de donations d’immeubles et de donations déguisées sous la forme d’assurances sur la vie. Les derniers considérant l’action en réduction prescrite, se pourvurent en cassation. La succession intervenant avant 2007, tout l’enjeu des débats portait donc sur l’application de la loi dans le temps.
Pour statuer, les juges rappellent les dispositions du II de l’article 26 de la loi de 2008 qui prévoit les conditions d’application du texte : « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
Dans notre cas, l’action en réduction encadrée par l’article 921, alinéa 1er, du Code civil présente le caractère d’une action personnelle soumise à la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du même code, quand bien même elle aurait pour effet de résoudre la question de l’existence d’un droit réel sur les biens donnés ou légués.
Dès lors, les juges en déduisent que « le délai de prescription de l’action en réduction relative à une succession ouverte avant le 1er janvier 2007, ramené de trente à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, a expiré au plus tard le 18 juin 2013 à 24 heures. » Par conséquent, l’action en réduction formée le 6 septembre 2016, était prescrite.
Avis de l’AUREP : Cet arrêt emporte deux enseignements :
La Cour de cassation considère l’action en réduction comme une action personnelle quand bien même elle aurait pour effet de résoudre la question de l’existence d’un droit réel sur les biens donnés ou légués. Cette solution met fin aux débats doctrinaux qu’il existait en la matière.
Partant, le délai de prescription de l’action en réduction relative à une succession ouverte avant le 1er janvier 2007 est en tout état de cause prescrite au plus tard le 18 juin 2013 à 24h. La raison est simple, l’application du délai trentenaire afférent à cette action est limité par le délai quinquennal introduit par la loi sur la prescription civile de 2008 qui, s’éteint au plus tard cette date.