Le cédant des parts d’une SCI est-il responsable des dettes contractées par cette dernière lorsqu’il était associé ? 

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Retour sur le périmètre de la responsabilité indéfinie et conjointe des associés d’une société civile et, sur son éventuel caractère rétroactif. Pour rappel, cette responsabilité est encadrée par les articles 1857 et 1858 du Code civil. Le premier de ces textes prévoit une responsabilité indéfinie des associés de la société civile, autrement dit, étendue à l’ensemble du passif social. Le texte accord par ailleurs aux associés, le bénéfice d’une division de cette responsabilité à l’égard des créanciers. En conséquence, si la société n’est pas en mesure régler ses dettes, ces derniers ne pourront poursuivre les associés qu’au prorata de leur part dans le capital sur leur patrimoine personnel. Le second des textes tempère pour sa part la mise en jeu de cette responsabilité en exposant une condition de poursuite préalable et vaine de la personne morale par le créancier.

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Ces principes rappelés, passons dès à présent à l’étude de notre affaire dont les faits étaient relativement simples. Une société civile immobilière constituée entre plusieurs associés avait contracté un prêt le 24 mai 2024. Certains des associés avaient cédé leurs parts sociales le 1er octobre 2014. En avril 2021, la banque assigna l’ensemble des associés présents lors de la contraction du prêt (soit les associés cédants et restants), « aux fins d’obtenir leur condamnation au paiement des sommes dues par la SCI au titre du prêt, à proportion de leur part respective dans le capital social à la date d’exigibilité ». Cette assignation des associés intervenait, conformément à l’article 1858 du Code civil, à la suite d’une poursuite vaine de la SCI débitrice par la banque créancière.

L’enjeu des débats portait donc sur la recevabilité de l’action intentée par la banque à l’encontre d’anciens associés. Plus précisément, il était question de déterminer si ces derniers, ayant cédé leurs parts bien avant cette assignation, était toujours tenue par la responsabilité attachée à leur ancienne qualité d’associé.

En seconde instance, les juges de la Cour d’appel de Bordeaux ont pu écarter la demande en paiement de la banque contre les anciens associés, au motif que cette dernière devait, pour activer leur responsabilité, justifier avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale avant le 1er octobre 2014, soit la date de cession des titres. Selon les juges du fond, « le simple fait que des échéances impayées soient devenues exigibles » n’était en l’espèce pas suffisant au sens des textes précités.

Saisie sur pourvoi de la banque, il appartenait à la 3ème chambre civile de la Cour de cassation de statuer sur le litige (Cass. 3ème Civ, 6 juin 2024, n° 23-10.52). S’appuyant sur une lecture combinée des articles 1857 et 1858 du Code civil précités et, précisant que le premier encadre une responsabilité des associés à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements, la Haute juridiction cassa l’arrêt d’appel.

L’arrêt se veut pédagogique en rappelant :

D’une part, que « l’article 1857 énonce une règle de fond dont il résulte que les anciens associés d’une société civile demeurent débiteurs des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de leur exigibilité et que,

D’autre part, l’article 1858 du code civil exige de vaines poursuites contre la société préalablement aux poursuites contre les anciens associés, et non préalablement à la date de cession de leurs parts ».

Avis de l’AUREP : La solution rendue par la Cour de cassation n’a rien de nouveau et apparait parfaitement conforme aux textes. La responsabilité de l’ancien associé ne saurait être neutralisée par la seule cession des parts par ce dernier. Dès lors, c’est bien la date d’exigibilité des dettes sociales qui importe. En 1991, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ, 26 nov. 1991, n°88-20.094) consacrait ce principe en exposant que « seuls les associés à la date à laquelle les paiements sont exigibles peuvent être recherchés par les créanciers. » Par ailleurs, l’article 1858 du Code civil ne circonscrit pas la condition tenant à la poursuite préalable et vaine de la société par le créancier à un délai butoir constitué en l’espèce par la date de cession des parts par un associé.
Droit civil
Communication AUREP

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