L’affaire objet de notre analyse traite d’une question relativement fréquente en pratique.
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Les faits étaient simples. Des parents avaient effectué au profit de leur fille une donation de la nue-propriété de titres d’une société anonyme en se réservant l’usufruit. Il apparait important de préciser ici que les droits de donation avaient été pris en charge par les parents donateurs. Ils cédèrent par la suite conjointement la pleine propriété des titres à un tiers. Dès lors, le prix de cession avait été réemployé dans l’investissement au capital de deux sociétés avec report du démembrement sur les parts sociales reçues en contrepartie.
En parenthèse nous rappellerons que, lorsque le prix de cession des titres est remployé dans un actif en démembrement, le nu-propriétaire endosse la qualité de redevable de l’impôt de la plus-value de cession. Il est à noter que cette spécificité est propre aux plus-values de cession de droits sociaux.
Au regard de ces règles fiscales, la nue-propriétaire était donc redevable de l’entièreté de l’impôt sur la plus-value de cession des droits sociaux. Elle avait alors a posteriori considéré pour le calcul de la plus-value que les droits de mutation à titre gratuit, bien que pris en charge par ses parents donateurs, pouvaient être pris en compte dans le prix d’acquisition. L’Administration refusant la régularisation de l’imposition, fut assigné par la requérante.
La Cour administrative d’appel de Nantes saisie de l’affaire (CAA Nantes, 21 juil. 2023, n° 22NT03428) débouta la nue-propriétaire au motif que « le montant des frais de donation acquittés par ses parents lors de la donation de la nue-propriété des titres de la société ne peut être retenu pour le calcul de la plus-value imposable en son nom au titre de la cession suivante, dès lors que ces frais ne constituent pas des frais acquittés par le donataire, c’est-à-dire elle-même, susceptibles de venir s’ajouter à la valeur de cession, en application des dispositions de l’article 150-0 D du code général des impôts ».
S’appuyant sur une lecture stricte de l’article 150-0 D la Cour écarte donc la prise en compte des frais de donation, ces derniers n’ayant pas été pris en charge par le cédant. Cette logique révèle d’ailleurs la position de la doctrine administrative qui subordonne la prise en compte des frais d’acquisition dans le prix d’acquisition au support effectif de la charge par le contribuable et sous réserve de pouvoir en apporter la preuve.
Avis de l’AUREP
A notre sens la conclusion de la Cour d’appel de Nantes révèle une lecture stricte des textes et de la doctrine administrative. Il nous semble dès lors possible d’établir un parallèle avec le principe consacré par le Conseil d’Etat en 2017 (CE, 11 mai 2017, n° 402479), bien que les faits soumis à examen soient fondamentalement différents. Appliqué au démembrement, les titulaires de chacun des droits de l’usufruit d’une part, de la nue-propriété d’autre part, doivent avoir respectivement supporté les frais afférents à leur droit.