Au travers de plusieurs éclairages publiés dans nos colonnes1, Monsieur Pierre FERNOUX décryptait la définition de la notion de société à prépondérance immobilière au sens de l’impôt sur le revenu (CGI, art. 150 UB), de l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 219-I-a sexies-0 bis) et des droits d’enregistrement (CGI, art. 726). La définition étant protéiforme, l’auteur appelait à une certaine vigilance des praticiens pour identifier les actifs immobiliers susceptibles d’être pris en compte.
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La décision du tribunal administratif de Rennes soulevée aujourd’hui apparait parfaitement conforme aux analyses de notre expert (TA Rennes, 16 oct. 2024, n°2201141).
En l’espèce, M. et Mme B avaient cédé le 25 juin 2018 les 25 parts sociales qu’ils détenaient dans une SCI semi-transparente (IR). Les cédants entendaient placer la somme sous le régime des plus-values immobilières des particuliers considérant la société comme à prépondérance immobilière.
L’Administration remettait en cause dans une proposition de rectification ce régime d’imposition au motif que la SCI n’était pas à prépondérance immobilière. Ainsi, elle imposait la somme selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux prévu à l’article 150-0 A du Code général des impôts.
Précisons maintenant que, dans le cadre de son activité, la SCI avait seulement conclu un crédit-bail immobilier prenant ainsi à bail immobilier des constructions devant être édifiées dans une zone d’activité. Le contrat de crédit-bail prévoyait une levée d’option, au bénéfice de la SCI au prix d’un euro à l’issue du bail, soit le 1er mai 2019.
Les contribuables arguaient que la condition était satisfaite estimant qu’il convenait de prendre en compte au numérateur du ratio (actifs immobiliers non affectés à l’exploitation de la société / actif total) la valeur du crédit-bail.
Tout l’enjeu s’est articulé autour de la prise en compte ou non des droits attachés au crédit-bail afin de déterminer si la SCI est à prépondérance immobilière ce qui, on l’aura compris fixera le régime d’imposition applicable à la plus-value.
En conséquence, le tribunal était confronté aux deux questions suivantes : la première afférente au bien-fondé de la loi fiscale, la seconde relative à l’interprétation administrative de la loi fiscale.
Sur le bien-fondé de la loi fiscale, les juges de première instance ont d’abord pu rappeler les dispositions de l’article 150 UB du CGI ainsi que celles de l’article 215-5 du Plan comptable général applicables au litige. Pour rappel, le premier des textes dispose que « sont considérées comme sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l’actif est, à la clôture des trois exercices qui précèdent la cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, non affectés par ces sociétés à leur propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale. »
Quant au second, il dispose entre autres qu’ à « la levée de l’option d’achat, le titulaire d’un contrat de crédit-bail inscrit l’immobilisation à l’actif de son bilan pour un montant établi conformément aux règles applicables en matière de détermination de la valeur d’entrée. »
A cet égard, les juges précisent qu’antérieurement à la date de levée d’option d’achat du crédit-bail, le ou les immeubles objet de ce contrat ne pouvaient avoir été régulièrement inscrits à l’actif de la SCI. Ainsi, « ce n’est qu’à la levée éventuelle de l’option que ce bien est immobilisé par l’acquéreur, à son coût d’acquisition. » Ils relèvent par ailleurs qu’à la clôture des trois exercices ayant précédé la cession des parts, aucun autre immeuble ni aucun autre droit portant sur des immeubles n’avait, en tout état de cause, été inscrit à l’actif du bilan de la SCI, notamment dans un compte d’immobilisation.
Ainsi et conformément à la doctrine administrative2, les droits détenus dans le cadre du contrat de crédit-bail immobilier par la SCI constituaient, tant qu’elle n’acquiert pas la propriété de l’immeuble, des droits de nature mobilière. Ils ne pouvaient donc être pris en compte pour l’appréciation de la prépondérance immobilière. Dès lors, la plus-value relevait du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières.
Enfin, les juges rejettent l’argumentation des contribuables fondée sur le caractère inconstitutionnel des dispositions.
Sur l’interprétation administrative de la loi fiscale maintenant, les contribuables se prévalaient, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de deux réponses ministérielles3 et, de certains commentaires de la doctrine administrative4 pour revendiquer le bien-fondé de la prise en compte du crédit-bail au numérateur. Patente, la confusion fut soulignée par le Tribunal administratif :
- Les réponses ministérielles étaient relatives à l’interprétation de l’article 219 du CGI, traitant des plus-values à long terme des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés,
- Quant aux commentaires administratifs relevés, les premiers étaient afférents à l’impôt sur la fortune immobilière tandis que les seconds aux, droits d’enregistrement.
Dès lors, ces textes, ne concernant pas la notion de prépondérance immobilière telle qu’elle est retenue en matière d’impôt sur le revenu, étaient inapplicables.
Avis de l’AUREP : Nous ne pouvons que réitérer les précieux conseils fournis dans les éclairages précités. Avant toute chose, il convient d’identifier de quel impôt relève la SCI afin de discerner la définition de prépondérance immobilière applicable. En l’espèce, la société relavant de la semi-transparence fiscale, les juges se sont appuyés sur la prescription de l’article 150 UB prévu à cet effet, pour rejeter la prise en compte du crédit-bail immobilier et, en conséquence dénier la prépondérance immobilière.
- [1] P. Fernoux, « Société à prépondérance immobilière : du nouveau », Eclairage AUREP n°514, 5 juil. 2024 ; P. Fernoux « La prépondérance immobilière au sens des droits d’enregistrement », Eclairage AUREP n°521, 11 oct. 2024 ↩︎
- [2] BOI-RFPI-SPI-10-20 n°60, 6 juil. 2016 ↩︎
- [3] Rép. min. n° 27573 : JOAN 26 nov. 2013, p. 12365 ; Rép. min. n° 7770 : JO Sénat 31 oct. 2013 ↩︎
- [4] BOI-PAT-IFI-20-30-30, 8 juin 2018 ; BOI-ENR-DMTOI-10-60, 8 avr. 2013 ↩︎