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Dans cette affaire (Cass. 1ère Civ., 1 juin 2023, n° 21-14.924), il est question d’un bien immobilier démembré :
- la nue-propriété est propriété indivise de deux époux mariés sous le régime de la séparation de biens ;
- la mère de l’époux étant titulaire du droit d’usufruit.
Dans une décision antérieure, le juge aux affaires familiales a attribué à l’époux la jouissance du domicile conjugal susvisé. Après avoir divorcé, l’épouse assigna son ex-mari en liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux. Les juges d’appel retenant une indemnité d’occupation à la charge de Monsieur envers l’indivision, ce dernier se pourvut en cassation.
La Cour de cassation s’appuyant sur les articles 815-9 et 582 du Code Civil rappelle :
- D’une part, que l’indivisaire qui use ou jouit privativement d’un bien indivis est redevable d’une indemnité à l’égard de l’indivision.
- D’autre part, que l’usufruiter a le droit de jouir de tout espèce de fruits soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit.
A la lumière de la lecture combinée de ces textes, les juges écartent l’indivision de jouissance entre nus-propriétaires :
« 7. Pour dire M. [F], indivisaire, redevable d’une indemnité d’occupation envers l’indivision à compter du 12 mai 2014, l’arrêt retient qu’en vertu de l’ordonnance de non-conciliation, celui-ci jouit privativement du bien indivis qui constituait le domicile conjugal et que la seule privation de jouissance subie par Mme [D], coïndivisaire, génère un droit à indemnité, peu important l’existence d’un démembrement de propriété entre les époux et la mère de M. [F], usufruitière.
8. En statuant ainsi, alors qu’il n’existait pas d’indivision en jouissance entre les époux nus-propriétaires, de sorte qu’aucune indemnité d’occupation n’était due par M. [F] envers l’indivision, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Ainsi, des époux nus-propriétaires indivis sur la nue-propriété ne peuvent prétendre à une indemnité d’occupation, quand même bien l’un d’eux occuperait le domicile conjugal en vertu d’une ordonnance de non-conciliation, dès lors qu’ils ne disposent en vertu de leur droit d’aucune faculté de jouissance.
Avis de l’AUREP
Cet arrêt d’une logique implacable sur le fond souligne qu’une indemnité d’occupation ne peut recevoir application dès lors qu’il n’existe pas d’indivision de jouissance entre nus-propriétaires. En revanche, cette décision n’est pas sans soulever quelques questions sur la situation de l’usufruitier, dépourvu au cas d’espèce des droits que lui confère sa qualité : quid de l’usus et du fructus ? A défaut de précisons suffisantes, nous limiterons l’analyse aux faits connus.