Le Conseil d’Etat vient d’effectuer un important et nécessaire rappel à l’approche de la période déclarative (CE, 5 avr. 202, n°490411).
On le sait, les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values de cession de valeurs mobilières font en principe l’objet d’une taxation au prélèvement forfaitaire unique de 12,8%. Toutefois, le législateur (CGI, art. 200 A) offre au contribuable la possibilité d’opter (case 2OP de la déclaration n°2042) pour l’intégration de l’ensemble de ces revenus, gains nets, profits, plus-values et créances dans l’assiette du revenu net global imposable au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Le texte prévoit que cette option expresse et globale est irrévocable. L’Administration précise au travers de sa doctrine administrative, que cette option est susceptible de modification jusqu’à la date la date limite de dépôt de la déclaration de revenus. Au-delà, l’irrévocabilité s’applique.
Par ailleurs, en vertu d’une réponse ministérielle Rabault du 25 février 2020 (RM Rabault, 25 févr. 2020, n°24560, JOAN p.1437) une option pour le barème progressif au-delà de la période déclarative semble être admise par voie de réclamation. Cette tolérance est justifiée en raison du droit à l’erreur et d’un contexte où, à cette époque, bon nombre de contribuables n’avaient pas formulé l’option quand bien même elle présentait un intérêt évident.
Plus récemment, un parlementaire avait interrogé le gouvernement au regard de cette différence de traitement fiscal. Plus précisément, il était souligné le fait qu’il soit admis de pouvoir rectifier a posteriori sa déclaration dans un sens (PFU vers barème progressif) et non dans l’autre (barème progressif vers PFU). La réponse ministérielle (RM Klinkert, 24 oct. 2023, JOAN n°3778, JOAN p. 9400) était venue rappeler les deux tolérances précitées justifiant du droit à l’erreur, en ajoutant toutefois, que l’option était irrévocable au-delà de la période déclarative si bien que le contribuable ne peut y renoncer en cours de contrôle ou dans le délai de réclamation.
Le Conseil d’Etat avait alors été saisi d’un recours pour excès de pouvoir tendant à annuler à titre principal les dispositions de cette réponse ministérielle en ce qu’elle prévoit le caractère irrévocable de l’option. En clair, le requérant revendiquait la possibilité pour le contribuable de renoncer au-delà de la date limite fixée pour la déclaration des revenus, à son option. Les juges ont d’abord rappelé que les réponses ministérielles ne constituent en principe pas des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours contentieux, sauf si elles comportent une interprétation de la loi fiscale pouvant leur être opposées par le contribuable (LPF, art. L80 A). Cette précision est importante en ce qu’elle permet de comprendre que l’enjeu résultait ici dans la recherche d’une interprétation potentielle de la loi fiscale par la réponse ministérielle critiquée.
Selon la Haute juridiction administrative, il ressort de la lettre même du texte que l’option revêt un caractère irrévocable. Les juges ajoutent qu’il « en découle qu’en énonçant que le contribuable qui l’a exercée ne peut plus ensuite y renoncer, en cours de contrôle ou dans le délai de réclamation, la réponse ministérielle en cause ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale au sens des dispositions précitées de l’article L. 80A du livre des procédures fiscales. »
Conforme à la lettre du texte, le Conseil d’Etat écarte donc le recours pour excès de pouvoir formulé contre la réponse ministérielle Klinkert. Il refuse également de transmettre au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité afférente aux dispositions visées, celles-ci ne portant pas atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Avis de l’AUREP
La décision apparait justifiée en ce qu’elle résulte d’une lecture stricte des textes (art. 200 A CGI). Par ailleurs, la dichotomie existant entre possibilité de rectification a posteriori dans un sens (PFU vers barème progressif) et non dans l’autre (barème progressif vers PFU) nous apparait justifiable.
En effet, dans le premier cas de figure on comprend assez aisément que l’Administration tolère une rectification a posteriori, l’erreur résultant dans la majorité des cas d’un oubli. En revanche, dans le deuxième cas de figure, l’irrévocabilité de l’option au-delà de la période déclarative apparait logique, l’option résultant d’un acte volontaire et d’un choix supposé éclairé du contribuable. L’admission d’une rectification de cette option laisserait entrevoir une certaine précarité et instabilité juridique attachée à cette option.
Pour autant, l’autre logique consistant à relever une asymétrie de traitement s’entend : pourquoi offrir une tolérance dans le premier schéma ? Ne devrait-on pas considérer l’absence d’option formulée comme une un choix tacite et volontaire du contribuable ? Enfin, ne devrait-on pas voir dans cette tolérance un caractère temporaire en ce qu’elle entendait au moment de sa mise place pallier de nombreux oublis dommageables au contribuable en raison d’une introduction récente du PFU. La pédagogie réalisée depuis par l’Administration autour de la possibilité de cette option laisserait sans doute entrevoir la fin d’une tolérance qui ne se justifierait plus.