Revenons sur un arrêt pédagogique rendu le 23 mai dernier par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 23 mai 2024, n°22-18.911). Afin de bien identifier les contours de la solution, partons d’un exemple pratique.
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Prenons le cas de Monsieur et Madame CHAMPION mariés sans contrat de mariage. Les époux divorcent et, s’interrogent sur la liquidation de leur régime matrimonial.
Madame, détient en propre une maison familiale qu’elle avait reçue dans la succession de sa mère. Le bien, a fait l’objet de travaux d’amélioration durant le mariage. A l’époque, le devis faisait ressortir un montant de travaux s’élevant à 20.000€, dont 10.000€ de main d’œuvre. Monsieur étant bricoleur, le couple avait décidé de seulement financer la part relative au coût des matériaux (10.000€), Monsieur se chargeant lui-même d’effectuer les travaux. La part financée l’a été au moyen d’un emprunt financé intégralement par la communauté.
Au jour de la liquidation de leur régime matrimonial, la maison est évaluée à 400.000€. Sans les travaux, sa valeur ne serait que de 350.000€.
A ce stade, il nous est permis d’envisager la prise en compte d’éventuelles récompenses. L’arrêt rappelle que, selon l’article 1437 du code civil, « un époux ne doit récompense à la communauté que lorsqu’il est pris une somme sur celle-ci ou, plus généralement, lorsque l’époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté. »
On en déduit implicitement que, la plus-value procurée par l’industrie personnelle déployée par un époux sur le bien propre de son conjoint ne donne pas lieu à récompense au profit de la communauté.
Ainsi, et en application de l’article 1469 alinéa 3 du même code, que l’on ne présente plus, « lorsque la valeur empruntée a servi à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur, la récompense doit être égale au profit subsistant, lequel se détermine d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué à l’amélioration du bien propre ».
Dans notre cas, le profit subsistant est donc la règle. Au regard de nos précédents développements, on comprend qu’une simple soustraction ne saurait suffire. En effet, l’amélioration apportée au bien propre trouve son origine dans deux opérations qu’il convient de distinguer :
- D’une part, dans les dépenses assumées par la communauté,
- D’autre part, dans l’industrie personnelle déployée sans rémunération par Monsieur sur le bien de son épouse ; cette dernière ne pouvant être retenue dans le calcul de la récompense.
A cet égard et pour reprendre les termes de la Haute juridiction, « le montant de la récompense due est égal à la part de la plus-value apportée au bien par les travaux réalisés découlant du financement assumé par la communauté, à l’exclusion de la part de cette plus-value découlant de l’industrie déployée et, le cas échéant, de dépenses ne provenant pas de la communauté. »
Autrement dit, il y a lieu, d’établir une proportion dans le coût des travaux afin d’exclure la valeur théorique économisée de l’industrie personnelle déployée par Monsieur. Ainsi, la plus-value proviendrait essentiellement de la part financée par la communauté.
Plus précisément, le profit subsistant est calculé de la manière suivante : (A-B) x C/D où :
- A correspond à la valeur du bien au jour de la liquidation
- B correspond à la valeur théorique du bien au jour de la liquidation sans les travaux réalisés
- C correspond au montant des dépenses financées par la communauté : ici le remboursement de l’emprunt
- D correspond au coût total qu’auraient eu les travaux à l’époque de leur réalisation, matériaux et main d’œuvre compris, s’ils n’avaient pas été réalisés par l’époux ou des tiers non rémunérés.
On obtient un profit subsistant de : (400.000€ – 350.000€) x (10.000€/20.000€) = 25.000€