Procédures de rectification : une proposition de rectification peut-elle être notifiée par voie dématérialisée ?

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La notification d’une proposition de rectification par l’Administration à un contribuable se fait-elle nécessairement par envoi postal ? Cette importante question fut récemment soumise à l’examen des juges de la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 28 juin 2024, n°22PA05281). Il apparait important sinon nécessaire d’étudier la solution retenue en ce qu’elle est susceptible d’appeler une vigilance accrue des contribuables1.

En l’espèce, un couple avait, en 2009, réalisé un investissement immobilier dans le cadre du dispositif fiscal « Scellier ».  A la suite d’un contrôle sur pièce des années 2013, 2014 et 2015, l’Administration fiscale les a assujettis, au titre de chacune de ces années, à des suppléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales remettant en cause des réductions d’impôt dont ils se sont prévalus au titre de l’investissement susvisé.

L’enjeu du litige s’est porté autour de la forme utilisée par l’Administration pour notifier aux contribuables cette proposition de rectification.

Habituellement effectué par voie postale, les faits révèlent ici que la notification de la proposition était intervenue par voie dématérialisée par le biais d’une application d’échanges de fichiers sécurisées de l’administration fiscale dénommée « Escale ». Plus spécifiquement, l’Administration avait adressé, sur l’adresse électronique qui lui avait été communiquée, un courriel aux contribuables contenant un lien vers l’application sécurisée permettant de télécharger la proposition de rectification. 

Les contribuables remettaient en cause la voie dématérialisée utilisée dans le cadre de cette notification. Selon eux cette méthode contrevenait aux dispositions de l’article R. 103-1 du Livre des procédures fiscales (LPF) qui, dans le respect du secret professionnel, vise une transmission sous enveloppe fermée des correspondances échangées entre l’Administration et les contribuables. 

De son côté, l’Administration versait aux débats une capture d’écran du rapport, généré par cette application, indiquant que le destinataire du courriel avait téléchargé le fichier mis à sa disposition.

Que disent les textes ?

L’article L 57 du LPF dispose que « l’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. » 

Le reste restant silencieux sur la forme de la notification, penchons-nous désormais sur la doctrine administrative (BOI-CF-IOR-10-30). Les commentaires visent pour leur part une notification « normalement » effectuée par voie postale via un expédition sous pli fermé en recommandé avec avis de réception conformément à l’article R.103-1 précité.

Confrontés à la question de la légalité de la présente méthode, les juges de première instance (TA Melun, 17 mai 2018, n°1604700) avaient, à l’époque, admis le caractère régulier de cette notification de la proposition de rectification au motif qu’elle « présentait des garanties équivalentes au dépôt d’un avis de passage par la Poste. »

Saisie sur appel des contribuables, la Cour d’appel administrative de Paris valide à son tour cette forme dématérialisée de la notification.

Reprenant un principe établi par le Conseil d’Etat dans une autre affaire (CE, 8 févr . 2012, n°336125), elle écarte, en l’absence de dispositions lui imposant, une obligation pour l’Administration de recourir exclusivement à l’envoi d’une proposition de rectification par lettre recommandée avec accusé de réception. Toutefois, « si elle utilise d’autres voies, elle doit justifier de la notification de la proposition de rectification par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes. »

En l’espèce, la Cour estime que le rapport téléchargé par le contribuable sur la messagerie sécurisée, « présente des garanties équivalentes à celles d’un envoi par lettre recommandée avec accusé de réception, en ce qui concerne tant la date de la notification de la proposition de rectification et de la connaissance qu’en avait le contribuable, que la confidentialité de la transmission de ce document. » Dès lors, elle estime que l’Administration fiscale apporte la preuve de la régularité de la notification litigieuse.

Pour autant, les juges du fond rappellent que cette voie de notification doit, conformément à l’article R. 57-1 du Livre des procédures fiscales, faire connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. En l’espèce, les conditions étaient réunies en ce que la proposition de rectification adressée précisait « les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d’imposition concernées, permettant aux contribuables de présenter utilement leurs observations. »

Avis de l’AUREP : Dans l’ère du temps, cette solution admettant la régularité d’une notification de proposition de rectification effectuée par voie matérialisée révèle en fait une certaine continuité de la logique suivie par le Conseil d’Etat en 2012. Si à l’époque, la Haute juridiction admettait, la validité d’une notification effectuée via un pli Chronopost, la décision entendait plus largement ne pas cantonner à l’envoi postal la forme de la notification, pourvu que la voie utilisée offre des garanties équivalentes.  Certains commentateurs se demandaient d’ailleurs à l’époque, si la prochaine étape n’était pas la notification par courriel avec accusé de réception, le tout étant, on l’aura compris, que le contribuable reçoive sa proposition de rectification2.   

  1. [1] J-D Errard, « Contrôle fiscal : une nouvelle façon de procéder ! », Gestion de Fortune, 15 oct. 2024 ↩︎
  2. [2] L. Faulcon et A. Fournier, « Modalités de notification de la proposition de rectification : qu’importe le flacon… « , Droit fiscal n° 27, 5 juillet 2012, comm. 368 ↩︎

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Communication AUREP

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