Quasi-usufruit et dette de restitution 

Eclairage du 07 juin 2024 - N°510

Accueil + Publications & Agenda + Quasi-usufruit et dette de restitution 

Comment calculer les droits de succession en présence d’une dette de restitution entrant dans le champ d’application l’article 774 bis du CGI ?

En  dix questions/Réponses et une illustration chiffrée

Crédit photo unsplash+ – https://urls.fr/lzhLHA

Un précédent éclairage a permis de souligner que la délimitation des dettes de restitution frappées avec une intensité variable par la non déductibilité instaurée par le nouvel article 774 bis du Code Général des Impôts s’avère complexe et délicate.

La mise en œuvre de ce dispositif semble également ardue. Comment procéder au calcul des droits de succession dus par le nu-propriétaire créancier de la dette de restitution et les autres successeurs lorsque ce dispositif s’applique ?

A cet égard également, l’analyse de notre spécialiste des droits de succession et du démembrement de propriété nous est précieux pour tenter de dégager les principes et une méthodologique liquidative qu’il sera possible d’illustrer dans un exemple chiffré.

Question n°1 : Les difficultés rencontrées pour fixer le champ d’application de l’article 774 bis du CGI résultant de la rédaction approximative du texte se retrouvent-elles lorsqu’il s’agit d’appliquer le nouveau dispositif et de calculer les droits de succession ?

Réponse : Oui.

Une fois qu’il a déterminé que la dette de restitution rentre dans le champ d’application du nouveau dispositif, le calvaire du praticien n’est pas achevé. Il lui reste encore à calculer les droits dus par le nu-propriétaire et les successeurs, ce qui implique plusieurs phases de liquidations complexes et incertaines, dont il ferait l’économie en dehors de ce contexte.

Question n°2 : Le principal fondement des incertitudes induites à ce stade de la mise en œuvre de l’article 774 bis peut-il être circonscrit ?

Réponse : Oui.

 À cet égard, le nouveau dispositif est également desservi par une rédaction maladroite qui s’exprime par une structuration inappropriée de l’article 774 bis du CGI. Le « I » et le « II » de ce texte semblent énoncer deux principes distincts et autonomes. Le premier énonce la non-déductibilité de la dette de restitution pour la liquidation des droits de mutation par décès dans les situations visées. Le second prévoit l’imposition entre les mains de son créancier de la dette de restitution au titre d’une taxation sui generis aux droits de mutation par décès. Cette césure pourrait laisser accroire que ces deux dispositions pourraient jouer indépendamment l’une de l’autre et de manière cumulative. En vertu du « I », la dette de restitution ne serait pas déductible de l’actif taxable, ce qui conduirait à l’imposer aux droits de mutation par décès entre les mains des successeurs. En application du « II », le créancier de la dette de restitution ferait l’objet d’une imposition sui generis aux droits de mutation par décès, par dérogation au principe posé par l’article 1133 du CGI, tout en bénéficiant d’une imputation des droits acquittés lors de la transmission de la nue-propriété.

Question n°3 : L’administration fiscale sera-t-elle libre lorsqu’il s’agira de clarifier ce point et, plus généralement de fixer les modalités de taxation du nu-propriétaire et des successeurs ?

Réponse : Non.

Les modalités de mise en œuvre du retraitement d’assiette résultant du nouvel article 774 bis du CGI devront être précisées par la doctrine administrative sous le contrôle du juge de l’impôt. En restant au seul stade du droit interne, les commentaires administratifs afférents à la mise en œuvre du nouveau dispositif nous semble devoir être gouvernés et contraints par deux principes: d’une part, l’objectif poursuivi par le législateur. Visant à neutraliser la décote d’assiette dont bénéficie d’ordinaire la transmission du droit démembré, cette finalité conduit à orienter la taxation vers le seul nu-propriétaire créancier de la dette de restitution. D’autre part, l’administration fiscale devra également respecter les principes fondamentaux qui régissent les droits d’enregistrement : spécialement la règle non bis in idem, mais aussi la nécessité constitutionnelle de parvenir à un régime d’imposition cohérent qui fixe l’assiette servant à l’imposition du redevable par référence à des critères objectifs et rationnels, conformément au but poursuivi et en rapport avec les facultés contributives du contribuable. La rédaction du texte atteste que cet environnement contraignant a été pris en compte par le législateur, ce qui s’exprime notamment par une neutralisation du rappel fiscal et un mécanisme d’imputation.

Question n°4 : Une interprétation de l’article 774 bis parfois soutenue, qui aboutirait à une imposition cumulative vous  semble-t-elle pouvoir être retenue ?

Réponse : Assurément non.

Une telle interprétation organiserait une double imposition du même actif qui à nos yeux ne serait pas compatible avec les principes fondamentaux régissant les droits de mutation par décès. La constitutionnalité d’un tel mode de taxation serait des plus douteuses (V. Cons. const., 29 déc. 2009, n° 2009-599 DC : JurisData n° 2009-024427 ; Dr. fisc. 2010, n° 4, comm. 98, note L. Vallée ; JCP A 2010, 2038, note Ph. Billet. ; V. O. Fouquet, Le Conseil constitutionnel et le principe d’égalité devant l’impôt : Les nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011). Elle conduirait en effet à retenir une assiette taxable des successeurs qui serait décorrélée de leurs facultés contributives. Cette assiette ne serait pas au sens de la jurisprudence des sages de la rue de Montpensier en adéquation avec l’émolument effectivement recueilli et ne serait nullement justifiée par le but poursuivi. Établir l’impôt en parvenant à un résultat cohérent conforme aux objectifs poursuivis nécessite, au contraire, de combiner les deux principes énoncés par le « I » et le « II » de l’article 774 bis du CGI. On doit voir dans cet article une règle d’assiette interdisant la déduction du passif et conduisant corrélativement à imposer la valeur correspondante entre les mains du seul nu-propriétaire créancier sous le bénéfice d’une imputation des droits versés initialement. Certaines indications fournies par les travaux parlementaires attestent du lien existant entre les deux principes posés par les deux paragraphes de l’article 774 bis. L’exposé des motifs de l’amendement à l’origine du texte précise que le dispositif mis en place vise à limiter le recours aux opérations concernées « en remettant en cause la déductibilité de la dette de restitution de l’actif successoral du quasi-usufruitier et en prévoyant une liquidation des droits de mutation par décès sur la valeur de cette dette par le nu-propriétaire » (V. Sénat, Projet de loi de finances pour 2024, Amendement n° I-1868 rectifié bis, 24 nov. 2023).  Les travaux de l’assemblée Nationale se positionnent  dans le même sens lorsqu’après avoir rappelé le principe de non-déduction de la dette de restitution, ils indiquent que « le II de l’article ainsi créé prévoit en conséquence que des droits de mutation par décès seront applicables, sauf exceptions, sur la valeur de la dette de restitution, dus par le nu-propriétaire… » (Rapport. J.-R. Cazeneuve, Doc. AN 1994, vol. 1, p. 87).

Question n°5 : Est-il possible alors de retenir une autre interprétation du texte permettant d’éviter cet écueil qui résulterait d’une application trop littérale du texte ?

Réponse : Oui.

La combinaison des deux principes énoncés par le « I » et le « II » du texte doit, selon nous, conduire à liquider les droits de mutation par décès dus respectivement par les successeurs et le créancier de la dette de restitution de la manière suivante : dans un premier temps, conformément au « I » de l’article 774 bis du CGI, la dette de restitution concernée bien que répondant aux conditions de droit commun de déductibilité (CGI, art. 768) ne pourra pas être distraite de l’actif successoral. Elle sera comprise dans l’actif globalement soumis aux droits de mutation par décès, ce qui aura pour conséquence de majorer globalement l’assiette de ceux-ci comme le souhaite le législateur.

Dans un second temps, en application du « II » du même article, un sort particulier doit être réservé à cet actif artificiellement taxable correspondant à la valeur de la dette de restitution qui n’est pas déductible.

Autrement dit, chacune de ces deux parties du texte interfèrera à une étape distincte de la liquidation : la détermination de l’actif taxable globalement soumis aux droits de mutation par décès pour la première ; le calcul des parts taxables pour la seconde.

Question n°6 : La variation du montant de la dette de restitution résultant, par exemple, d’une indexation ou l’insolvabilité du débiteur susciteront-ils des difficultés spécifiques ?

Réponse : oui.

Les travaux parlementaires démontrent que le législateur a raisonné sur le postulat d’une dette de restitution calculée suivant le mode légal d’évaluation de la dette de restitution prévu par l’article 587 du Code civil et sans intégrer la question du recouvrement par le nu-propriétaire de la dette de restitution.  L’article 587 du Code civil fixe le montant de la dette de restitution de manière intangible au montant nominal en pleine propriété de la somme soumise au quasi-usufruit.  Mais il n’est pas rare qu’en pratique, une convention de quasi-usufruit soit établie, stipulant, pour protéger le nu-propriétaire des effets de l’érosion monétaire, dans le respect des dispositions impératives imposées par l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier, une indexation de la dette de restitution. La dette pourrait aussi être revalorisée en fonction de la valeur du bien acquis par le quasi-usufruitier au moyen des fonds laissés à sa disposition, conformément au mécanisme de la dette de valeur (C. civ., art. 1343, al. 2). Cette revalorisation créera potentiellement un hiatus entre l’assiette revalorisée de taxation du nu-propriétaire créancier et celle, intangible, ayant originairement servi à la liquidation des droits acquittés lors de la constitution de l’usufruit ; ces derniers droits étant imputables sur ceux dus par le nu-propriétaire. La situation inverse pourra également se produire. La taxation sui generis du nu-propriétaire telle qu’elle résulte de l’article 774 bis semble objective et inéluctable. Elle est décorrélée de l’aptitude du nu-propriétaire à recevoir effectivement le paiement de la dette restitution. L’insolvabilité du débiteur expose ainsi le nu-propriétaire à subir une taxation totalement décorrélée de sa faculté contributive effective, ce qui nous apparait problématique au regard de la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel. 

Question n°7 : Est-il possible de déterminer précisément comment les parts taxables revenant à chaque protagoniste devront être déterminées pour parvenir à une taxation cohérente ?

Réponse : Oui.

Un sort particulier doit selon nous être réservé, au plan liquidatif, à cet actif artificiellement taxable correspondant à la valeur de la dette de restitution non déductible. Cette dernière doit être imposée, comme le prévoit le 2e alinéa du II, exclusivement entre les mains du nu-propriétaire qui, au plan civil, recevra bien le paiement de la dette de restitution devenue exigible avec le décès du quasi-usufruitier. Cette imposition qui cible le nu-propriétaire conduira à majorer artificiellement la seule part taxable de ce dernier qui verra cette assiette ajoutée à sa part successorale ou, s’il n’est pas héritier, sera imposée sur cette unique assiette.  En pratique, un tel mode de taxation implique d’établir une liquidation différenciée, aux termes de laquelle les successeurs, autres que le nu-propriétaire, seront imposés suivant les modalités de droit commun, leur part taxable n’étant pas majorée de la dette de restitution qu’ils ne détiennent pas. Le nu-propriétaire verra, de son côté, la dette de restitution accroître sa part taxable. Ces modalités de liquidation permettront de respecter les objectifs poursuivis par le dispositif en majorant l’assiette des droits de mutation par décès en raison de la non-déductibilité de la dette de restitution, tout en faisant supporter l’imposition qui en résulte au seul créancier nu-propriétaire visé par le dispositif anti-abus. La part taxable des autres successeurs sera inchangée et les droits de succession calculés suivant les modalités habituelles. De son côté, le créancier de la dette de restitution sera, par dérogation à l’article 1133 du CGI, taxé sur la valeur correspondant à la dette de restitution suivant les modalités détaillées aux 1er et 2e alinéas du « II ».

Question n°8 : Les modalités de taxation du nu propriétaire créancier de la dette de restitution induiront-elles des spécificités liquidatives ?

Réponse : Oui à plusieurs égards.

Au décès du quasi-usufruitier, le nu-propriétaire qui recevra le paiement de la dette de restitution devra acquitter des droits de succession ; et ce, quand bien même il a reçu au plan civil la somme  par donation entre vifs ayant été soumise aux droits de donation. Le texte est, à cet égard, très clair quand il vise « la perception de droits de mutation par décès » (CGI, art. 774 bis II, al. 1er).

Ces droits seront liquidés en fonction du degré de parenté existant entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. Le texte précise de manière surprenante que ce dernier s’apprécie « au moment de la succession ou de la constitution d’usufruit, si les droits sont inférieurs ». Cette disposition permettra de neutraliser les conséquences néfastes qu’induirait un changement de situation survenu entretemps, tel qu’un divorce ou une rupture de PACS. La rédaction retenue à ce titre est également approximative dès lors qu’il s’agira dans une telle occurrence non d’un lien de parenté mais d’alliance.

Les droits dus par le nu-propriétaire créancier seront calculés en faisant abstraction du rappel fiscal afférent à la donation démembrée ayant engendré la dette. On perçoit d’ailleurs déjà à cet égard les difficultés induites par cette neutralisation lorsque d’autres donations seront intervenues entre les protagonistes dans les 15 ans suivant cette donation. Il conviendra alors de déterminer si la neutralisation reste cantonnée aux seuls abattements et tranches du tarif employés à la taxation de la donation démembrée, ou si elle rejaillit sur les libéralités subséquentes, ce qui pourrait à deux égards affecter les abattements et tranches du tarif progressif auxquels le donataire pourra prétendre. Enfin, pour satisfaire à la règle non bis in idem, qui, comme nous l’avons vu s’impose y compris au législateur, le nu-propriétaire pourra imputer sur les droits ainsi calculés ou plutôt sur le complément de droits engendré par le nouveau dispositif, ceux ayant été acquittés lors de la constitution de l’usufruit.

Question n°9 : Cette imputation bénéficiant au nu-propriétaire est-elle régie de manière suffisamment précise et claire par le texte ? Des incertitudes existe-elles également à cet égard ?

Réponse : Oui des incertitudes subsistent, la rédaction étant approximative.

Le texte précise que si les droits initialement acquittés excéderaient ceux dus à raison du décès de l’usufruitier, l’excédent ne pourrait pas donner lieu à restitution. Cette précision est superfétatoire. Cette conséquence s’évince du mécanisme même de l’imputation qui, sur ce point comme dans de nombreux autres, doit être distingué d’une restitution (V. sur cette distinction et les nombreuses différences opposant les deux mécanismes, F. Fruleux, Donations faisant l’objet d’un droit de retour légal ou conventionnel : restitution ou imputation des droits ? : JCP N 2008, n° 41, 1307).

Bien le texte ni les travaux parlementaires ne le précisent, cette imputation devrait pouvoir jouer lorsque, comme c’est fréquemment le cas, le donateur aura acquitté les droits en lieu et place du donataire lors de la constitution de l’usufruit ? La rédaction du texte qui vise sans autre restriction « les droits acquittés lors de la constitution de l’usufruit » diffère et est plus favorable que celle retenue à l’égard d’autres régimes d’imputation (CGI, art. 784 C. – CGI, art. 751) qui se réfèrent aux droits acquittés par le donataire. On sait par ailleurs, que nonobstant cette dernière rédaction restrictive, l’administration fiscale admet par mesure de tempérament le jeu de l’imputation, même lorsque les droits ont été pris en charge par le donateur (BOI-ENR-DMTG-10-20-50, 12 sept. 2012, § 90. – BOI-ENR-DMTG-10-10-40-10, 29 sept. 2014, § 100). Certes, une réponse ministérielle isolée n’émanant pas du ministre de l’Économie, des Finances, des Comptes publics ou du Budget, mais du garde des Sceaux concernant elle aussi les usufruits s’est fondée sur la rédaction stricte du texte (CGI, art. 1965 B) pour refuser l’imputation des droits réglés par le donateur. On peut toutefois douter du bien-fondé de cette analyse  et même émettre des réserves quant à sa conformité à la Constitution (V. F. Fruleux, Usufruit successif : le paiement des droits par le donateur fait-il vraiment obstacle aux droits à restitution du nu-propriétaire ? : Dr. fisc. 2020, n° 37, 282 ;  F. Fruleux, Transmission transgénérationnelle et usufruit successif : régime fiscal ou, en chiffres, pourquoi la réponse ministérielle DUBY-MULLER est infondée ? : Rép. min. n° 26892 : JOAN 2 juin 2020, p. 3863, Duby-Muller, JCP éd. N 2020, 1233).

Enfin, bien que le texte ne le précise pas l’imputation devrait en cohérence jouer dans la limite du complément de droits engendré par l’article 774 bis du CGI, ce qui nécessiterait d’établir à l’égard du nu-propriétaire créancier de la dette de restitution une double liquidation permettant de quantifier ce surcroît. Le praticien est déjà rompu à ce type d’exercices qu’il applique au titre d’un autre dispositif d’imputation (CGI, art. 751) afférent lui aussi aux usufruits.

L’exemple chiffré permet d’appliquer concrètement la méthode de liquidation des droits devant selon nous être suivie au titre du nouveau dispositif mis en place.

Données :

Monsieur Durand a 3 enfants Charles, Bertrand et Alice. Par acte notarié du 16 juin 2021, alors âgé de 84 ans, il a donné à cette dernière, hors part, la nue-propriété d’une somme d’argent de 200 000 € sur laquelle il a constitué à son profit un quasi-usufruit.

Auparavant, il n’avait gratifié aucun de ses enfants par donation. Il est décédé le 29 décembre 2023 en laissant à la survivance ses 3 enfants. Sa succession est dévolue ab intestat. 

Elle se compose de divers biens (en ce compris les meubles meublants évalués par inventaire) d’une valeur de 1 410 000 €. Le passif de succession s’élève à 10 000 € (en ce compris les frais funéraires évalués au forfait prévu par l’article 775 du CGI). Il comprend également la dette de restitution due à Alice conformément à l’article 587 du Code civil, d’un montant de 200 000 €.

Solution proposée :

La donation consentie à Alice en 2021 a été taxée comme suit :

Base taxable : 80 % x 200 000 € =         160 000 €

Abattement personnel                          – 100 000 €

Reste taxable :                                           60 000 €

Droits dus (TMI 20 %) :                            10 194 €

En application de l’article 774 bis, I, du CGI, la dette de restitution de 200 000 € due à Alice n’est pas déductible de l’actif taxable. Seules les autres dettes du défunt d’un montant de 10 000 € peuvent être distraites.

L’assiette servant globalement à asseoir les droits de mutation par décès s’élève donc à 1 410 000 – 10 000 € = 1 400 000 €.

L’actif taxable que constitue la dette de restitution non-déductible est imposable uniquement entre les mains du nu-propriétaire créancier.

La valeur correspondant à la dette de restitution non déductible d’un montant de 200 000 € donne lieu aux droits de mutation par décès dus par le nu-propriétaire, calculés d’après son lien de parenté avec le défunt (CGI, art. 774 bis II, al. 1er), ce qui conduit à l’imposer exclusivement entre les mains d’Alice qui recevra le paiement de la dette de restitution.

Le solde de l’actif successoral taxable, soit 1 400 000 – 200 000 = 1 200 000 € se répartit par tiers, comme usuellement, entre Alice et Bertrand, soit 400 000 € chacun.

Au final :

• la part successorale taxable d’Alice créancière de la dette de restitution s’élève en conséquence  à : 200 000 + 400 000 = 600 000 € ;

• celle de Charles et Bertrand qui ne sont pas concernés par le dispositif, reste fixée à 400 000 €.

Les droits dus par Alice sont calculés sur sa part taxable majorée à 600 000 €, au tarif en ligne directe (CGI, art. 774 bis II, al. 1er).

Bien qu’ayant moins de 15 ans, la donation  de 2021 n’est pas prise en compte pour déterminer le montant de l’abattement et des tranches du tarif progressif applicables à la liquidation des droits de succession, la donation étant expressément exclue du rappel (CGI, art. 774 bis II, al. 2).

Part taxable :                                   600 000 €

Abattement :                               – 100 000 €

Reste taxable :                                500 000 €

Droits dus (TMI) 20 % :                  98 194 €

Alice peut imputer sur les droits de succession dont elle est redevable les droits de donation acquittés lors de la constitution de l’usufruit (CGI, art. 774 bis II, al. 3).

Malgré le silence du texte, en cohérence, cette imputation  devrait être limitée au complément de droits de succession résultant de la taxation entre les mains d’Alice de la dette de restitution, ce qui nécessiterait de chiffrer ce complément.

Il conviendrait donc de comparer le montant des droits effectivement dus par Alice avec ceux qui eussent été exigibles en l’absence de taxation de la dette de restitution.

Ils se calculent comme suit :

En l’absence de l’article 774 bis du CGI, la dette de restitution aurait été déductible de l’actif taxable pour fixer l’assiette des droits de succession.

L’actif imposable se serait élevé à 1 410 000 – 210 000 = 1 200 000 €

La part taxable de chaque enfant se serait élevée à 1 200 000 € / 3 = 400 000 €

Les droits dus par Alice auraient été calculés comme suit (en tenant compte du rappel fiscal de la donation de 2021).

Part taxable :                                                 400 000 €

Abattement :                                                 Néant

Reste taxable :                                               400 000 €

Droits dus (20 % x 400 000 €) =   80 000 €

Avec l’application de l’article 774 bis du CGI, les droits dus par Alice s’élèvent à 98 194 €

Soit un surcroit de droits de succession de 18 194 €

Ce surcroit étant d’un montant plus élevé que les droits acquittés en 2021 et imputable (10 194 €), l’imputation joue pleinement.

Montant des droits de succession effectivement dus par Alice après imputation : 98 194 € – 10 194 = 88 000 €

Droits dus par Charles, Bertrand :

Part taxable :                                                 400 000 €

Abattement :                                               – 100 000 €

Reste taxable :                                               300 000 €

Droits dus (TMI) 20 % :                                58 194 €

Droit fiscal
François FRULEUX

François FRULEUX

Docteur en droit

Diplômé Supérieur du Notariat

Maître de conférences associé à l’Université Paris-Dauphine

Membre du Centre de Recherche Droit Dauphine (CR2D)

Directeur du Jurisclasseur Fiscal Enregistrement Traité

Membre du comité scientifique de la revue Actes pratiques et stratégie patrimoniale, du Jurisclasseur Ingénierie du patrimoine et du Lexis Pratique Fiscal

Consultant auprès du CRIDON Nord-Est

Enseignant à l’AUREP