Le testament olographe constitue la forme testamentaire la plus usitée en pratique. Comme tout testament, il doit être unilatéral (C. civ., art. 968), le testament conjonctif étant nul (1). L’objectif poursuivi par la loi vise à prohiber un acte pour lequel chaque testateur pourrait être influencé par l’autre. Bien évidemment, cela n’interdit pas à chaque époux de rédiger un testament en des termes identiques pour le cas où il survivrait à l’autre.
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Le testament doit également être écrit, ce principe étant justifié par la nécessité de le conserver. Par conséquent, le legs verbal ou « nuncupatif » est nul. Toutefois, il existe une exception jurisprudentielle à cette nullité fondée la théorie des obligations naturelles. En effet, un legs verbal, nul en cette qualité, met à la charge de l’héritier une obligation naturelle qui peut servir de cause à une obligation civile valable (2). Les héritiers peuvent donc exécuter volontairement un testament irrégulier, mais il convient qu’ils soient tous d’accord pour ce faire. Sur ce point la jurisprudence a étendu la faculté, visée à l’article 931-1 du Code civil, de confirmer post mortem une donation qui serait nulle en la forme (3).
Bien évidemment, le testament olographe est librement révocable par application de l’article 895 du Code civil. Cela dit, le conseil d’un client dans la rédaction de son testament, au-delà des dispositions patrimoniales qu’il souhaite prendre, implique d’adopter des réflexes qu’il nous semble utile de rappeler ici. Ces réflexes ont trait à la forme du testament olographe (I), à sa possible caducité (II) et à la question de la révocation des dispositions antérieures (III).
I – Conseils relatifs à la forme du testament olographe
Selon l’article 970 du Code civil : « Le testament olographe ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune autre forme ».
Le testament olographe est donc un acte solennel, c’est-à-dire un acte dont la validité est subordonnée à une condition de forme.
Par conséquent, le testament olographe ne peut pas être dicté, mais doit être rédigé par le testateur lui-même de manière manuscrite. La jurisprudence n’a jamais admis la validité d’un testament qui pourrait être dactylographié. L’objectif poursuivi par la loi est d’assurer la véracité de la volonté du testateur, et ce quel que soit le support, la langue ou les signes. Il convient bien évidemment que la langue employée soit comprise par le testateur. La jurisprudence est très abondante en la matière. Ainsi le testament olographe doit-il être entièrement rédigé par le testateur et non par un tiers même si ce n’est que partiel (4).
Le testament doit être signé par son auteur. En principe, il doit s’agir de sa signature habituelle, même si la jurisprudence reconnaît comme étant valable la simple apposition des nom et prénoms du testateur (5). Il est exigé en revanche que la signature apparaisse en fin de testament (6).
La date doit être inscrite par le testateur. Si la date est absente ou incomplète, l’acte est nul, mais il est possible pour le légataire de rapporter la preuve de la date du testament, la jurisprudence ayant évolué sur ce point. En effet, pendant longtemps, la Cour de cassation exigeait que la date trouvât sa cause dans l’acte lui-même, c’est-à-dire que les éléments contenus dans le testament devaient permettre de réparer l’irrégularité. A défaut, le testament était nul (7). Aujourd’hui, la Cour de cassation admet que le testament non exactement daté reste valable dès lors qu’il n’est pas allégué que pendant la période possible de rédaction, le testateur ait été frappé d’incapacité ou qu’il ait rédigé un autre testament incompatible avec le premier (8).
On peut aujourd’hui légitiment s’interroger sur ces exigences, notamment à l’heure de l’acte authentique électronique et plus généralement de la signature électronique des actes sous seing privé (9).
Enfin, rien n’interdit au testateur de conserver à son domicile le testament olographe, mais une telle pratique comporte deux risques : d’une part, l’acte peut être plus facilement égaré ; et, d’autre part, il pourrait être détruit par un héritier se sentant lésé après le décès de son auteur. Pour ces raisons, en règle générale, le testament olographe est porté à l’office notarial du notaire en ayant conseillé la rédaction. Cela permet d’en assurer la conservation. Il sera en outre inscrit au fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV). Celui-ci sera obligatoirement interrogé lors de l’ouverture de la succession par le notaire qui doit en assurer le règlement. Le professionnel pourra ainsi interroger son confrère qui en est le dépositaire afin qu’il dresse un procès-verbal de dépôt et d’ouverture du testament.
II – Conseils rédactionnel pour pallier le risque de caducité d’un legs
Comme tout testament, le testament olographe comprend généralement un ou plusieurs legs. Or celui-ci est caduc dans quatre situations (10) : le prédécès du légataire (C. civ., art. 1039) ; la perte de la chose léguée (C. civ., art. 1042) ; la renonciation au legs par le légataire (C. civ., art. 1043) ; et l’incapacité de jouissance du légataire survenue après l’établissement du testament (C. civ., art. 1043) (11).
Le cas du prédécès du légataire est sans doute le plus épineux. En effet, dans une telle hypothèse, ses descendants ne peuvent pas le représenter pour appréhender le legs en ses lieu et place, la représentation ne s’appliquant qu’à la dévolution légale en cas de prédécès, de renonciation ou d’indignité d’un héritier en ligne directe ou en ligne collatérale privilégiée (C. civ., art. 751 et s.) (12). Ce principe est d’autant plus fondé que le testateur, averti du prédécès d’un légataire, a tout le loisir de modifier ses dispositions de dernières volontés.
Par conséquent, et si tel est le souhait du testateur, une clause de l’acte peut désigner des légataires de substitution en cas de prédécès de celui désigné en premier. Cette clause dite de « substitution vulgaire » (13), rare en pratique, peut trouver un fondement en l’article 898 du Code civil selon lequel : « La disposition par laquelle un tiers serait appelé à recueillir le don, l’hérédité ou le legs, dans le cas où le donataire, l’héritier institué ou le légataire ne le recueillerait pas, ne sera pas regardée comme une substitution et sera valable ».
III – Conseils rédactionnels pour articuler le testament avec les autres dispositions de dernières volontés
Tant que la succession n’est pas ouverte, le testament demeure un acte précaire et provisoire. Comme le précise l’article 895 du Code civil, son auteur peut le révoquer à tout moment (14), cette révocation pouvant être expresse ou tacite.
La révocation tacite du testament s’opère dans trois situations : un testament nouveau est incompatible avec le précédent ; la chose léguée a été aliénée (C. civ., art. 1038) ; ou le testament a été détruit par son auteur (15). La première cause de révocation tacite est parfois la source de grandes difficultés pour régler la succession du testateur. En effet, l’article 1036 du Code civil prévoit que le testament nouveau prime sur le précédent qui est révoqué, mais si les nouvelles dispositions ne révoquent qu’une partie des anciennes, les deux testaments s’appliqueront de manière cumulative (16).
En pratique, à l’occasion de l’établissement d’un testament olographe, il est préférable que le testateur révoque expressément ses dispositions de dernières volontés antérieures, qu’il s’agisse d’un testament déjà établi ou d’une donation de biens à venir entre époux. A cet égard, deux voies sont ouvertes par l’article 1035 du Code civil selon lequel : « Les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté ».Cet article prévoit ainsi que le testateur peut révoquer son testament soit par un acte de révocation devant notaire, soit par un testament postérieur (17).
L’acte révocatoire est rare en pratique. En effet, il suppose la rédaction d’un acte authentique reçu par un notaire accompagné d’un confrère ou devant deux témoins(18). Il ne peut en outre comporter de nouvelles dispositions de dernières volontés.
En pratique, il est conseillé de stipuler une clause dans le testament nouveau révoquant expressément le testament antérieur. Cette clause portera ses pleins effets, même si les legs compris dans l’acte sont caducs (C. civ., art. 1038) (19). Cette stipulation peut être ainsi rédigée :
« Je révoque toutes dispositions de dernières volontés antérieures à l’exception des clauses bénéficiaires de mes contrats d’assurance-vie ».
Une telle clause appelle deux remarques.
D’une part, en la matière, il n’existe aucun de parallélisme des formes. Un testament olographe peut ainsi parfaitement révoquer un testament authentique ou une donation de biens à venir entre époux. En revanche, une donation de biens à venir entre époux ne peut comprendre une clause portant révocation expresse d’un testament antérieur (20) mais elle peut emporter sa révocation tacite toutes les fois qu’elle comprend des dispositions patrimoniales qui lui sont contraires (21).
D’autre part, il peut être opportun de mentionner expressément le maintien des clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie du testateur. A défaut, les héritiers pourraient être tentés de contester la désignation bénéficiaire. Or l’interprétation d’une clause révocatoire figurant dans un testament relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (22), lesquels doivent apprécier de manière rétrospective les volontés du défunt, exercice par nature délicat…
- Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Droit des successions et des libéralités, 10e éd., Lextenso 2022, n° 380. ↩︎
- V. Cass. civ. 18 mai 1936, DH 1936, 345. Cette jurisprudence était fondée sur le fait qu’un tiers pût user d’une machine à écrire à la place disposant. Aujourd’hui, il s’agirait d’un tiers qui use du logiciel Word à sa place… ↩︎
- Cass. 1re civ., 9 juin 2021, n° 19-21.770, Dr. famille 2021, n° 9, comm. 132, note M. Nicod ; Defrénois 2022, n° 14, p. 27, obs. S. Gaudemet. ↩︎
- Cass. 1re civ, 20 septembre 2006, n° 04-20.614. ↩︎
- V. Cass. 1re civ., 22 juin 2004, Bull. Civ. I, n° 180, D. 2004, p. 2953, note M. Nicod.. ↩︎
- Cass. 1re civ., 17 juin 2009, n° 08-12.896, D. 2009, p. 2508, note M. Nicod. ↩︎
- Cass. civ., 24 juin 1952, JCP 1952, II, 7179, note Voirin. ↩︎
- Cass. 1re civ, 10 mai 2007, n° 05-14.366, RTD civ, p. 604, obs. M. Grimaldi ; Defrénois 2007, n° 20, p. 1432, note M. Beaubrun ; v. dernièrement, Cass. 1re civ., 22 nov. 2023, n° 21-17.524 ; Gestion de Fortune n°353, janvier 2024, p.51, note T. Gimenez. ↩︎
- Sur ces questions, N. Laurent-Bonne et C. Pommier, « Le formalisme des testaments à l’épreuve de la révolution numérique », Solution Notaire Hebdo 2023, n° 12, inf. 2. ↩︎
- Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Droit des successions et des libéralités, déjà cité, n° 423. ↩︎
- Pour rappel, la caducité rend l’acte inefficace. Cette notion est donc proche de la nullité. Simplement, un acte nul comprend un vice dès sa conclusion, alors qu’un acte caduc est valable à cette date mais un élément essentiel à sa validité disparaît par la suite (C. civ., art. 1186). ↩︎
- Raison pour laquelle un collatéral privilégié exhérédé par testament ne peut être représenté, v. Cass. 1re civ., 17 avr. 2019, n° 17-11.508, Defrénois 2020, n° 4, p. 29, obs. S. Gaudemet. ↩︎
- D. Montoux, JCl. Notarial formulaire, v° Testament, Fasc. 200 : inefficacité des legs pour causes antérieures au décès du testateur, 2022, n° 118. ↩︎
- La révocation d’un legs peut également être judiciaire pour cause d’ingratitude ou d’inexécution des charges (C. civ., art. 1046). ↩︎
- Cass. 1re civ., 25 mai 1959, Bull. Civ. I, n° 264. ↩︎
- Cass. 1re civ., 6 mars 1984 : JurisData n° 1984-700403, D. 1985, p. 17, note Breton. ↩︎
- Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Droit des successions et des libéralités, déjà cité, n° 397. ↩︎
- D. Montoux, JCl. Notarial formulaire, v° Testament, Fasc. 200, déjà cité, n° 41. ↩︎
- D. Montoux, JCl. Notarial formulaire, v° Testament, Fasc. 200, déjà cité, n° 38. ↩︎
- Cass. 1re civ., 22 juin 2004, n° 02-20.398, Defrénois 2004, n° 20, p. 1386, note B. Beigner. ↩︎
- Dans le même ordre d’idées, une donation de biens à venir ne peut jamais comprendre une clause privant le conjoint survivant de ses droits légaux, Rép. min. Bocquet, n° 76457, JOAN, 11 avr. 2006, p. 3999, Defrénois 2006, n° 18, p. 1359, note B. Vareille. ↩︎
- V. par ex., Cass. 1re civ., 17 mai 2017, n° 16-17.123. ↩︎