L’arrêt objet de notre observation aujourd’hui se révèle pédagogique en ce qu’il permet de rappeler quelques principes en matière de prescription fiscale.
En l’espèce, Monsieur X, veuf, avait légué à son auxiliaire de vie Madame Y une somme de 10 000€ en date du 23 janvier 2012. Par voie de codicille du 25 octobre 2013, il déclarait léguer à Mme Y, la somme de 300 000€ à laquelle pourra s’ajouter la vente du contenu actuel de son appartement. Il disposait au travers de son testament considérer son auxiliaire de vie comme sa fille et que sa défunte épouse la considérait également comme un membre de la famille.
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En février 2004, Madame Y et Monsieur X ont conclu un PACS, huit jours avant le décès de ce dernier. La déclaration de succession a été déposée le 1er août 2014 par ses ayants droits.
Le 16 janvier 2018, l’Administration fiscale adressa à Madame Y une proposition de redressement. Elle revendiquait le caractère fictif du PACS pour remettre en cause l’exonération de droits dont l’intéressée s’était prévalue sur les biens reçus par legs. Elle mit en œuvre la procédure de l’abus de droit (LPF, art. L64) arguant du fait que la conclusion du PACS fictif n’avait pour aucun autre motif que celui de bénéficier de l’exonération de droits de succession de l’article 796-0 bis du CGI.
Contestant ces rehaussements, Madame Y assigna l’Administration en vue de déclarer prescrite sa proposition rectificative et, de la décharger en conséquence des sommes mises à sa charge.
Dans ses prétentions, l’Administration justifiait le caractère fictif du PACS au regard de la combinaison de plusieurs éléments allant à l’encontre de ses conditions de validité. Les intéressés âgés respectivement de 95 et 60 ans disposaient de domiciles distincts, Monsieur X résidant dans un établissement pour personnes âgés, et, les dispositions testamentaires faisaient état d’une relation quasi-familiale et non sentimentale. Par ailleurs, elle faisait valoir la validité de son action au motif que la déclaration de succession ne lui permettait pas d’apprécier, hors recherches ultérieures, le caractère insincère du PACS. Dès lors, l’Administration considérait le délai de reprise prolongé de 6 ans applicable, le délai abrégé de 3 ans étant insuffisant.
Cet argumentaire ne suffit pas à convaincre les juges de la Cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 4 oct. 2022, n° n° 20/03900) qui confirmèrent le caractère prescrit du redressement. La déclaration de succession à laquelle était annexés le testament ainsi que son codicille permettait, selon les juges, à l’Administration d’établir le caractère fictif du PACS sans qu’il y ait lieu de procéder à des recherches ultérieures.
Saisie sur pourvoi de l’Administration, la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 29 mai 2024, n° 22-24.008) rappela les principes existant en matière de prescription fiscale. L’article L. 180 du LPF prévoit un délai de reprise abrégé de 3 ans à compter de l’année d’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration dès lors que l’exigibilité des droits et taxes a suffisamment été révélée. Dans le cas négatif, l’article L. 186 du même code prévoit un délai de reprise prolongé de 6 ans dès lors que « la connaissance de l’exigibilité des droits ne résulte pas de manière certaine et directe du seul examen d’un acte enregistré ou présenté à la formalité et que des recherches ultérieures sont nécessaires ».
Au demeurant, la Haute juridiction reprend la logique suivit par les juges du fond, l’exigibilité des droits a suffisamment été portée à la connaissance de l’Administration au travers de la déclaration de succession et de ses documents annexes déposés. Dès lors, cette dernière était en mesure d’établir la fictivité du PACS dans le délai de reprise abrégé de l’article L. 180 du LPF. Le redressement adressé était donc prescrit.
Avis de l’AUREP : Le temps aura donc eu raison de cette histoire qui réunissait pourtant tous les ingrédients d’un redressement fiscal gagné d’avance !
Pour autant, nous attirerons ici l’attention de nos lecteurs, sur le risque que peut représenter la conclusion d’un PACS dénué d’existence réelle. Au cas d’espèce, l’absence de « vie partagée » entre les partenaires serait de nature à les exposer à une fictivité du PACS conclu au regard d’une absence de respect de ses conditions de validité.