On le sait l‘article 1832-2 du Code civil prévoit que la qualité d’associé est reconnue à celui des époux qui réalise l’apport ou effectue l’acquisition. Toutefois, le même article prévoit une possibilité pour le conjoint de revendiquer cette qualité pour la moitié des parts souscrites ou acquises. Pour cela, le conjoint doit notifier à la société son intention d’être personnellement associé.
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Si cette notification intervient au moment de l’apport ou de l’acquisition, l’acceptation ou l’agrément des associés vaut pour les deux époux. En revanche, en cas de notification a posteriori, le conjoint se voit opposer les clauses d’agrément statutaires éventuellement prévues.
Revenons désormais à l’espèce qui occupe nos développements. Il était ici question d’un GAEC constitué entre deux associés. Au travers d’une disposition statutaire, l’épouse commun en biens de l’un des associés avait déclaré avoir été avertie de l’intention de ce dernier de faire apport de biens de communauté, consentir à cet apport et reconnaître ne pas avoir la qualité d’associé du GAEC.
Ultérieurement, l’épouse revint sur cette décision et après avoir notifié son intention d’être personnellement associée, elle fut agréée en tant que telle par les associés à concurrence de la moitié des parts dépendant de la communauté.
Par la suite, plusieurs assemblées générales successives ont décidé d’une part de proroger l’existence du GAEC, d’autre part, d’approuver les comptes annuels postérieurs. L’époux apporteur et co-fondateur du groupement décida alors d’assigner le GAEC en annulation de ces assemblées au motif que son épouse n’avait pas la qualité d’associée, sa renonciation initiale étant définitive.
Les juges d’appel de la Cour d’appel d’Amiens ont d’abord fait droit à cette demande en reconnaissant que l’épouse n’avait valablement acquis la qualité d’associé et, qu’il y avait lieu dès lors de prononcé la nullité des assemblées générales susvisées et donc de constater la dissolution du GAEC. S’appuyant sur une lecture stricte des statuts stipulant que l’épouse n’avait pas la qualité d’associé à la constitution du groupement, les juges du fond ont estimé que cette renonciation était irrévocable.
Pourtant, ce raisonnement ne suffit pas à convaincre les juges de la Cour de cassation (Cass. Com., 19 juin 2024, n° n° 22-15.851). S’ils ont pu estimer que c’est à bon droit que l’arrêt d’appel retenait que les articles statutaires faisaient mention d’une renonciation claire et sans réserves à la qualité d’associé de l’épouse lors de la constitution de la société sans possibilité de revenir ultérieurement sur cette décision, il en va différemment selon la Haute juridiction en cas de consentement unanime postérieur des associés. Se fondant sur les dispositions de l’article 1134 alinéa 1er ancien du Code civil relatif au droit des obligations, ils jugèrent que « la renonciation par l’époux à sa qualité d’associé lors de l’apport fait à la société de biens communs par son conjoint ne fait pas obstacle à ce que l’unanimité des associés lui reconnaisse ultérieurement, à sa demande, cette même qualité. »
Avis de l’AUREP : De manière surprenante, la Haute juridiction reconnait la possibilité au conjoint commun en biens de revenir sur sa renonciation à la revendication de la qualité d’associé en s’appuyant sur le droit commun des obligations.
En raison d’un certain nombre d’interrogations entourant la décision, nous reviendrons plus en détails dans un éclairage au second semestre sur les contours de cette faculté posée par l’article 1832-2 du Code civil.