Le développement des locations meublées temporaires par le biais de plateformes comme AirBnB a conduit le législateur à s’intéresser de près à ce secteur d’activité, bien aiguillonné en ce sens d’ailleurs par le syndicat des hôteliers mécontent de la concurrence sévère qui s’accentuait de plus en plus au fil du temps avec en vue les jeux olympiques.
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Les locations de courte durée proposées peuvent clairement faire concurrence au secteur hôtelier particulièrement dans les zones de vacances. Et l’émotion du secteur hôtelier est parvenue aux oreilles du législateur. Sous l’influence des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, la réflexion du législateur a été très approfondie. Ainsi a-t-il voulu reconsidérer la situation fiscale des loueurs en meublé non professionnels dans son ensemble, à commencer par le traitement fiscal de la TVA, des revenus perçus à raison de la location et des plus-values de cession. On sait en effet que nombre de bailleurs non professionnels donnant leur bien en location pour de courtes durées sont en droit de bénéficier du régime micro-BIC de sorte que leurs obligations fiscales sont réduites au strict minimum. Il leur suffit de porter le montant des recettes sur leur déclaration annuelle de revenus pour bénéficier d’un abattement de 50 % représentatif des charges de la location. Et, dans l’hypothèse d’une cession du bien, la plus-value du loueur en meublé non professionnel relève du régime des plus-values immobilières des particuliers, régime qui lui permet au demeurant de procéder à une double déduction du prix d’acquisition. ON reviendra sur ces questions dans de prochaines newsletters.
Voyons ce qu’il en est au plan de la TVA maintenant après le vote de la loi de finances pour 2024.
Dans une précédente newsletter (n° 484), on relatait les mésaventures de l’article 261-D-4° du CGI dont on sait qu’il subordonne l’application de la TVA à la fourniture par le bailleur de trois des quatre services suivants :
- La fourniture du petit déjeuner ;
- L’accueil même non personnalisée de la clientèle ;
- La fourniture du linge de maison ;
- Et le nettoyage régulier des locaux.
Confronté aux principes posés par les directives européennes, l’avis du Conseil d’Etat fut sollicité (CE, 5 juillet 2023, n° 471877). Pour le juge suprême, ces dispositions légales étaient incompatibles avec les principes communautaires en tant qu’elles subordonnaient l’application de la TVA à la location meublée précisément à la fourniture par le bailleur de trois des quatre services ci-dessus énumérés. Au fond, la législation européenne visait avant tout à assurer l’égalité de traitement entre les opérateurs dont l’activité reposait sur la location meublée. Elle faisait clairement référence à la nécessité d’assurer une saine concurrence entre tous les secteurs concernés par ce type d’activité. Pourquoi l’hôtelier devrait-il être soumis à la TVA cependant que le bailleur de locaux meublés pouvait y échapper alors qu’il pourrait clairement entrer en concurrence directe avec ce dernier ?
On attendait évidemment avec impatience la réaction de la législation fiscale dans la nécessité de revenir sur son texte pour proposer au parlement une nouvelle rédaction de l’article en cause. On pouvait alors supposer que les fameuses prestations dont la fourniture conditionnait la soumission des loyers à la TVA allaient tout simplement être abrogées, alors que seraient maintenue la partie de l’article faisant allusion à des prestations de services ″rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle″. Ce dernier membre de phrase était en effet parfaitement raccord avec le dispositif communautaire en ce qu’il se préoccupait d’assurer une concurrence loyale entre bailleurs de locaux meublés et hôteliers, objectif assigné par la législation européenne.
Les dispositions de la loi de finances pour 2024 ont certes modifié la rédaction de l’article mais en traitant de la nécessaire concurrence entre secteur hôtelier et location meublée d’une manière tout à fait différente. Loin d’être supprimée, la fameuse fourniture de trois des quatre prestations sont maintenues. Le législateur n‘en a pas pour autant ignoré la question de la concurrence. Pour en assurer selon lui respect en adoptant un texte qui serait jugé conforme aux principes communautaires, il subordonne la soumission à la TVA de la location à la fourniture de ces services mais quel que soit l’opérateur, qu’il soit bailleur de locaux meublés, hôteliers ou investisseur dans une résidence donnée par bail commercial à un exploitant. Du même coup, l’ancien texte soumettant obligatoirement à la TVA la location meublée par bail commercial n’était plus en accord avec la nouvelle approche. Cet assujettissement obligatoire fut donc logiquement abrogé, par la même loi de finances.
Tout ceci est bel et bon, mais deux problématiques apparaissent.
En premier lieu, est-on certain que ce nouveau texte satisfasse pleinement aux exigences communautaires. En subordonnant la location à la TVA à la fourniture obligatoire de trois des quatre services, on ne peut que s’interroger. Rappelons e effet que dans l’affaire jugée le 5 juillet 2023, le Conseil d’Etat avait considéré que la soumission à la TVA pouvait être imposée au bailleur qui ne fournirait que deux services par exemple. Cela suffisait à ses yeux pour justifier l’application de la taxe. Pourquoi alors exiger systématiquement la fourniture d’au moins trois services parmi ceux énumérés par le texte pour justifier l’application de la TVA ? Cela dit, dans la mesure où tous les opérateurs exerçant une activité fondée sur la location meublée
En second lieu, qu’adviendra-t-il de l’application de ce nouveau texte au plan pratique, dans la vraie vie comme disent certains ? En vérité, la quasi-totalité des loueurs en meublé pour de courtes durées dégagent un chiffre d’affaires inférieur au seuil de la franchise de TVA, même si celui-ci est ramené depuis la 1er janvier 2024 de 91 900 € à 85 000 €. Autant dire que, fourniture ou non de trois des quatre services, la location échappera dans la généralité des cas à la TVA cependant que l’hôtelier y sera tout aussi généralement soumis parce que réalisant un chiffre d’affaires supérieur à ce seuil. La mesure risque donc de rester sans effet réel au regard de la situation des deux secteurs au regard de la concurrence. Sauf cas très particulier, le bailleur AirBnB peut dormir tranquille.
Attention tout de même aux locations par bail commercial à un exploitant chargé de fournir les services. Plusieurs affaires récentes montrent qu’un certain nombre d’exploitants de telles résidences cessent leur activité faute par celle-ci d’être suffisamment rentable. Et dans cette circonstance, le coût fiscal pour l’investisseur peut s’avérer très lourd. Assujetti à la TVA, il impute logiquement la taxe acquittée lors de l’acquisition des locaux neufs sur la taxe perçue à raison des loyers. Et si l’exploitation s’étend sur moins de vingt ans, l’administration ne manque pas d’exiger le reversement de 1/20éme de la TVA déduite par année de non exploitation. En revanche, la TVA reversée à l’Etat reste acquise au Trésor public sur le fondement de l’article 283-3° qui veut que toute TVA est due du seul fait de sa facturation. Bonjour l’ambiance… Comme aime à le dire Jean Aulagnier, la qualité d’un investissement ne réside pas dans l’économie d’impôt mais dans sa pertinence économique.
Quant aux résidences étudiantes, la soumission à la TVA supposera désormais la fourniture aux occupants de trois des quatre services.
En lisant ces lignes, beaucoup vont se dire que c’est parfait, on échappera à la TVA. IL suffira de ne pas proposer trois services. Et en vérité, c’est très souvent le cas. Le bailleur assure l’accueil du locataire et un nettoyage des locaux à l’entrée et à la sortie du séjour. Pour autant, la soumission à la TVA est-elle toujours pénalisante ? Rien n’est moins sûr.
Certes la soumission des loyers à la taxe a pour conséquence une augmentation du prix de la location. Et celle-ci ne fait généralement pas l’affaire du locataire faute par lui d’être en droit de déduire la TVA ajoutée au loyer faute d’être assujetti à cet impôt. Cela rend sans doute la location moins attrayante pour ce dernier. Mais, si le bailleur entend se décharger du cout fiscal lié au paiement de la TVA lors de l’acquisition du bien destiné à la location tout autant que celle assortissant les charges qu’il supporte ou supportera avec le temps, cela mérite réflexion. En effet, la soumission des loyers à la TVA autorise évidemment la déduction de toutes ces taxes. Et si cette imputation génère un crédit de taxe parce que le montant des taxes déductibles excède celui de la TVA collectée auprès des locataires, il est parfaitement en droit d’en demander le remboursement mensuel auprès du service des impôts sur le fondement des dispositions de l’article 242-0 C de l’annexe II au CGI. En termes de financement, ce n’est évidemment très loin d’être négligeable. Le bailleur récupère de la sorte une part importante du financement qu’il a dû assurer lors de l’acquisition du bien.
Pour autant, comme on l’a vu plus haut, très nombreux sont les bailleurs de locaux meublés qui relèvent de la franchise de TVA applicable par principe à tout bailleur qui réalise des recettes inférieures à 85 000 €. Mais il n’est pas prisonnier de ce régime fiscal. Il est en effet toujours en droit d’exercer une option pour l’application à sa location d’un régime réel d’imposition. Certes, il sera alors amené à déposer des déclarations de taxe, mais c’est pour lui le seul chemin s’il entend profiter de l’imputation des TVA acquittées à raison tant de l’acquisition que de l’entretien et la réparation des locaux donnés en location
Au plan pratique, cette option peut être exercée à tout moment et prend effet au premier jour du mois au cours duquel elle est exercée. Mais attention cette option couvre obligatoirement une période de deux années civiles. De la sorte par exemple une option exercée en 2024 produit ces effets pour 2024 et 2025.
Quant à la réalisation matérielle de l’option elle-même, celle-ci doit être expresse et formulée par écrit, dans une déclaration sur papier libre souscrite auprès du service des impôts compétent.
Au-delà de la période 2024-2025 dans notre exemple, le bailleur pourra de nouveau bénéficier de la franchise de TVA en base si son chiffre d’affaires est inférieur au seuil évoqué plus haut, tout comme il pourra continuer de relever d’un régime réel d’imposition. L’option est en effet renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par le bailleur s’il souhaite bénéficier à nouveau de la franchise en base de la TVA, elle-même formulée au plus tard à l’expiration de chaque période de deux ans
Alors comme on dit souvent : faut voir…