Attendue, la position de la chambre plénière de la Cour de cassation sur la validité d’une clause de minorité en SAS vient de tomber. Rappelons dès à présent que ce litige siégeait dans la délimitation de la liberté statuaire laissée aux associés de SAS pour encadrer la majorité des décisions collectives.
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Précisément, nous avions à faire ici à une clause statutaire d’une imagination débordante prévoyant une adoption des décisions collectives « à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés ». Au regard de cette disposition, les associés statuant sur une augmentation du capital de la société avec suppression du droit préférentiel de souscription avaient vu la délibération adoptée avec 46% de votes favorables malgré l’opposition de 54%. C’était sans compter une opposition vive de ces derniers qui contestaient la validité d’une telle clause conduisant à l’adoption d’une résolution prise en assemblée à une minorité de voix. S’en suivit un long contentieux qu’il convient à présent d’étudier.
Saisis une premier fois sur pourvoi en 2022, les juges de la Haute juridiction (Cass. Com., 19 janv. 2022, n°19-12.696) s’étaient opposés à la validité d’une telle clause au motif que cette règle ne permettait pas de départager partisans et adversaires dans la mesure où ils y satisfaisaient simultanément. Ainsi, selon la Haute juridiction, une décision prise en assemblée devait nécessairement recueillir une majorité simple, soit plus de la moitié des voix, pour être adoptée. Si la solution ne trouvait de fondement légal, elle apparaissait néanmoins d’une logique implacable et, s’inscrivait pleinement dans l’objectif de stabilité poursuivi par la collégialité des associés.
Pourtant, un an plus tard, l’axiome était, non pas sans contestation, battue à revers par la Cour d’appel de renvoi de Paris (CA Paris, pôle 5, ch. 8, 4 avr. 2023, n°22/05320). Sa logique reposait sur la liberté laissée par la loi (art. L227-9 du Code de commerce) aux associés pour prévoir les formes et conditions des décisions collectives. Selon elle, la terminologie approximative retenue dans les statuts, « majorité du tiers », s’apparentait davantage à une condition de seuil conforme à cette liberté contractuelle qu’à une règle de majorité. Ensuite, cette condition de seuil visait l’approbation d’une décision et non son rejet. Il était dès lors possible de départager les votants sans que la clause ne préjudice au droit fondamental des associés de participer aux assemblées, à leur égalité et à l’intérêt social.
Bon nombre d’auteurs, s’étaient alors opposés à cette approbation d’une clause de minorité, position que nous partageons pleinement. Comment concevoir la pérennité et l’unité de la collectivité des associés dans un environnement potentiellement contrarié par des volontés contradictoires mettant à mal la stabilité de la gouvernance et du processus décisionnel ?
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation est intervenue mi-novembre pour mettre fin à cette résistance (Ass. Plén., 15 nov. 2024, n° 23-16.670). Selon les juges, « une décision collective d’associés ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble en sa faveur le plus grand nombre de voix ».Ainsi, « toute autre règle conduirait à considérer que la collectivité des associés peut adopter, lors d’un même scrutin, deux décisions contraires. » Ils ajoutent que la liberté contractuelle de la SAS ne peut s’exercer que dans le respect de la première règle énoncée.
L’Assemblée plénière en déduit « que la décision collective d’associés d’une société par actions simplifiée, prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite. » En conséquence, la décision relative à l’augmentation du capital de la SAS qui en raison d’une adoption par un nombre de voix inférieur à la majorité des votes exprimé doit être annulée.