Revenus fonciers

Eclairage du 12 juillet 2024 - N°515

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Les travaux d’amélioration sont-ils toujours déductibles ?

Les dispositions de l’article 150 VB, II-4° du CGI autorisent la prise en compte des travaux de construction, reconstruction, agrandissement ou amélioration pour les besoins du calcul d’une plus-value immobilière des particuliers lorsque celle-ci intervient évidemment dans les vingt-deux ans suivant la date de l’acquisition. Ces travaux peuvent néanmoins être retenus de manière forfaitaire par le biais d’une déduction égale à 15 % du prix d’acquisition.

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Dans une newsletter précédente consacrée précisément à la pratique du forfait de 15 %, on a vu que cette déduction de dépenses impliquait la réalisation effective des travaux. Et souvent, la démonstration n’est pas aisée particulièrement s’il est question de travaux réalisés par le propriétaire des locaux donnés en location ou encore s’ils remontent à de nombreuses années. Des travaux de construction, reconstruction ou d’agrandissement dont les dépenses ne sont pas déductibles des revenus fonciers sont, dans la quasi généralité des cas, attestés par des factures délivrées par une entreprise. Ils peuvent par conséquent venir s’ajouter au prix d’acquisition pour le calcul de la plus-value.

 Mais la difficulté est beaucoup plus grande s’agissant de travaux d’amélioration. On rappelle que, par dépenses de cette nature, il faut entendre celles qui ″ont pour objet d’apporter à un immeuble un équipement ou un élément de confort nouveau ou mieux adapté aux conditions modernes de vie, sans modifier cependant la structure de cet immeuble″ (BOFIP-RFPI-PVI-20-10-20-20-§ 150.-20/12/2013). En effet, soit les travaux sont réalisés par une entreprise et une facture peut souvent être présentée, soit ils le sont par le chef d’entreprise et comme dans le cas précédent, savoir si les dépenses correspondantes ont été imputées sur les loyers relève bien souvent de la preuve impossible, le propriétaire ne conservant pas nécessairement les factures d’achat des matériaux utilisés pour les besoins de la réalisation des travaux.

Jusque-là, on sait tout de même à peu près à quoi s’en tenir. Malheureusement, les choses peuvent s’avérer plus compliquées. L’administration donne les exemples suivant des travaux d’amélioration. Pour elle : ″Il en est ainsi notamment de l’installation d’un ascenseur, du chauffage central ou d’une climatisation dans un immeuble qui en était dépourvu ou de la réalisation de travaux d’isolation″. La difficulté réside dans le fait que de tels travaux peuvent être concomitants à la réalisation de travaux de reconstruction ou d’agrandissement, comme c’est par exemple le cas lors de l’aménagement de combles ou de greniers pour les transformer en locaux d’habitation destinés à la location. Le propriétaire équipe alors les locaux des éléments de confort comme le chauffage, une salle de bains et des toilettes, tous travaux ayant bien, dans le principe, la nature de travaux d’amélioration.

Première question : ces dépenses de travaux d’amélioration accessoires à des travaux de construction, reconstruction ou d’agrandissement sont-elles déductibles des revenus fonciers ?

Théoriquement, la réponse devrait être positive. Pour autant, l’administration conteste souvent l’imputation des dépenses correspondantes au motif que l’accessoire doit suivre le principal. Si les dépenses de travaux d’agrandissement dans notre exemple ne sont pas déductibles des revenus fonciers, celles relatives aux dépenses d’amélioration ne le sont pas non plus en tant que telles. Cependant, dans une réponse ministérielle ancienne (RM Poujade JO déb. AN 19 août 1967 ; dans le même sens : RM n° 8776 à M. de Préaumont JO déb. AN 14 mars 1970) l’administration avait admis que restaient néanmoins déductibles les dépenses afférentes à l’équipement des locaux (prix des appareils, frais de plomberie, de pose des canalisations, etc.). Ces réponses n’ont cependant pas été reprises dans l’actuel BOFIP. Elles ne sont donc plus opposables à l’administration depuis le 12 septembre 2012. Rappelons en effet, que lors de la mise en place du BOFIP en 2012, il a été précisé que toutes les réponses non reprises dans la documentation administrative ne seraient plus opérationnelles. En tout état de cause, en supposant que l’administration en admette tout de même le principe lors d’un contrôle, il ne fait évidemment aucun doute qu’elle solliciterait alors la présentation des factures correspondantes.

Reste un point sensible. Dans cette même documentation, l’administration termine en effet l’analyse par une phrase emprunte d’une grande ambiguïté. Elle dit ainsi que : ″Lorsque des travaux d’amélioration ne constituent qu’une faible part de l’ensemble des travaux réalisés sur un immeuble et sont indissociables de travaux de reconstruction, ils n’ouvrent pas droit à la déduction édictée par l’article 31-I du CGI″. Pourquoi parler d’ambiguïté ? Tout simplement parce que cette précision se prête à un double sens. Si les dépenses sont de faible montant, elles ne sont pas déductibles au sens de la doctrine administrative, on le comprend bien. Mais alors, si elles sont d’un montant important, seraient-elles déductibles ? Sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A relatives à l’opposabilité à l’administration de sa propre doctrine régulièrement publiée, pourrait-on opposer à l’administration cette interprétation a contrario ? La réponse est à coup sûr négative. Au fond c’est assez logique : est seulement opposable une interprétation formelle, celle ajoutant à la loi fiscale. Et, ce qui n’est pas dit, n’est pas dit…

Que pense maintenant le Conseil d’Etat de ces dépenses d’amélioration accessoires ? Dans une décision récente (CE, 16 février 2024, no 482087) il considère que dès l’instant où les travaux sont accessoires à une reconstruction, les dépenses correspondant aux travaux d’amélioration ne peuvent faire l’objet de la moindre déduction. Ils participent de la reconstruction elle-même. Et, compte tenu de l’importance des travaux de reconstruction dans cette affaire, les dépenses d’amélioration devaient, comparativement, être certainement de faible montant. Les travaux avaient en effet affecté le gros œuvre, la construction d’un escalier le tout aboutissant à la création de nouvelles pièces, d’où un agrandissement évident des locaux. Pour autant, le juge ne s’intéressa pas au coût relatif des travaux d’amélioration pour carrément refuser l’admission du pourvoi en cassation exercé par le bailleur.

Deuxième question : si ces dépenses n’ont pas été déduites des revenus fonciers, leur imputation est-elle concevable lors de la cession du bien pour les besoins du calcul de la plus-value, en supposant bien entendu que cette cession intervienne dans les vingt-deux ans suivant l’année de l’acquisition ? 

La réponse est à l’évidence beaucoup plus simple et ne peut prêter à la moindre contestation de la part de l’administration. En effet, à l’inverse de ce qui est le cas dans le cadre des revenus fonciers, aux termes de la loi fiscale, qu’elles soient de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration, toutes ces dépenses doivent être ajoutées au prix d’acquisition. Peu importe par conséquent que les travaux d’amélioration soient, ou non, accessoires à des opérations de construction, reconstruction ou agrandissement. Seule demeure la problématique de la présentation des factures correspondantes.

Troisième question : est-on bien en présence de dépenses d’amélioration et non de réparation et d’entretien ? Seules les premières peuvent être retenues au terme des dispositions de l’article 150 VB, II-4° du CGI précité. Imaginons qu’un propriétaire bailleur n’ait pas déduit de ses revenus fonciers des dépenses consistant en des grosses réparations. Pourrait-il alors les assimiler à des dépenses d’amélioration pour réduire le montant de la plus-value taxable ? Il pourrait certes tenter le coup comme l’on dit, mais en cas de contrôle, l’administration ne manquerait pas de procéder à une analyse très stricte des factures de travaux. Elle rappelle en effet dans sa documentation précitée que ″les dépenses d’entretien et de réparation, y compris les grosses réparations, ne figurent pas parmi les dépenses pouvant être prises en compte pour le calcul de la plus-value. Elles s’entendent de celles qui correspondent à des travaux ayant pour objet de maintenir ou de remettre un immeuble en bon état et d’en permettre un usage normal sans en modifier la consistance, l’agencement ou l’équipement initial ″

Juste une précision pour redonner le moral au lecteur : les revenus fonciers et les plus-values immobilières sont deux catégories de revenus qu’affectionnent particulièrement les services chargés de la fiscalité personnelle dans les centres des impôts en raison de la simplicité de leur contrôle. Sans bouger de son bureau favori, l’inspecteur n’a qu’à solliciter la présentation des factures de travaux. Plus tranquille, on ne fait pas…

Donc prudence, prudence…

Droit fiscal
Pierre FERNOUX

Pierre FERNOUX

Consultant en droit fiscal