Nous avions il y a quelques semaines consacré un éclairage sur les évolutions entourant le régime fiscal des locations meublées touristiques.
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L’on rappellera à titre liminaire que la loi de finances pour 2024 a modifié en profondeur le régime fiscal micro-BIC applicable aux meublés de tourisme. Dès lors, le nouvel article 50-0 du CGI prévoit notamment un durcissement du régime micro-BIC pour les meublés de tourisme non-classés en ce que sont abaissés aussi bien le taux forfaitaire d’abattement (30%) que le seuil de recettes pour en bénéficier (15 000 €).
Le 14 février dernier, l’Administration a précisé dans sa doctrine administrative, les conditions d’application du nouvel article. Elle a entre autres, précisé que les dispositions nouvelles étaient applicables aux revenus perçus en 2023. Toutefois, afin de limiter les conséquences d’une application rétroactive de cette mesure à des opérations déjà réalisées, l’Administration prévoyait une tolérance administrative pour les contribuables.
Pour l’imposition des revenus perçus en 2023, le loueur en meublé disposerait donc d’une option, il pourrait à son choix :
- Appliquer les dispositions de la dernière loi de finances,
- Continuer d’appliquer les dispositions fiscales antérieures.
En clair, le durcissement opéré dans le souci de limiter l’essor des locations saisonnières au profit de la location longue durée, ne produirait plus les effets escomptés à court terme.
Nous avions émis quelques doutes quant au bien-fondé de ces commentaires. D’abord, s’agissant des contribuables louant un meublé de tourisme non classé, l’option pour le régime antérieur devrait avoir un caractère systématique dans la mesure où elle sera toujours favorable au contribuable (abattement forfaitaire de 50% si CA < 77 700€ contre abattement de 30% si CA < 15 000€).
Ensuite, l’option ne règle en aucune manière les incohérences rédactionnelles attachées aux meublés de tourisme classés non situés en zone tendue. On rappellera simplement que ces biens, au sens du texte, relèveront du régime micro-BIC dès lors que leur chiffre d’affaires annuel sera inférieur à 188700€ mais le taux d’abattement forfaitaire applicable dépend du chiffre d’affaires hors taxes retiré de l’ensemble des locations meublées du foyer fiscal. L’abattement est par principe de 71% mais si le chiffre d’affaires de l’ensemble des locations meublées est inférieur à 15 000€, il est majoré de 21% pour être amené à 92%. Nous avions en ce sens souligné notre incompréhension au regard de l’excessivité de cet abattement dans un contexte, rappelons-le, de durcissement.
Face à cette option et dans un souci d’équité fiscale plusieurs sénateurs, l’Association pour un tourisme professionnel, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie et le Groupement des hôtelleries et restaurations de France, avaient saisi le juge des référés du Conseil d’Etat au travers d’un recours pour excès de pouvoir.
Ils souhaitaient que l’exécution des commentaires administratifs critiqués soit suspendue pour voir les dispositions de la loi de finances s’appliquer. Les requérants justifiaient la condition d’urgence de leur requête au regard de l’approche de la période de déclaration d’impôt. Ils émettaient en outre des doutes sur la légalité des commentaires administratifs et contestaient la compétence de l’autorité à leur origine.
Le Conseil d’Etat (CE, 18 mars 2024, décision n° 492386) après avoir rappelé que le juge des référés « peut par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie », a rejeté les requêtes.
La Haute juridiction justifie ce rejet au motif que les recours pour excès de pouvoir introduits « seront appelés à une audience dans les prochaines semaines au rapport de la 8ème chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat et qu’il n’apparaît pas, au vu des éléments apportés par les requérants, que la mise en œuvre de la mesure contestée caractériserait une situation d’urgence telle qu’elle justifie la suspension de son exécution sans attendre le jugement au fond. »
Dès lors, l’urgence n’étant pas avérée, le juge des référés laisse à la section contentieuse du Conseil d’Etat le pouvoir de statuer sur le bien-fondé des requêtes dans les prochaines semaines.
Avis de l’AUREP : Nous resterons attentifs aux potentielles évolutions entourant ce régime fiscal qui espérons le seront synonymes, cette fois ci, de sécurité et stabilité juridiques pour le contribuable. Nous étudierons particulièrement les deux échéances suivantes à venir
– L’audience dans les prochaines semaines au rapport de la 8ème chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat à laquelle seront appelés les recours pour excès de pouvoir susvisés. En dépit de l’imminence de la période fiscale de dépôt des déclarations, on peut légitimement supposer que la décision interviendra avant cette échéance.
– L’examen par le Sénat de la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif qui viendrait potentiellement rebattre les cartes si elle était adoptée en l’état. Nous supposons toutefois que dans un tel schéma, ces dispositions ne trouveront à s’appliquer que pour les années à venir.