Question prioritaire de Constitutionnalité : Légataire universel, indemnité de réduction et paiement des droits de succession (Décision n° 2023-1051 du 1er juin 2023)
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L’illustration par un exemple de la problématique soulevée semble ici nécessaire. Prenons le cas d’un défunt qui laisse pour lui succéder son épouse et ses enfants. Par testament, il avait institué son épouse légataire universelle cumulant cette qualité avec celle d’héritière. Saisie de l’intégralité des biens de la succession, elle se retrouve logiquement débitrice d’une indemnité de réduction à l’égard des enfants, héritiers réservataires. Ainsi, ces derniers pour être allotis de leur réserve ne disposeront d’aucun droit réel sur les biens de leur auteur mais d’une créance à l’égard du légataire universel. Toutefois, l’article 641 du CGI prévoit expressément le dépôt d’une déclaration de succession dans les six mois du décès par les héritiers alors tenus de s’acquitter des droits de succession dans le même délai.
Ainsi, dans une affaire semblable, des héritiers réservataires déposant la déclaration hors délai se sont vu appliquer des pénalités quand bien même ils auraient procédé au paiement de droits sur des sommes qu’ils n’auraient pas encore perçues pour des raisons indépendantes de leur volonté. La Cour de cassation estimant le caractère sérieux de la problématique renvoya la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel.
Les sages de la rue de Montpensier statuant sur le caractère constitutionnel des articles susvisés ont jugé conformes à la Constitution les dispositions. Pour arriver à cette conclusion, ils se sont appuyés sur une lecture stricte des différents textes et de la position jurisprudentielle établie à ce sujet. Ainsi, le Conseil Constitutionnel a pu estimer que les héritiers réservataires disposaient en cas d’atteinte à leur réserve, dès l’ouverture de la succession d’une créance certaine à l’égard du légataire universel, matérialisée par l’indemnité de réduction.
Par ailleurs, le paiement effectif de l’indemnité de réduction aux héritiers réservataires est sans conséquence sur leur obligation de s’acquitter des droits de mutation par décès. Alors même que le versement de cette indemnité serait retardé en raison du comportement du légataire universel, cela « est sans incidence sur l’appréciation des capacités contributives de l’héritier à raison de l’actif que constitue cette créance, qui est certaine. »
Enfin, le Conseil rappelle les moyens de recours dont disposent les héritiers pour recouvrer leur créance : procédures de droit commun, faculté de demander au juge la désignation d’un mandataire successoral afin d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale » (Art. 813-1 du code civil).
Avis de l’AUREP
Cette réponse apparait logique au vu des textes malgré les difficultés pratiques engendrées par une telle situation. Ceci reflète d’ailleurs l’évolution du droit des successions depuis 2007 avec la monétisation de la réserve héréditaire. En cas de mauvaise foi du légataire universel, il est certain que les héritiers réservataires bien que disposant de recours judiciaires devront s’armer de patience pour voir le paiement effectif de l’indemnité se matérialiser.