On le sait, la présence d’un élément d’extranéité dans la situation d’un client emporte des conséquences civiles et fiscales nécessitant une certaine maîtrise des conflits de loi.
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Dans l’affaire qui nous intéresse aujourd’hui, il est précisément question de l’application du régime primaire impératif français à des époux soumis à une régime matrimonial étranger. A cet égard, il nous semblait important de commenter les principes de bonne pratique rappelés par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (Cass 1ère civ., 12 juin 2024, n° 22-17.231) en juin dernier.
En l’espèce, Monsieur X et Madame Y s’étaient mariés en 1992 en Syrie. Entre août 2014 et août 2018, un immeuble situé en France avait été donné à bail à Madame Y successivement par plusieurs sociétés propriétaires du bien. La locataire a, en août 2018 libéré les lieux. Le divorce des époux est intervenu peu de temps après, en janvier 2019.
En raison de loyers restés impayés, la dernière société, propriétaire du l’immeuble, a, assigné les époux aux fins de les voir condamner au paiement des sommes.
L’enjeu du litige portait donc sur la question de savoir si, Monsieur X était condamné solidairement au paiement des sommes en raison de l’application de l’article 220 du Code civil ; article du régime primaire prévoyant une solidarité pour les dettes ménagères. Si les juges d’appel ont pu suivre ce raisonnement, Monsieur X revendiquait pour sa part l’application du droit syrien qui, au regard de ses dispositions internes justifiaient sa mise hors de cause du paiement solidaire de la dette locative.
Les juges de la Cour de cassation saisis sur pourvoi de ce dernier, s’appuyèrent sur une lecture stricte de l’article 3 du Code civil qui, prévoit rappelons le, que les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.
Ainsi, la Haute juridiction rappelle que, « sauf convention international contraire, les règles relatives aux devoirs et droits respectifs des époux énoncés par les articles 212 et suivants du code civil sont d’application territoriale. »
En conséquence, les époux résidant en France à l’époque des faits, le régime primaire impératif français leur était pleinement applicable. Les deux étaient donc tenus par la solidarité des dettes ménagères encadrée par l’article précité
Pour autant, le mari a pu obtenir cassation sur un autre fondement : celui tenant à la charge de la preuve. Plus précisément, il était question de savoir qui du mari ou de la société créancière était tenu de prouver une habitation effective ou non du local par les deux époux ou, pour le moins la souscription du bail pour l’entretien de ménage. Les juges d’appel ont inversé à tort la charge de cette preuve en retenant qu’elle incombait à Monsieur X qui, demandant sa mise hors de cause, ne rapportait pas la preuve d’une résidence distincte. La Haute juridiction écarte ce raisonnement et, juge au visa de l’article 1353 qu’il appartenait à la société bailleresse « d’établir que le local loué servait effectivement à l’habitation des deux époux ou, pour le moins, que le bail avait été souscrit pour l’entretien du ménage. »