Les nouveaux commentaires relatifs aux sociétés interposées
Le 21 décembre dernier, soit près de trois ans après l’entrée en vigueur des dispositions commentées, l’administration fiscale a enfin publié la version définitive de ses commentaires concernant l’exonération « Dutreil ».
Elle a retiré l’intégralité de ses prises de positions antérieures qui dénaturaient le régime de faveur.
De nombreuses autres modifications sont également apportées qui atténuent la rigueur des commentaires initiaux de l’administration, laissant davantage de marge de manœuvre au praticien.
Une analyse minutieuse de ces nouveaux commentaires s’impose.
Les développements qui suivent complètent ceux fournis dans la précédente newsletter publiée le 14 janvier 2022 (V. F. Fruleux, Exonération Dutreil : l’administration fiscale retire ses analyses les plus contestables, newsletter de l’AUREP, n°415). Ils s’attachent plus particulièrement à l’analyse du régime complexe applicable aux transmissions de titres de sociétés « interposées ».
Question n°1 : Les commentaires publiés le 6 avril 2021 étaient-ils conformes au principe même de l’interposition de sociétés ?
Réponse : Assurément non.
Pour rappel, d’emblée, dès la création du régime d’exonération « Dutreil » le législateur en a étendu le bénéfice aux transmissions portant indirectement sur des entreprises exerçant une activité éligible. Il a ouvert le régime de faveur aux transmissions de sociétés « interposées ». Sans exercer directement une activité éligible ces sociétés qui en pratique sont le plus souvent des holdings « passives » c’est à dire non-animatrices de leur groupe détiennent directement ou indirectement, actuellement dans la limite de deux niveaux d’interposition une participation dans une société qui se livre à une telle activité.
Cette application particulière de l’exonération partielle se caractérise par une dissociation de l’engagement individuel de conservation. Le premier est souscrit comme toujours sur les titres de la société (interposée) transmis. Le second est conclu sur les titres de la société « cible » exerçant l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Les commentaires publiés le 6 avril 2021 dénaturaient ce régime, procédant d’une mauvaise compréhension du principe même de l’interposition.
Le bofip prétendait subordonner le bénéfice indirect de l’exonération à la souscription par le donateur ou défunt de l’engagement collectif de conservation conclu sur les titres de la société cible exerçant l’activité éligible. A vrai dire cette approche pouvait déjà être perçue en analysant les obligations déclaratives contestables que l’administration avait mis en place à l’égard des sociétés interposées dans son décret du 27 juin 2019 pris pour l’application de la réforme opérée par la loi de finances pour 2019 (V. F. Fruleux, Exonération Dutreil : des obligations déclaratives complexes et perfectibles : JCP N 2019, n° 35, 1267).
Une telle exigence impliquait, par définition, que l’auteur de la transmission associé de la société interposée détienne directement en qualité de personne physique une participation dans chacune des sociétés cibles. On frisait ici le contresens : à suivre l’Administration, l’application indirecte de l’exonération était subordonnée à une détention directe de participations dans chaque société cible.
Question n°2 : Ne s’agissait-il pas d’une erreur de plume de l’administration, d’une formulation maladroite ?
Réponse : Non.
Les indications du Bofip étaient à cet égard exemptes d’ambiguïté : « les personnes physiques porteuses de parts de sociétés interposées qui souhaitent transmettre sous le bénéfice de ces dispositions doivent être signataires de l’engagement collectif de conservation dans la société cible ». (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 6 avr. 2021, n° 87 et 375). Cette exigence étaient réitérée dans d’autres développements du Bofip.
Question n°3 : Cette nouvelle exigence ne pouvait-elle pas se justifier par les modifications apportées par la réforme de 2019 ?
Réponse : Non, au contraire.
Ils prenaient également le contre-pied des objectifs poursuivis par la réforme du régime d’exonération opéré par la loi de finances pour 2019. En effet, ils privaient d’efficacité l’engagement unilatéral de conservation souscrit par une personne morale (c’est à dire celui souscrit par une personne morale seule), alors que les travaux parlementaires attestent que cette nouvelle forme d’engagement a initialement été créée, précisément pour intervenir dans un tel contexte (V. notamment, Exposé des motifs de l’amendement I-CF 1062 ; Doc. AN 2018, n° 1504, spéc. p. 181 ; doc AN 2018, n°1302, t. II, p.556).
Question n°4 : L’administration infléchit-elle son analyse sur ce point dans ses commentaires définitifs.
Réponse : Oui, ces commentaires sont purement et simplement retirés.
Nous avions détaillé les raisons pour lesquelles cette analyse devait être rapportée par l’administration fiscale, faute de quoi elle nous semblait être vouée à la censure (V. Fruleux, Nouvelle doctrine administrative relative à l’exonération « Dutreil » : des revirements et analyses à revoir : Newsletter du 21 Mai 2021 N°388 ; Newsletter du 28 Mai 2021, N°390). L’administration a pris les devants et retiré ces commentaires contestables. La version définitive du Bofip mise en ligne le 21 décembre 2021 est expurgée des indications subordonnant l’exonération à l’adhésion par l’auteur de la transmission à l’engagement collectif (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, n° 205 et 375).
Question n°5 : Est-ce à dire que l’exonération peut, selon l’administration, à nouveau s’appliquer lorsque le donateur ou le défunt n’a signé aucun engagement collectif de conservation ?
Réponse : Oui.
Même si les commentaires administratifs ne l’énoncent pas explicitement, l’Administration admet clairement, comme initialement, que l’engagement collectif conclu par la société interposée sur les titres de la société cible permet aux associés de la société interposée de bénéficier de l’exonération partielle lorsqu’ils transmettent les titres de cette dernière société ; et ce, même s’ils ne sont pas associés de la société cible, ni signataires du pacte d’associés.
Question n°6 : La doctrine administrative est-elle également modifiée en ce qui concerne l’engagement « unilatéral » de conservation ?
Réponse : Oui.
Les nouveaux commentaires s’inscrivent cette fois dans le respect des objectifs poursuivis par la loi de finances pour 2019 s’agissant de l’engagement unilatéral de conservation (c’est à dire celui conclu par un signataire unique et en l’espèce une personne morale). Ils admettent sans restriction qu’un tel pacte peut être souscrit par une personne morale dans une société interposée et permet aux associés de cette société de bénéficier de l’exonération partielle lors de la transmission des titres de la société interposée.
Autrement dit, une société détenant une participation dans une filiale, qu’elle soit ou non mère à 100 % de cette dernière peut si elle remplit à elle seule les conditions requises, (ce qui implique notamment qu’elle dirige sa filiale) conclure seule l’engagement « collectif » de conservation. Ce pacte d’associé permettra aux associés de cette société interposée de bénéficier indirectement de l’exonération lorsqu’ils transmettront les parts ou actions de la société interposée signataire du pacte.
Question n°7 : Ce retrait des commentaires émis le 6 avril 2021 signifie-t-il que l’administration en revient exactement à ses commentaires initiaux.
Réponse : Non.
Si la dénaturation du régime de l’interposition est écartée, l’Administration n’en revient pas pour autant dans ses commentaires publiés 21 décembre 2021 exactement à son analyse initiale. A bien y regarder, la nouvelle doctrine administrative est plus contraignante.
Question n°8 : Ces nouveaux commentaires concernent-ils, comme les précédents, la conclusion de l’engagement collectif de conservation ?
Réponse : Non.
Ils sont inhérents aux conditions que doit remplir l’associé de la société interposée dont les titres sont transmis pour pouvoir bénéficier de l’exonération partielle.
Question n°9 : l’exigence formulée par le bofip-impôt concerne-t-elle la durée de détention des titres transmis par l’associé de la société interposée ?
Réponse : Oui.
Le Bofip précise que, pour que l’exonération s’applique, la participation transmise par donation ou succession doit être détenue depuis la conclusion de l’engagement collectif ou unilatéral de conservation conclu sur les titres de la société cible.
Les indications fournies par Bercy à cet égard sont très claires : « Les associés personnes physiques d’une société interposée doivent détenir depuis la conclusion de l’engagement collectif ou unilatéral de conservation sur la société cible les titres de la société interposée pour lesquels ils souhaitent bénéficier de l’exonération partielle » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, n° 375).
Question n°10 : Cette exigence est-elle véritablement nouvelle ? Est-elle conforme à la logique de l’interposition.
Réponse : Non, elle n’est pas véritablement nouvelle. Elle nous semble cohérente et conforme à la logique de l’interposition.
Cette exigence ne figurait pas explicitement dans la doctrine administrative antérieure. Elle ne correspondait pas nécessairement aux pratiques antérieures de l’administration fiscales. Elle n’est pas expressément formulée par le texte, mais se conçoit dans la logique de l’interposition. Elle peut en réalité se rattacher à l’exigence propre à ce régime de conservation inchangé des participations avec niveau d’interposition (CGI, art. 787 B, « b », 3, dernier al.). On sait que cette condition concerne également les associés personnes physiques de la société interposée faitière.
Question n°11 : Cette condition est-elle contraignante ?
Réponse : Oui.
Elle est très contraignante ; et ce particulièrement lorsque l’actionnariat de la société interposée est éclaté. En pratique, elle imposera un suivi très précis de l’évolution de l’actionnariat de la société interposée pour identifier ceux de ses associés susceptibles de bénéficier ou non du régime de faveur.
Elle implique par conséquent une excellente coordination et un suivi des engagements collectifs entre la société holding interposée faitière et chacune des filiales ou sous-filiales cibles. La contrainte sera d’autant plus stricte lorsque le nombre de filiales ou sous-filiale sera élevé, puisque cette exigence concerne chaque filiale ou sous-filiale cible.
Question n°12 : Des solutions pratiques existent-t-elles pour maitriser cette contrainte et ouvrir au maximum le bénéfice de l’exonération partielle aux associés de la société interposée ?
Réponse : Oui, des solutions existent.
Il sera souhaitable d’organiser un suivi attentif de la mobilité du capital de la holding faîtière pour en tirer les conséquences quant aux engagements collectifs de conservation souscrits « en bas » de l’organigramme du groupe.
En pratique, cette exigence conduira à souscrire un nouvel engagement collectif de conservation sur les titres de la société cible pour ouvrir droit au bénéfice de l’exonération au titre d’une participation nouvellement acquise par un associé de la société interposée.
Le cas échéant la société interposée détenant directement la participation dans la cible sera ainsi amenée à inclure les titres qu’elle détient dans plusieurs engagements collectifs ou à les renouveler périodiquement. Il est à craindre que cet empilement d’engagements collectifs dont l’activation variera le cas échéant en fonction de l’identité de l’auteur de la transmission complique encore la mise en œuvre du régime de faveur ; et ce parfois de manière artificielle. On ne peut que constater que ce suivi précis et cette multiplication ou ces renouvellements d’engagements collectifs semblent très éloignées de l’objectif de simplification ayant mû le législateur dans le cadre de la réforme réalisée par la loi de finances pour 2019 commentée par l’administration fiscale.
Question n°13 : Est-il possible, à présent, de fixer avec précision les conséquences produites par la modification de l’actionnariat de la holding faîtière dans le régime des sociétés interposées ? Une synthèse peut-elle être établie à destination du praticien ?
Réponse : Oui, pour cela il convient de rapprocher les nouvelles précisions fournies par l’administration fiscales dans ses commentaires du 6 avril qui ont été maintenues et indications complémentaires fournies dans la version définitive du bofip mise en ligne le 21 décembre 2021.
Quatre principes peuvent en être inférés :
1/ Comme nous le pensions (V. J-F Desbuquois et F. Fruleux, Pour une interprétation raisonnée de la réforme du régime « Dutreil », JCP éd. N 2019, 620, p. 6 ) la cession réalisée par un associé de la holding faîtière n’invalide pas en soi l’engagement collectif souscrit sur les titres de la société cible. Elle n’empêche pas les autres associés de la société interposée faitière de bénéficier de l’exonération partielle lors de la transmission de leurs titres (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20, 21 déc. 2021, n° 130, al. 1er).
2/ Une telle cession interdit en revanche à l’associé cédant de se prévaloir de l’engagement collectif ultérieurement lors de la transmission à titre gratuit des titres de la société interposée qu’il a conservés (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20, 21 déc. 2021, n° 130, al. 2).
3/ Seule la conclusion d’un nouvel engagement collectif de conservation sur les titres de la société cible permettrait à cet associé de prétendre au bénéfice de l’exonération lors de la transmission de la participation reliquataire conservée dans la société interposée.
4/ Si elle n’influe pas sur la possibilité pour les autres associés de cette société ayant conservé leurs participations de bénéficier du régime de faveur, l’acquisition de titres de la société interposée ne permet pas à l’acquéreur de bénéficier de l’exonération lors de la transmission de ces titres tant qu’un nouvel engagement de conservation n’a pas été conclu postérieurement à l’acquisition sur les titres de la société cible.
Question n°14 : Un suivi est-il organisé permettant à l’administration fiscale de vérifier que cette exigence a été respectée ?
Réponse : Oui.
En pratique, la situation est assez confortable pour l’administration fiscale. La responsabilité de l’identification des personnes et du nombre des titres concernés est reportée sur le praticien et les sociétés par le truchement des obligations déclaratives devant être remises lors de la réalisation lors de la transmission (CGI, ann. II, art. 294 bis et s. ; et plus précisément CGI, ann. II, art. 294 ter 1° “a” et 2° “a”. – CGI, art. 294 ter III).
Question n°15 : Les textes régissant ces obligations déclaratives et les commentaires définitifs publiés le 21 décembre 2021 sont-ils cohérents.
Réponse : Non, ils doivent être amendés.
Certaines obligations déclaratives propres aux transmissions de titres de sociétés interposées imposées par l’administration fiscale dont l’incohérence avait été soulignée d’emblée (V. F. Fruleux, Exonération Dutreil : des obligations déclaratives complexes et perfectibles : JCP N 2019, n° 35, 1267) devront être modifiées.
Elles l’ont déjà été en partie. Suite aux critiques doctrinales, des rectifications ont opérées discrètement par l’administration dans un décret « fourre-tout » estival (Décret n° 2020-897 du 22 juillet 2020 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code) pour supprimer des incohérences restant matériellement impossibles la délivrance d’attestations exigées.
De nouvelles modifications devront être opérées. La partie règlementaire du CGI fixant ces obligations déclaratives contredit la nouvelle doctrine administrative mise en ligne le 21 décembre. A nouveau, des attestations sont requises qui ne peuvent pas être délivrées. C’est le cas par exemple du « a » du 1° du IV de l’article 294 bis de l’annexe II au CGI. Ce texte impose à la société interposée d’identifier celui ou ceux de ses associés soumis aux obligations de l’engagement collectif de conservation et devant être amendées. Une telle certification est matériellement impossible, puisque l’administration admet dorénavant et à juste titre que le bénéfice de l’exonération partielle n’est pas conditionné à la souscription de l’engagement collectif de conservation par les associés de la société interposée (V. supra, question n°5).
Question n°16 : Les nouveaux commentaires publiés le 21 décembre 2021 permettent-ils de clarifier l’obligation propre au régime de l’interposition de conserver la participation détenue lors de la signature de l’engagement collectif ?
Réponse : Oui.
La version du bofip-impôts mise en ligne le 6 avril 2021 contenait des indications contradictoires à ce sujet. L’Administration réussissait à énoncer dans la même phrase deux critères foncièrement différemment. Elle précisait que cette exigence impliquait que l’associé concerné conserve au minimum les titres détenus au moment de la signature de l’engagement collectif, tout en indiquant que cette même condition imposait de conserver le taux de participations détenu à cette même période. Ces deux critères inhérents au nombre de titres détenus et au pourcentage de participations aboutissent à des résultats fondamentalement différents. Par exemple, se référer au taux de participations détenues et non au nombre de titres peut conduire à constater la remise en cause du régime de faveur à l’égard d’un associé qui a conservé les titres détenus mais dont le taux de participations se trouve dilué, par exemple en ce qu’il n’a pas souscrit à une augmentation de capital.
Les commentaires définitifs suppriment cette contradiction et énoncent clairement, comme nous le pensions, que cette condition s’apprécie en nombre de titres et non au regard du taux de participations. Ils précisent clairement qu’une diminution du pourcentage de participations n’emporte pas remise en cause du régime de faveur dès lors que l’associé a conservé les titres qu’il détenait lors de la signature de l’engagement collectif (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10-20, 21 déc. 2021, n° 130, al. 4).
Question n°17 : En est-il de même en ce qui concerne la contrainte imposée aux associés de la société interposée durant l’engagement individuel de conservation ?
Réponse : Malheureusement non.
L’administration revient sur son analyse antérieure contestable. Mais un défaut de coordination de ses commentaires crée une contradiction entre les deux sections du Bofip-impôts abordant cette question.
Le Bofip publié le 6 avril 2021 affirmait que « les personnes physiques bénéficiaires de l’exonération partielle doivent également conserver l’ensemble de leurs titres » jusqu’à la fin de l’engagement individuel de conservation (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 6 avr. 2021, n° 377).
A suivre ces indications, l’obligation de conservation inchangée de la participation détenue dans la société interposée était purement et simplement transposée à la phase d’engagement individuel de conservation. Selon l’administration il s’ensuivait que si le bénéficiaire de la transmission qui détenait par ailleurs une participation dans la société interposée n’ayant pas bénéficié de l’exonération cédait cette participation, cette cession emportait déchéance de l’exonération.
Une telle analyse qui rajoutait un cas de déchéance du régime de faveur n’étant pas prévue par la loi était de notre point de vue vouée à la censure (V. Fruleux, Nouvelle doctrine administrative relative à l’exonération « Dutreil » : des revirements et analyses à revoir : Newsletter du 28 Mai 2021, n°390).
La dernière version du Bofip revient sur cette analyse. Ce paragraphe est réécrit de la manière suivante : « les associés personnes physiques de la société interposée bénéficiaires de l’exonération partielle doivent également conserver l’ensemble de leurs titres ayant bénéficié de l’exonération partielle » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, n° 377).
L’administration admet donc clairement que cette contrainte, lorsqu’elle s’applique aux associés de la société interposée, concerne uniquement les titres ayant bénéficié de l’exonération partielle.
Cette indication est malheureusement contredite par d’autres développements plus généraux qui figurent dans une autre section du Bofip consacrés à la remise en cause du régime de faveur et qui n’ont pas été modifiés en conséquence. L’Administration y affirme : « pendant les engagements collectifs ou unilatéral et individuel de conservation, la cession de parts ou actions détenues dans une société qui possède directement [un niveau d’interposition] ou indirectement [deux niveaux d’interposition] une participation dans la société dont les titres font l’objet de ces engagements de conservation entraîne la remise en cause de l’exonération partielle appliquée » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20, 21 déc. 2021, n° 140).
À suivre ces indications, la cession par un associé de la société interposée de parts ou actions détenues dans cette société avant la fin de l’engagement individuel de conservation emporterait déchéance de l’exonération partielle.
L’administration fiscale retombe ici dans son travers consistant à traiter les opérations réalisées par les sociétés interposées et par leurs associés et durant la phase d’engagement collectif et d’engagement individuel de manière uniforme. Ces situations relèvent de dispositions et contraintes distinctes. Elles doivent nécessairement être dissociées.
Question n°18 : Pensez-vous que comme l’affirme l’administration fiscale une cession par un associé de la société interposée d’une participation détenue dans cette société qui n’a pas bénéficié de l’exonération puisse emporter déchéance de l’exonération dont d’autres associés ont bénéficié lors d’une donation ou transmission par décès ?
Réponse : Non.
Quelle que soit l’analyse retenue par l’administration fiscale dans ces commentaires définitifs qui contredisent les précédents, la cession par un associé de la société interposée faitière de titres détenus dans cette société durant la phase d’engagement individuel ne saurait entraîner la remise en cause de l’exonération partielle. La nouvelle contrainte insérée par la loi de finances pour 2019 ne concerne pas les associés de la société interposée.
Elle est clairement localisée au niveau des participations détenues par les sociétés interposées membres de la chaîne de participations : « le cas échéant, la société dont les titres ont été transmis, qui possède directement ou indirectement dans les conditions prévues au 3 du “b” une participation dans la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement collectif de conservation mentionné au “a”, doit conserver cette participation durant cette même période » (CGI, art. 787 B, « c », al. 2).
Question n°19 : Les nouveaux commentaires administratifs détaillent-ils les modalités de détermination de l’assiette de l’exonération partielle propres aux transmissions de sociétés « interposées » ?
Réponse : Oui.
L’administration ajoute utilement un exemple chiffré de calcul du prorata de la valeur des titres des sociétés interposées éligibles à l’exonération partielle en présence de deux niveaux d’interposition.
Question n°20 : La méthode de calcul du ratio de la valeur des titres transmis éligible à l’exonération de 75 % détaillée par l’administration fiscale s’impose-t-elle aux redevables ?
Réponse : Non.
Selon l’administration fiscale, le calcul de ce ratio implique de partir de la société cible pour remonter la chaine des participations (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, n° 440). Comme nous avons déjà eu l’occasion de le préciser (V. F. Fruleux, Transmission de titres de sociétés interposées (deux niveaux) : détermination de l’assiette de l’exonération, calculs et paiement des droits : JCP N 2019, n° 51-52, 1344), les précisions fournies par l’Administration quant au sens (remontée ou descente de la chaîne des participations) ne sont qu’indicatives. S’agissant de déterminer un pourcentage de valorisation éligible à l’exonération partielle, le résultat est identique que l’on parte des titres de la société cible en remontant la chaîne des participations ou que l’on débute le calcul en partant de la société dont les titres sont transmis pour redescendre la chaîne des participations.