Retour sur la clause type « Mes héritiers » qui, soulève en pratique des difficultés d’interprétation.
L’infographie ci-après décrit chronologiquement les faits de l’affaire qui nous intéresse.
Le litige, portait donc sur l’identification de la qualité des bénéficiaires désignés dans l’acception « Mes héritiers ». Intéressons nous désormais à la position de la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 5sept. 2024, n°21/06317).
Les héritiers successoraux légaux, ici les autres neveux et nièces, invoquaient la primauté du contrat d’assurance-vie sur la qualité de légataire universel institué par testament. Ils soulignaient en outre que le contrat d’assurance-vie qui, désignant les héritiers, ne conférait pas davantage de droit aux légataires universels qu’aux autres héritiers sur le capital, si bien qu’ils souhaitaient être placés sur le même pied d’égalité. Pour eux, la modification de la clause bénéficiaire en 2011 démontrait la volonté de leur tante « de distinguer le contrat de sa dévolution successorale et ne pas exagérer les avantages confiés aux deux légataires universels qui sont, comme eux, des neveux et nièces proches ».
A l’inverse, les deux légataires universels revendiquaient la primauté de leur qualité sur celle de simples héritiers non réservataires. Ils font valoir à cet égard les « relations serrées » qu’ils entrainaient avec leur tante contrairement à leurs cousins.
Les juges d’appel commencent par rappeler que « le testament, même s’il institue un légataire universel, ne fait pas pour autant perdre la qualité d’héritier aux héritiers légaux ».
L’article L132-8 du Code des assurances mentionne à cet égard que « le bénéfice de l’assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l’exigibilité du capital ou de la rente garantis. » Le texte précise d’ailleurs qu’une désignation des héritiers remplit cette condition.
Selon une jurisprudence constante, la Cour d’appel rappelle que, par le terme « héritiers » il faut comprendre « toutes les personnes susceptibles de venir à la succession et pas uniquement les héritiers visés à l’article 734 du Code civil. » Ainsi, et pour identifier les bénéficiaires, il convient « de ne s’attacher exclusivement ni à l’acception du terme héritier dans le langage courant ni à la définition de ce terme en droit des successions mais de rechercher et d’analyser la volonté du souscripteur. »
La recherche de la volonté du souscripteur étant la règle, seule une appréciation souveraine des faits par les juges du fond permet d’identifier l’identité des bénéficiaires que le souscripteur a souhaité gratifier. A cet égard et en l’espèce, les juges d’appel se basent sur le fondement des faits suivants pour recherche la volonté du de cujus :
- D’abord, un écrit rapporté à la Cour révélait que la souscriptrice était en conflit aigu avec l’un de ses neveux et, qu’elle souhaitait engager une procédure judicaire à son encontre. Ce dernier étant vivant lors de la modification de la clause litigieuse, les juges estiment qu’il apparait douteux qu’elle eût souhaité le gratifier.
- Ensuite les juges d’appel rapportent que, dans la rédaction du testament, intervenue deux ans avant cette modification, elle avait institué deux légataires universels ayant vocation à percevoir l’ensemble de sa succession.
Ainsi, les juges du fond considèrent par une appréciation souveraine des faits que la souscriptrice avait entendu faire bénéficier les capitaux décès à ses seuls légataires universels par parts égales.
Précision intéressante, les héritiers légaux, s’étaient appuyés sur une jurisprudence passée dans laquelle les juges avaient retenu le raisonnement inverse en ce qu’ils avaient, là encore dans le cadre de l’interprétation du terme « héritiers », mis sur un pied d’égalité une légataire universelle et les autres héritiers. Selon la Cour d’appel de Versailles, cette solution traduisait un raisonnement spécifique aux faits de l’espèce. En tout état de cause, il ne saurait être généralisé et étendu à la présente affaire ; la recherche de la volonté du souscripteur étant par essence factuelle.