Dans cette affaire, une contribuable était appelée à recueillir en 2015 la succession d’une défunte. Dans le cadre de l’établissement de la déclaration de succession en 2019, elle demandait le bénéfice de l’abattement de 159 325€ (CGI, art. 779-II) au regard de sa situation de handicap engendrée par un accident vasculaire cérébral survenu quelques mois précédant la succession. Elle appuyait sa demande d’un certificat médical attestant de son incapacité à travailler et d’un rapport du médecin expert, datés de 2019. Il est par ailleurs précisé qu’entre l’année 2003 et la date de survenue de l’accident en 2015, l’héritière n’exerçait aucune activité professionnelle.
Dans le cadre d’une proposition de rectification, l’Administration remit en cause le bénéfice de cet abattement au motif que les documents produits par l’héritière et justifiant de son incapacité à travailler n’étaient pas suffisamment probants. L’Administration justifiait sa position au regard de l’absence d’activité professionnelle passée et en cours au moment où survint l’accident. Ainsi, elle arguait le fait que cet événement n’avait « pas eu d’incidence sur les revenus ultérieurs, en l’absence de cotisation attachée à un revenu d’activité. »
Assignant devant le tribunal judiciaire d’Evreux l’Administration fiscale, l’héritière contestait la casuistique. Rejetant les demandes de cette dernière le tribunal confirma la décision de rejet de l’Administration.
Assistée de son curateur, la requérante interjeta appel en vue d’infirmer le jugement. Elle arguait le fait qu’aucune disposition au sens des textes (CGI, art. 779-II et 294 de l’annexe II) ne permet de considérer qu’il y ait lieu de démontrer un lien de causalité entre le handicap et la limitation de l’activité professionnelle. Elle ajoutait que son accident était survenu à l’âge de 56 ans soit au cours de la vie active, condition suffisante pour bénéficier de l’abattement susvisé.
A l’inverse, l’Etat soutenait que le contribuable doit être en mesure de « démontrer que son handicap a eu une conséquence sur son déroulement de carrière ». Au regard de l’absence de revenu et d’activité professionnelle depuis 2003, il considérait que son handicap n’avait pas interféré avec le déroulement de sa carrière ou de sa pension de retraite.
La chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 7 mars 2024, n°21/04185) suivit ce dernier raisonnement, confirmant le jugement susvisé. Selon les juges « pour bénéficier de l’abattement prévu à l’article 779 II, le redevable doit prouver le lien de causalité entre sa situation de handicap et le fait que son activité professionnelle a été limitée et son déroulement de carrière entravé. »
Au cas présent la requérante avait au moment de son accident, cessé son activité professionnelle antérieure depuis une quinzaine d’années. Ainsi quand bien même ce dernier était survenu au cours de sa vie active, il lui appartient de rapporter la preuve « que son handicap a affecté son déroulement de carrière ou a eu pour conséquence de diminuer le montant de la retraite à laquelle elle pouvait prétendre antérieurement à son accident. »
Avis de l’AUREP
La solution retenue par la Cour d’appel de Rouen apparait très sévère pour plusieurs raisons.
D’une part, elle résulte d’une lecture très restrictive des textes qui ne prévoient pas une analyse de la situation professionnelle antérieure de la personne en situation de handicap.
D’autre part, elle interroge sur la légitimité de la documentation fondée par les experts du corps médical qui témoigne pourtant d’une incapacité présente et future d’exercice d’une profession.