Cette affaire (Cass. Civ., 11 mai 2023, n° 21-18.616) est l’occasion de revenir sur la notion de présent d’usage. Bien que la jurisprudence soit déjà bien établie, le contentieux en la matière demeure relativement élevé, particulièrement en première instance.
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Les faits apparaissent relativement simples. Une défunte laisse pour lui succéder deux enfants A et B. Des difficultés sont intervenues lors du règlement de la succession.
La défunte avait consenti à B, au cas d’espèce vivant sous le même toit, plusieurs virements, chèques bancaires et remises d’espèces. Ainsi, B ne rapporta pas à la succession de sa mère les sommes reçues, estimant probablement que lesdites opérations avaient la qualité de présents d’usage.
De ce constat, A intenta une action en justice en demandant d’une part, le rapport par son frère B des sommes qu’il avait reçues, à la succession de leur mère ; d’autre part, la reconnaissance de l’existence d’un recel successoral. Les juges d’appel ont rejeté la demande de A en limitant leur étude des faits à la recherche du caractère compatible des sommes litigieuses avec les capacités financières du disposant. Ainsi, les juges du fond ont pu estimer que la défunte avait effectué « ces versements au titre de présents d’usage, puisqu’elle vivait avec son fils, qui avait la charge de son entretien quotidien ».
Après pourvoi en cassation, la Haute juridiction a logiquement rappelé que la Cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision en omettant de déterminer à l’occasion de quels événements la défunte avait consenti à son fils lesdits cadeaux.
Avis de l’AUREP
Cette décision apparaît parfaitement logique et en accord avec la jurisprudence constante à ce sujet (Cass. Civ., 6 déc. 1988, n° 87-15083 ; Cass., Civ. 1ère, 15 mai 2008, n° 07-13.947 ; Cass., Civ. 1ère, 25 sept. 2013, n°12-17.556). Le rescrit N° 2013/05 (ENR) du 3 avril 2013 repris dans la doctrine administrative vient d’ailleurs confirmer cette définition du présent d’usage. Pour de plus amples précisions, Messieurs le Doyen honoraire et Président d’honneur de l’AUREP Jean AULAGNIER[1] et Pascal PINEAU[2], Responsable pédagogique de la Formation IPCE et Gérant du cabinet af2p, avait rédigé des Newsletters entièrement dédiées aux contours de cette notion.
Ainsi, pour revêtir une telle qualité, deux conditions sont nécessaires :
En premier lieu, le présent d’usage doit être justifié par un événement particulier conformément à un usage.
En second lieu, il doit avoir une valeur proportionnée par rapport à la fortune du disposant. Sur ce dernier point, aucune référence chiffrée n’est inscrite dans les textes. L’appréciation de la normalité de cette valeur purement factuelle dépendra de l’appréciation souveraine des juges.
Une chose est sûre, le présent d’usage ne doit pas conduire à un appauvrissement du disposant pour éviter tout risque de requalification en donation. A ce sujet, la position du Doyen honoraire Jean AULAGNIER est la suivante : « Pour ne pas appauvrir le disposant, on peut retenir que les présents d’usage d’une année doivent être inférieurs au rendement net du patrimoine possédé, rendement moyen variable évidemment selon sa composition et sa nature. ».
[1] Newsletter « NOËL, UNE DATE BIEN CHOISIE », déc. 2013, Jean AULAGNIER
[2] Newsletter « Présent d’usage : une réponse qui tombe (presque) à pic ! », 30 avr. 2020, Pascal PINEAU