Relativement inhabituelle, la question de la prorogation d’une société peut être source de conflits entre associés. Dès lors, mieux vaut anticiper les rouages du mécanisme en amont de l’échéance.
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L’article 1844-7 du Code civil dresse la liste des événements mettant fin à une société. Nous nous intéresserons ici au premier alinéa de l’article visant l’expiration de la durée pour laquelle elle a été constituée. A l’approche de cette échéance, la loi offre aux associés plusieurs possibilités leur permettant de maintenir ou non la personne morale.
A défaut de condition de majorité définie dans les statuts, les associés statueront à l’unanimité pour la prorogation de la société (art. 1844-6 Code civ.). La consultation de la collectivité des associés devra intervenir dans l’année précédant l’expiration. A défaut, un associé pourra saisir le président du tribunal en vue de la désignation d’un mandataire judiciaire chargé de provoquer la consultation.
La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 dite « Soilihi » est venue offrir la possibilité pour l’un des associés de demander par voie judiciaire, la prorogation de la société dans l’année suivant son terme, lorsque celle-ci n’a pas été préalablement convenue. Dans ce schéma, le président du tribunal saisi de la requête recherchera l’intention des associés de proroger la société et, autorisera le cas échéant leur consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois.
Dans la présente affaire, la Haute juridiction eût à se prononcer sur la portée pratique de ces fondements (Cass. com., 30 août 2023, n° 22-12.084). En l’espèce, une société (GFA) constituée pour une durée de 40 ans était arrivée à son terme faute d’une décision de prorogation antérieure des associés. Certains d’entre eux, désireux de voir poursuivre l’affectio societatis, saisirent par requête le président du tribunal judicaire en vue du maintien de la société. Ce dernier constatant la volonté commune de prorogation, autorisa la consultation des associés à titre de régularisation. De manière logique, la prorogation fût adoptée à la majorité requise dans les statuts, à savoir une majorité des trois-quarts du capital social.
Le contentieux résultant nécessairement d’une situation de mésentente, un associé contesta la décision aux motifs que les associés n’avaient pas omis de bonne foi la prorogation et que le président du tribunal saisi ne pouvait autoriser la consultation a posteriori qu’en cas de consentement unanime des associés. De manière logique et dans la continuité du raisonnement suivi par les juges du fond, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. Les juges du droit s’appuyant sur l’article 1844-6 du Code civil susvisé, rappelèrent que la sollicitation judiciaire après le terme de la société était ouverte à chacun des associés sans qu’il ne soit nécessaire de rechercher les causes de l’absence de prorogation antérieure. De plus, le même article prévoit la possibilité pour les associés d’envisager par voie statutaire la majorité prévue pour statuer sur une prorogation.
Avis de l’AUREP
Cet arrêt s’il traite d’une question inédite à notre connaissance apparait conforme à la lettre des textes et transposable à l’ensemble des sociétés. Quand bien même les associés auraient omis volontairement ou pas, de statuer sur la prorogation de la société, l’article 1844-6 du Code civil, en guise de « garde-fou » offre la possibilité après échéance, d’un maintien de la personne morale sous réserve de recueillir l’unanimité ou la majorité prévue statutairement.
Cette décision appelle un double constat. Tout d’abord, il n’y a pas lieu de rechercher le fondement de l’absence de prorogation de la société avant son terme. Enfin, le juge aligne les conditions de majorité de cette procédure dérogatoire sur celles prévues pour entériner une prorogation avant le terme.