La question des conditions de validité de forme d’un testament fait l’objet d’un contentieux abondant. Cet arrêt vient confirmer une position jurisprudentielle désormais bien ancrée.
En l’espèce, une défunte laissait pour lui succéder son fils et un légataire d’un ensemble immobilier et de son contenu. Elle avait institué ce dernier légataire au travers d’un testament olographe portant la date du 26 mars 2009.
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Le fils assigna le légataire en nullité du testament au motif qu’il n’avait pas été entièrement rédigé de la main de sa mère. Il s’appuyait sur un rapport faisant suite à une expertise judiciaire faisant valoir que le dernier chiffre de l’année « 9 » ne correspondait pas aux éléments graphiques des documents de comparaison. En plus de cette absence d’homogénéisation, il faisait valoir que sa mère, à cette époque était dans l’incapacité d’écrire. Il justifie ce point au travers de plusieurs témoignages des proches de la défunte attestant que cette dernière souffrait d’une maladie dégénérative et de troubles physiques et psychologiques depuis plusieurs années, maladie qu’elle refusa de soigner et qui l’empêchait d’écrire. Enfin, il met en avant une hétérogénéité manuscrite entre le projet de testament annoté et le testament litigieux.
Selon les juges de la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 22 mars 2022, n° 17/01797), le seul fait que le testament n’avait pas été entièrement rédigé de la main du testateur suffit à emporter la nullité du testament, sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen tiré de l’insanité d’esprit de la testatrice. Ainsi, cette circonstance constituait, selon les juges d’appel, une violation des conditions de forme posées par l’article 970 du Code civil, interprétées strictement ici.
Le légataire se pourvu en cassation au motif « qu’en dépit de l’irrégularité affectant sa date, un testament olographe n’encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l’acte, corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu’il a été rédigé au cours d’une période déterminée et qu’il n’est pas démontré qu’au cours de cette période, le testateur ait été frappé d’une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible ».
Confirmant sa jurisprudence antérieure, les juges de la Haute juridiction approuvèrent le bien fondé du précédent moyen (Cass. 1ère Civ., 23 mai 2024, n° 22-17.127). La nullité n’est pas encourue au seul motif de l’irrégularité affectant la rédaction de la date du testament. Les juges du fond auraient ainsi dû rechercher si, en dépit de cette irrégularité, des éléments intrinsèques corroborés par des éléments extrinsèques permettaient d’établir une période de rédaction et, que durant cette période le testateur était frappé d’une incapacité.
Avis de l’AUREP :
Au cours des dernières années, nous avons assisté à une véritable évolution de la jurisprudence qui s’écarte progressivement des exigences textuelles pour s’inscrire davantage dans la préservation et protection des volontés du testateur. Si l’écriture et la signature manuscrites constituent des critères de forme indiscutables garants d’une certaine sincérité et indépendance lors de la rédaction, tel n’est pas le cas de la datation de l’acte (Cass 1ère Civ., 22 nov 2023, n° 21-17.524). Les juges se contentent d’une période supposée de rédaction établie au regard d’éléments intrinsèques et extrinsèques, au cours de laquelle l’insanité d’esprit du stipulant et l’existence d’autre testament révocatoire ou incompatible doivent être écartées. En tout état de cause, un litige autour de la seule datation du testament ne peut suffire à caractériser sa nullité.