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PAR ICI LA SORTIE !

Eclairage du 20 septembre 2019 - N°320

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Après avoir abordé l’entrée dans la société – sous l’angle des clauses d’agrément notamment – puis le fonctionnement de celle-ci – avec le duo comptabilité/fiscalité –, voici venu le temps de la sortie, qu’elle concerne un associé… ou la société elle-même ! 

Nous donnerons ainsi quelques exemples des chemins qui conduisent à cette sortie et de ce qui se passe alors – voire de ce qui arrive parfois ensuite. L’occasion donc de boucler la boucle et de vérifier si, comme certains l’affirment sans états d’âme, la fin justifie bien les moyens…

Avant d’aborder le sort de la société et de ses parts, prenons quelques lignes pour régler le sort des comptes courants d’associés. Quelques mots à peine, mais des mots qui ont parfois manqué aux praticiens, avec à la clef des conséquences désagréables.

Nième rappel…

Ainsi, un associé ayant cédé la totalité de ses parts dans une société a ensuite assigné cette dernière en remboursement de son compte courant créditeur.

La Cour de cassation a une nouvelle fois expliqué que « la cession de parts sociales n’emporte pas cession du compte courant ouvert au nom du cédant », d’où la légitime demande de remboursement du cédant dès lors que la cour d’appel « n’a pas constaté l’existence d’un accord de cession ayant porté sur les comptes courants » (Cass. com., 11 janv. 2017, n° 15-14.064).

Plus récemment encore, une décision est venue rappeler ce principe : l’acte de cession des parts sans aucune stipulation mentionnant le sort du compte courant du cédant est réputée ne concerner que lesdites parts sociales (CAA Douai, 7 mars 2019, n° 17DA01004, dans le cadre d’un redressement relatif à une plus-value immobilière des particuliers).

L’occasion d’un retour sur la question du remboursement du compte courant d’associé est trop belle pour que nous ne la saisissions pas au bond !

Remboursement à tout moment…

Pour refuser le remboursement de son compte courant à un associé sauf à obtenir l’accord de tous les associés, la cour d’appel de Paris a retenu que « ce paiement revient à privilégier sa situation au détriment des engagements souscrits par les autres associés » ; en référence à l’article 1836, alinéa 2, du Code civil, elle affirme en effet qu’« en aucun cas, les engagements d’un associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci ».

La Cour de cassation a écarté ce raisonnement et rappelé en la matière que, « sauf stipulation contraire, un associé est en droit d’exiger le remboursement de son compte courant à tout moment » (Cass. 3e civ., 3 mai 2018, n° 16-16.558).

Le principe est donc posé. Nonobstant, il peut toute de même se heurter à certaines limites. La principale a trouvé illustration encore récemment devant les tribunaux.

… ou presque !

Un remboursement de comptes courants a été effectué quelques jours après un arrêt de la Cour de cassation permettant à un couple de demander la restitution de plus de 165 000 € versés à la société en application de l’arrêt d’appel. Cette opération a été effectuée alors même qu’elle rendait d’évidence inéluctable la déclaration de cessation des paiements – intervenue d’ailleurs peu de temps après, début janvier – puisque la société avait cessé toute activité.

La Cour de cassation en a déduit que « les remboursements des comptes courants d’associés constituaient des fautes de gestion en ce que, privant la société (…) de toute trésorerie du fait de l’absence d’actif disponible permettant d’exécuter la condamnation, ils empêchaient par là-même la poursuite de l’instance judiciaire ».

En conclusion, « si les associés ont droit au remboursement à tout moment de leur compte dit courant, c’est à la condition que ce remboursement ne constitue pas un paiement préférentiel au détriment des créanciers de l’entreprise » (Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-10.119).

Vite reprises ou longtemps laissées à disposition de la société, les sommes ne devraient que très exceptionnellement être considérées comme des créances prescrites.

Prescription en attente du top départ…

A propos de la mise en paiement de dividendes par inscription au compte courant de l’associé, la Cour de cassation a fait œuvre pédagogique pour expliquer que, « tant que l’associé ne demande pas le remboursement de son compte courant, cette créance n’est pas exigible et ne peut être affectée par la prescription » : ainsi, « la prescription de la créance de remboursement du compte courant d’un associé ne court qu’à compter du jour où ce dernier demande le paiement du solde de son compte et non pas à compter de la décision de distribution des dividendes prise par l’assemblée générale, ni de leur mise en paiement par inscription en compte courant, ni de leur inscription à un autre compte par la société » (Cass. com., 18 oct. 2017, n° 15-21.906).

Mais venons-en à la société elle-même et voyons comment parfois le piège se referme sans que l’associé n’arrive à se dégager…

Solution : dissolution ?

Le fonctionnement normal d’une société est perturbé par « une mésentente durable et l’absence de toute confiance entre les associés, opposés dans une procédure judiciaire de partage successoral » ; dès lors, « la vie de la société est caractérisée par un antagonisme en deux camps qui disposent exactement du même nombre de parts sociales », les résolutions nécessaires n’étant prises qu’en vertu de la voix prépondérante du gérant.

Dans cette situation, « si l’absence de blocage est avérée, cette situation est de pure forme » et à moyen terme « c’est l’équilibre financier de la société qui est compromis par la mésentente » (dépôt de projets différents et concurrents en mairie au nom de la société, perte imputable aux loyers dérisoires payés par les sociétés gérées par l’un des associés, etc.).

C’est beaucoup, peut-être, mais pas assez encore : il s’agit de « motifs impropres à établir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société » (Cass. com., 5 avr. 2018, n° 16-19.829).

Pour ceux qui n’auraient pas suivi, la Cour de cassation a réalisé le doublé en un peu moins d’un mois.

Paralysie exigée

Dans une autre affaire récente, une demande identique n’a pas eu plus de succès alors que celle qui demandait la dissolution mettait notamment en avant les manigances des autres associés : ainsi, « au titre des inexécutions de ses obligations d’associé (…) figurait en première place la manœuvre ayant consisté pour [l’un des associés] à faire acquérir par la société son fonds libéral pour un prix surévalué, en contournant les règles sur les conventions réglementées ».

La Cour de cassation, pour refuser la demande, a répété que « l’inexécution de ses obligations par un associé ne permet, en application de l’article 1844-7, 5°, du code civil, le prononcé judiciaire de la dissolution anticipée de la société pour juste motif qu’à la condition qu’elle paralyse le fonctionnement de la société » (Cass. com., 3 mai 2018, n° 15-23.456).

S’il arrive fort heureusement, de gré ou de force, que l’associé puisse prendre le large, il convient encore de valoriser les titres de la société, exercice que des intérêts divergents peuvent singulièrement compliquer.

Expertise d’ordre public…

Un associé exclu d’une société civile par décision de l’assemblée générale de celle-ci a contesté la valorisation de ses parts à laquelle cette même assemblée avait procédé et a assigné la société aux fins de voir désigner un expert en application de l’article 1843-4 du Code civil.

Or il se trouve qu’un article des statuts de la société accordait au tribunal arbitral le pouvoir de procéder lui-même à l’évaluation des parts sociales de l’associé retrayant ou exclu et de statuer en dernier ressort.

Pour la Cour de cassation, « il résulte de l’article 1843-4 du code civil que les décisions rendues en application de ce texte sont sans recours possible » et « il n’y est dérogé qu’en cas d’excès de pouvoir ».

… et arbitrage possible

Elle valide l’analyse de la cour d’appel de Paris : « le caractère d’ordre public de l’article 1843-4 du code civil n’exclut pas l’arbitrabilité du litige » et « la circonstance que cette clause accorde aux arbitres le pouvoir de procéder eux-mêmes à cette évaluation et de trancher le litige, contrairement au pouvoir de l’expert nommé en application de l’article 1843-4 du code civil d’évaluer sans trancher, ne la rend pas manifestement inapplicable ou nulle ».

Le pourvoi en cassation, comme l’appel avant lui (« une décision qui n’est pas entachée d’excès de pouvoir et qui n’a pas consacré un excès de pouvoir »), est donc irrecevable (Cass. com., 10 oct. 2018, n° 16-22.215, publié au bulletin).

Question de valeur toujours, évoquons brièvement une sombre affaire qui illustre tristement les conséquences d’une séparation qui tourne au règlement de compte.

Sabotage !

Après dissolution judiciaire d’une SCI entre ex-époux pour mésentente entre associés en paralysant le fonctionnement, l’ex-mari a obtenu des dommages-intérêts contre celle qui, « en refusant abusivement à la fois d’assumer les charges de l’immeuble, ce qui aurait empêché celui-ci de se dégrader, et de signer un mandat de vente », lui avait porté préjudice. En effet, « le comportement fautif de [l’ex-épouse] avait entraîné une perte de valeur des parts de la SCI justifiant l’octroi de dommages-intérêts » (Cass. 3e civ., 12 oct. 2017, n° 16-23.748).

Voilà une maigre consolation lorsqu’un « climat extrêmement conflictuel entre les ex-époux » a conduit au désastre : « il apparaît que la végétation a envahi le jardin ainsi que l’intérieur de l’habitation, que l’état de celle-ci est extrêmement dégradé, que les animaux y pénètrent, que l’étanchéité n’y est plus assurée et qu’elle est devenue totalement inhabitable ». Ruine sur ruines…

A l’inverse, la bonne volonté est souvent appréciée, même si elle ne sauve pas toujours ceux qui en font montre.

Bonne volonté récompensée

En l’occurrence, dans une affaire où les parties s’étaient enlisées, le liquidateur amiable a réussi, non sans mal, à s’extraire d’une situation qui, à défaut d’être inextricable, nécessitait sans doute quelques pas en arrière pour que la sortie soit trouvée.

Une société civile avait comme seul actif social un domaine dont l’acquisition avait été accompagnée de la conclusion d’une convention de gardiennage avec le cédant.

Les choses ayant mal tourné, la société était dissoute pour mésentente entre ses associés et le liquidateur amiable finissait par accepter, dans le cadre d’une transaction, la rétrocession du domaine au cédant, choix aussitôt mis en cause par les associés.

La cour d’appel de Paris, au regard des circonstances, validait la démarche du liquidateur qui avait eu le mérite de débloquer une situation dans l’impasse depuis fort longtemps, la dissolution étant alors ouverte depuis presque six ans (CA Paris, 12 févr. 2019, n° 16/24459).

Pour partir, il faut donc parfois non seulement solder l’actif, mais encore s’acquitter de ses dettes. Et même de celles qu’on imagine abandonner en abdiquant sa qualité d’associé.

Pas délivré si le capital n’est pas libéré !

Une SCI a assigné une femme ayant obtenu son retrait, ainsi que l’annulation de ses parts et leur paiement, pour obtenir 160 000 € correspondant au montant de l’apport appelé et non libéré de cette dernière, dont a été déduite la valeur de ses parts sociales.

La cour d’appel de Bordeaux avait rejeté cette demande en expliquant que suite au retrait de l’associée, la société n’était plus fondée à solliciter de cette dernière la libération de son apport.

Pour la Cour de cassation, rien ne justifie une telle faveur car « le capital social non libéré est une créance de la société contre son associé qui ne s’éteint pas lorsque celui-ci se retire de la société » ; en effet, « chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu’il a promis de lui apporter en nature, en numéraire ou en industrie » (Cass. 3e civ., 17 janv. 2019, n° 17-22.070, en référence à C. civ., art. 1843-3, al. 1er).

Il faut donc s’acquitter de son dû avant de quitter le navire ; et lorsque celui-ci a été sabordé, l’équipage qui en est descendu n’en est pas quitte pour autant.

Et après?
En septembre 2010, au regard de désordres affectant le système d’assainissement d’un immeuble qu’une SCI lui avait vendu, une femme a directement assigné en paiement de dommages-intérêts les associés de cette société.

La cour d’appel de Montpellier, au visa de l’article 1858 du Code civil, lui reproche de ne pas justifier de l’exercice de vaines poursuites préalables à l’encontre de la SCI.

Le (gros) hic : la SCI « avait fait l’objet d’une dissolution et d’une liquidation amiable le 25 novembre 2008, suivies d’une radiation du registre du commerce et des sociétés le 2 février 2009 », situation qui évidemment compliquait singulièrement les poursuites contre elle… et rendait les exigences de la cour d’appel hors de propos (Cass. com., 21 mars 2018, n° 16-18.362).

Profitons-en pour rappeler néanmoins que « toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société » (C. civ., art. 1859).

La jurisprudence étant souvent facétieuse, elle nous donne une fois de plus l’occasion de clore ce chapitre de manière originale puisque nous allons terminer par la dissolution… d’une société créée de fait !

Pas de société mais quelques règles

Rappelons d’abord qu’une société de fait, si elle réunit les éléments caractérisant tout contrat de société (apports, volonté de collaborer à un projet commun sur un pied d’égalité et intention de participer aux bénéfices et aux pertes), n’a pas la personnalité morale et que s’appliquent également à elle les règles prévues pour la société en participation (C. civ., art. 1873).

Au cas particulier, un homme a notifié à son associé dans une société créée de fait exploitant une officine de pharmacie sa volonté de mettre un terme à leur indivision.

Aux termes de l’article 1872-2 du Code civil, « la dissolution d’une société créée de fait peut résulter à tout moment d’une notification adressée par l’un d’eux à tous les associés, pourvu que cette notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps », toutes choses que la cour d’appel de Lyon, qui s’est concentrée sur la question de l’éviction systématique des candidats acquéreurs, n’avait pas caractérisées (Cass. com., 10 avr. 2019, n° 17-28.834, publié au bulletin).

Pirouette !

Permettez que nous terminions à la fois cet article et la trilogie à laquelle il appartient par une pirouette : s’il est utile de connaître les règles applicables en cas de retrait d’associé comme en cas de dissolution, le mieux ne serait-il pas encore d’éviter, autant que faire se peut, d’en arriver là ? Pour cela, cultivons l’affectio societatis chez nos clients, ce qui exige qu’ils comprennent les solutions proposées et y adhèrent.

Droit fiscal
Pascal PINEAU (AF2P)

Pascal PINEAU (AF2P)

Associé gérant chez SARL Atelier Formation Pascal Pineau