Les faits de l’espèce ne présentaient pas de difficultés particulières. Une société H. exerçait une activité d’administrateur de biens, de location d’immeubles et de transactions immobilières. Le 23 décembre 2010, elle a acquis la totalité des parts de la SCI du 9 bis. Cette dernière était propriétaire d’un immeuble à usage commerciale et de bureaux qu’elle donnait en location.
Mike Hindle Pour Unsplash+
Le 28 décembre 2010, cette SCI procédait à la cession de son unique actif. Précisément, la nue-propriété de l’immeuble était cédée pour 450 000 € à une nouvelle SCI, créée pour les besoins de l’opération, filiale à 99,9% de la holding H. L’usufruit était cédé à une autre SCI, associé majoritaire de la holding H, pour une durée de 20 ans au prix de 2 550 000 €.
Le même jour, la SCI cédante, versait à la société H., un acompte sur dividendes de 1 980 000 €. A la clôture de l’exercice, la holding, se fondant sur l’application du régime fiscal mère-fille, retranchait 95% du montant des dividendes perçus de son bénéfice net total composé alors de la seule quote-part de frais et charges de 5 %. En outre, la holding constituait une provision pour dépréciation des tires détenus dans sa filiale d’un montant de 2 140 000 euros déductible de son résultat.
Le 15 février 2013, soit un peu plus de deux ans après la cession, la holding H absorbait la SCI du 9 bis par voie de transmission universelle du patrimoine (TUP). Dans ce laps de temps, il convient de préciser que la filiale était restée sans aucune activité.
Voyant dans la succession des opérations un abus de droit fiscal, l’Administration fiscale, remis en cause, à l’issue d’une vérification de comptabilité, l’application du régime des sociétés mères. La holding s’était alors successivement heurtée aux juges de première instance qui rejetaient sa demande de décharge des impositions complémentaires et pénalités mises à sa charge. Le litige fut porté par la requérante jusque devant le Conseil d’Etat (CE, 29 nov. 2024, n°469012).
La Haute juridiction administrative ne manqua pas de se référer aux travaux préparatoires fondateurs de ce régime fiscal pour identifier les objectifs poursuivis par le législateur à savoir : « favoriser l’implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l’économie française. »
Pour statuer, le Conseil d’Etat reprit d’une part, la chronologie des faits relevée en appel. L’acquisition, par la société H., des titres de la SCI du 9 bis avait été ici suivie immédiatement de la cession par cette dernière de son actif, la première bénéficiant du régime des sociétés mères à l’issue de l’opération. Aucune mesure de nature à permettre à la SCI du 9 bis de poursuivre son ancienne activité ou d’en trouver une nouvelle n’avait été prise dans les deux années suivantes. En conséquence, la holding procédait à la dissolution de sa filiale par voie d’absorption, deux mois après le délai minimal de conservation des titres au respect duquel était subordonné le bénéfice du régime des sociétés mères
D’autre part, le Conseil d’Etat reprit le raisonnement des juges d’appel pour justifier le but exclusivement fiscal de l’opération. Aucune des allégations avancées par la holding ne permettait d’expliquer la succession de ces opérations, notamment le maintien à son actif, pendant la durée de deux ans susvisés, « des titres d’une société désormais vidée de sa substance et dépourvue de toute activité, par la poursuite d’un but autre que fiscal. »
Ainsi, le Conseil d’Etat suivit le raisonnement des juges d’appel : la conservation de la filiale, privée de tous ses actifs, par la holding, pendant la durée litigieuse, « dans des conditions caractérisant l’absence de toute implication de la société mère dans le développement économique de sa fille, devait être regardée comme constitutive d’un abus de droit justifiant la remise en cause de l’application du régime fiscal des sociétés mères ».