S’il est plus courant d’évoquer la notion de société à prépondérance immobilière en matière de plus-value immobilière des particuliers (art. 150 UB du CGI), elle trouve également écho en matière de cession de titres de participation (art. 219 du CGI).
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Plus spécifiquement, dans le cadre d’un groupe de sociétés, les plus ou moins-values réalisées à l’occasion de la cession de titres d’une société à prépondérance immobilière non cotée sont exclus du régime des plus ou moins-values à long terme du a sexies-0 bis du I de l’article 219 du CGI, plus communément appelée « niche Copé ». Ainsi, la cession des titres ne bénéficie pas de l’exonération des plus-values à long terme afférentes aux titres de participation. A noter toutefois que ce dispositif d’exonération prévoit en parallèle une réintégration dans le résultat imposable d’une quote-part de frais et charges de 12%.
En l’espèce, une société, dont le statut juridique n’a pas été précisé, avait cédé ses titres de participation dans trois filiales, sociétés en nom collectif. Ces trois entités, avaient pour activité exclusive la location nue d’un centre commercial qu’elles avaient par ailleurs édifié. Les plus-values résultant des cessions avaient alors été imposées selon le régime fiscal propre aux cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière défini au a sexies-0 bis) du I de l’article 219 du CGI à savoir, une prise en compte totale dans le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés de l’entité cédante. Cette dernière contestait l’imposition générée au motif que les plus-values relevées du régime d’exonération de cession des titres de participation susvisé, les filiales n’étant pas à prépondérance immobilière. On comprend dès lors que l’enjeu s’articulait autour de la qualification de la nature fiscale des titres des filiales cédés qui conditionnait le régime fiscal applicable. L’Administration refusant la contestation, la société saisit le tribunal administratif de Montpellier (TA Montpellier, 27 janv. 2020, n°1803441) qui accueillit positivement sa demande. Par la suite, la Cour administrative d’appel de Toulouse (CAA Toulouse, 27 oct. 2022, arrêt n°20TL01375) saisie sur pourvoi avait annulé le jugement. C’était alors au tour du Conseil d’Etat (CE, 29 sept. 2023, n° 469788) de statuer sur le litige.
La Haute juridiction administrative rappela d’abord la définition de la notion de société à prépondérance immobilière telle qu’elle est définie à l’article 219 du CGI :
« Sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l’actif est, à la date de la cession de ces titres ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles, des droits portant sur des immeubles, des droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier ou par des titres d’autres sociétés à prépondérance immobilière. Pour l’application de ces dispositions, ne sont pas pris en considération les immeubles ou les droits mentionnés à la phrase précédente, lorsque ces biens ou droits sont affectés par l’entreprise à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale (…). »
Dès lors, il y a lieu d’opérer une distinction selon que les immeubles soient affectés par la personne morale de manière permanente comme moyens d’exploitation, ou, qu’ils constituent l’objet même de l’exploitation de la société ou de placements en capitaux, principe consacré par la décision Fournier (CE, 12 déc. 2012, n° 329821). Dans le premier cas, en ce qu’ils permettent à la société d’exercer son activité économique, ils seront exclus de la définition. Dans le second, en tant que « supports » de l’activité exercée, ils répondront des actifs pris en compte pour la qualification, ce que le Conseil d’Etat (CE, 13 juil. 2006, n° 276362) a eu l’occasion d’illustrer au regard d’immeubles comptabilisés dans les stocks d’une société exerçant une activité de marchand de biens qui, ne constituent pas des moyens permanents d’exploitation. La doctrine administrative dresse en ce sens une liste non-exhaustive d’exemples où l’on peut considérer l’immeuble comme non affecté à l’exploitation de la personne morale (BOI-IS-BASE-20-20-10-30 et BOI-RFPI-SPI-10-20).
En l’espèce, les juges du droit ont considéré que les locaux du centre commercial donnés à bail par les filiales constituaient l’objet même de leur exploitation. Dès lors, ils considèrent que c’est à bon droit que les juges d’appel ont retenu, pour qualifier les SNC de sociétés à prépondérance immobilière, les immeubles en cause. Enfin, les requérants invoquaient la commercialité des locations consenties au motif qu’elles étaient indexées sur le chiffre d’affaires des locataires eux-mêmes exerçant une activité commerciale. Là encore, les juges écartent le moyen, ces circonstances étant sans incidence sur le raisonnement, « à supposer même qu’elles soient susceptibles de conférer un caractère commercial à la location de ces locaux nus ».
Avis de l’AUREP
Une distinction doit donc être opérée entre, d’une part, les immeubles qui constituent des moyens permanents d’exploitation, tels ceux qui abritent une usine de production ou les bureaux de l’entreprise et, d’autres parts, ceux qui permettent la réalisation de l’objet social de la société, tels ceux mis à bail au profit de tierces personnes, s’agissant d’une entreprise dont l’activité est la location.
Les premiers sont écartés dans la prise en compte du ratio pour l’appréciation de la prépondérance immobilière tandis que les seconds sont pris en compte. Dans cette dernière occurrence, le fait que l’activité de location ait une nature civile ou commerciale au regard de la fiscalité afférente aux revenus dégagés est sans incidence.
Enfin, cet arrêt apparait conforme à la jurisprudence administrative établie au regard de l’ancien article 150 A bis du CGI. Dès lors que la définition de la notion de prépondérance immobilière donnée par ce dernier article est similaire à celle exposée par l’article 219 du même code, la transposition nous semble justifiée. En outre, elle confirme la portée de la doctrine administrative rédigée en ce sens.