Cet arrêt est l’occasion de revenir sur un sujet source d’une jurisprudence abondante : la portée de l’obligation de la contribution aux charges du mariage pour des époux séparés de biens.
Dans cette affaire, deux époux mariés sous le régime de la séparation de biens divorcèrent (Cass. 1ère Civ., 05 avril 2023, n° 21-22.296). Des difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.
En effet, au cas d’espèce, Monsieur avait durant le mariage partiellement financé des travaux de construction du logement familial sur le terrain propre de son épouse. Monsieur fit une demande de créance à l’égard de son ex-épouse mais la cour d’Appel rejeta sa demande. Monsieur se pourvut donc en cassation au motif « que l’apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens, pour financer la construction d’un bien propre de son conjoint, fut-il affecté à l’usage familial, ne relève pas de son obligation de contribuer aux charges du mariage ».
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La Cour de cassation s’est une nouvelle fois appuyée sur l’article 214 du Code Civil pour conduire son raisonnement :
« Vu l’article 214 du code civil :
4. Il résulte de ce texte que, sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, réalisé par un époux séparé de biens pour financer l’amélioration, par voie de construction, d’un bien personnel appartenant à l’autre et affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
5. Pour rejeter la demande de créance formée par M. [B] à l’encontre de Mme [J] au titre du financement d’une partie des travaux d’édification d’une maison sur le terrain appartenant à celle-ci, l’arrêt, après avoir constaté que M. [B] avait réglé une facture de construction de la maison d’un montant de 36 240,83 euros à l’aide de capitaux provenant de son épargne personnelle, relève que l’espèce concerne le financement de la construction d’un bien personnel de l’épouse et non celui de la part indivise du conjoint, que le montant de la facture demeure relativement modeste et constitue une dépense ponctuelle, qu’il n’est pas établi de sur-contribution aux charges du mariage de M. [B] et qu’il n’est pas contesté que celui-ci a bénéficié avec les enfants du couple d’un hébergement dans le bien immobilier considéré. Il en déduit que le paiement de la facture relève de sa contribution aux charges du mariage.
6. En se déterminant ainsi, sans constater l’existence d’une convention entre les époux prévoyant l’exécution par M. [B] de sa contribution aux charges du mariage sous la forme d’un apport en capital, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Avis de l’AUREP : La jurisprudence est désormais bien établie, la Haute juridiction considère en effet que, l’apport en capital effectué par un époux séparé de biens pour financer un bien indivis ne relève pas de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Cette logique a d’ailleurs été étendue aux travaux d’amélioration concernant entre autres les travaux de construction et d’édification sur un terrain indivis (Cass. 1ère civ., 9 juin 2022, n° 20-21.277) ou propre au conjoint comme c’est le cas ici. Comme le rappelle l’arrêt, le caractère modeste de la dépense n’a aucune influence sur le sort réservé à ces dépenses.
Toutefois, nous le rappelons, la jurisprudence considère que le remboursement par un seul des époux d’un emprunt contracté pour le financement d’un bien indivis est susceptible de participer de son obligation de contribution aux charges du mariage (Cass. 1ère Civ, 9 février 2011, n°0972656). En revanche, le remboursement anticipé du même emprunt au moyen d’un apport en capital devrait être exclu de cette obligation du régime primaire.