La prépondérance immobilière au sens des droits d’enregistrement

Eclairage du 11 octobre 2024 - N°521

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Dans une précédente newsletter, on a traité de la prépondérance immobilière au regard de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés et l’on a pu constater que les différences ne sont pas minces. Et voilà que les droits d’enregistrement en proposent encore une autre au travers de l’article 726 du CGI.

A priori, la définition parait assez proche de celle de l’article 150 UB du CGI applicable en matière de plus-values immobilières des particuliers. La prépondérance immobilière est fondée sur la présence à l’actif de la société d’immeubles et droits portant sur des immeubles. Et jusque-là, on sait à quoi s’en tenir. Mais cela ne dure pas.

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Première différence : à l’inverse de l’impôt  sur le revenu, toute société est ici concernée, qu’elle relève de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés.

Deuxième différence : que ce soit au regard de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, la prépondérance immobilière est liée à la présence d’un actif composé d’immeubles non affectés à l’exploitation. Or, cette précision est totalement absente dans la définition propre aux droits d’enregistrement. Affectés ou non à l’exploitation, les immeubles participent de l’appréciation de la prépondérance immobilière.

Troisième élément distinctif : il n’est pas question ici de subordonner la prépondérance immobilière à la mise en évidence d’un pourcentage représenté par les immeubles ou droits portant sur des immeubles pour déterminer s’il est, ou non, supérieur à 50 % du total de l’actif de la société. Au regard de l’article 726 du CGI, l’actif de la société doit simplement être principalement constitué de ces biens ou droits portant sur ceux-ci.

En revanche un point d’incertitude disparait. La discussion quant à l’appréciation de l’affectation l’immeuble à l’exploitation n’est plus à l’ordre du jour. Les immeubles doivent être retenus en tant que tels, un point c’est tout.

En conclusion, tout cela parait simple. Simple ? Pas sûr.  En effet, au regard de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, les immeubles non affectés à l’exploitation à prendre en considération doivent représenter plus de 50 % de l’actif immobilisé. On sait au moins à quoi s’en tenir. En revanche, au plan des droits d’enregistrement, on entre dans le cas par cas : qu’est-ce qu’un actif composé ″principalement d’immeubles″. Que signifie principalement ? Majoritairement ? Essentiellement ? Faites votre choix pour déterminer un pourcentage satisfaisant. Et c’est d’autant plus préoccupant que peuvent également être concernées les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, comme une société opérationnelle par exemple, dont l’actif est composé éventuellement des immeubles à usage professionnel, des éléments constituant le fonds de commerce, de l’actif circulant. Comment déterminer le ″principalement″. Il s’agit en effet d’établir une proportion en retenant au numérateur les immeubles et droits considérés et au dénominateur, l’ensemble des actifs de la société, avec tous les risques liés à ce mode d’appréciation particulièrement incertain.

Ces bases posées, intéressons-nous à l’influence des trois définitions de la notion de prépondérance immobilière sur les choix du chef d’entreprise dans la nécessité d’acquérir un immeuble professionnel.

Il inscrit l’immeuble à l’actif de son entreprise,

Avantage : il déduit de son résultat les frais d’acquisition, les frais financiers liés à l’emprunt éventuellement contracté et l’amortissement du bien.

Inconvénients :

– toute cession du bien donnera lieu à la constatation d’une plus-value professionnelle et plus le bien aura été conservé longtemps plus la note sera élevée. En effet, avec le temps, la valeur nette comptable ne fait que décroître ;

– cette cession donnera par ailleurs ouverture au droit de vente d’immeuble ;

– si le chef d’entreprise entend profiter du prix de cession, il sera contraint de procéder à une distribution, elle-même évidemment soumise à l’impôt sur le revenu.

C’est cher tout ça…

Et, dans une autre perspective, si le chef d’entreprise cède les droits sociaux et que la société puisse être considérée comme à prépondérance immobilière au regard des droits d’enregistrement parce que la valeur de l’immeuble permet de considérer que l’actif est composé principalement d’immeubles, les droits applicables à la cession seront liquidés au taux de 5 % sur le fondement de l’article 726 du CGI. Et, bien entendu, dans l’hypothèse où cette cession générerait une plus-value, celle-ci devrait être soumise à l’impôt sur le revenu conformément aux dispositions de l’article 150 0A du CGI applicable à toute cession de droits sociaux. L’application du régime des plus-values immobilière des particuliers serait exclue. Soumise à l’impôt sur les sociétés, la société ne pourrait être considérée comme à prépondérance immobilière au regard de l’impôt sur le revenu.

Il n’inscrit pas l’immeuble au bilan pour le détenir dans une SCI et le donner ensuite en location à sa société opérationnelle.

L’immeuble n’étant pas affecté à l’activité de la SCI, toute plus-value liée à cession des parts de celle-ci sera soumise au régime des plus-values immobilières des particuliers : la société est à prépondérance immobilière au sens de l’article 150 UB du CGI. L’avantage tient ici au fait que cette plus-value peut être exonérée si la cession des parts intervient plus de vingt-deux ans après la date de l’acquisition. La même conséquence s’attachera à la plus-value de cession de l’immeuble lui-même par la SCI, la cette cession étant elle-même soumise par ailleurs au droit de vente d’immeuble.

Les droits d’enregistrement seront décomptés au taux de 5 % si la cession porte sur les parts de la SCI. Elle est en effet à prépondérance immobilière au sens de l’article 726 du CGI.

Et si la meilleure solution était le démembrement de propriété.

Le chef d’entreprise pourrait acquérir l’immeuble en démembrement ab initio auprès d’un promoteur soumis à l’impôt sur les sociétés. La cession de l’usufruit interviendrait au profit de la société opérationnelle, sans qu’il soit question d’appliquer les dispositions de l’article 13-5 du CGI pour soumettre le prix de cession à l’impôt sur le revenu, le vendeur n’étant pas soumis à cet impôt. Le chef d’entreprise acquerrait la nue-propriété dans une SCI en vue d’une transmission intrafamiliale s’il a des enfants.

La société opérationnelle déduirait de son résultat les frais d’acquisition de l’usufruit et les frais financiers afférents à l’éventuel emprunt contracté en vue de cette acquisition. Elle procéderait à l’amortissement de ce droit. Au plan financier, le coût serait moindre que d’avoir à faire face, comme dans le schéma précédent, au paiement de loyers pour une période équivalente à la durée de l’usufruit.

Le chef d’entreprise attendrait, lui, patiemment l’extinction de l’usufruit pour que la SCI devienne plein propriétaire du bien. L’usufruit s’éteindrait au sein de la société opérationnelle sans donner lieu évidemment à l’apparition une quelconque plus-value et sans que cette extinction ne soit soumise aux droits d’enregistrement en vertu des dispositions de l’article 1133 du CGI.

Dans l’hypothèse d’une cession ultérieure de l’immeuble par la SCI, les abattements pour durée de détention de l’article 150 VB du CGI applicables à la plus-value seraient décomptés à partir de la date de l’acquisition du plus ancien des deux droits, autrement dit celle de l’achat de la nue-propriété, comme le veut la doctrine administrative (BOFIP-RFPI-PVI-20-20-§ 40.-18/07/2023).

Enfin, au regard des droits d’enregistrement, le prix d’une cession éventuelle de l’immeuble supporterait le droit de vente d’immeuble et si la cession portait sur les parts sociales, les droits seraient décomptés au taux de 5 % conformément aux dispositions de l’article 726 du CGI.

La cause est entendue, vive le démembrement ! Un seul point d’attention : l’acquisition démembrée ne peut être réalisée auprès d’un particulier. L’acte comporterait en effet une cession d’un usufruit rendant le cédant redevable de l’impôt sur le revenu à raison du prix de cession de cet usufruit sur le fondement de l’article 13-5 du CGI.

Droit fiscal
Pierre FERNOUX

Pierre FERNOUX

Consultant en droit fiscal