La Cour d’appel de Nîmes vient de rendre une décision conforme à la position jurisprudentielle existante s’agissant de la recherche du caractère manifestement exagéré des primes versées par l’assuré.
Dans cette affaire, le défunt laisse pour lui succéder trois enfants nés d’une première union ainsi que son épouse. Les enfants, s’estimant lésés dans le montant des sommes perçues à la succession de leur père ont assigné le conjoint survivant en justice. Ils estiment notamment que les sommes versées sur un contrat d’assurance vie présentent un caractère excessif au regard de la situation financière de leur père. La Cour d’appel dans son raisonnement, s’est appuyée sur différents critères pour rechercher le caractère excessif desdites primes tels que : l’âge du souscripteur assuré au moment du versement des primes, ses situation familiale et patrimoniale ainsi que l’utilité économique du contrat pour lui, qui se traduit notamment, par les différents rachats opérés. La Cour d’appel débouta ainsi les requérants en considérant que les primes certes élevées n’étaient pas disproportionnées avec les facultés de l’assuré :
« La cour constate qu’entre le 5 février 1992 et le 31 octobre 1997, en cinq ans, le souscripteur a versé des primes d’un montant total de 375 637 euros. Le souscripteur avait entre 63 ans et 67 ans, il était veuf et ses enfants étaient majeurs. Il s’est remarié avec [O] [H] le 11 octobre 1997. Il a versé ensuite deux primes d’un montant total de 104 000 euros en 2003 alors qu’il était âgé de 75 ans. Le montant total des primes s’élève à la somme de 509 637 euros. Il était propriétaire d’un patrimoine immobilier et de parts sociales d’une valeur totale de 2 067 088,40 euros qu’il a donné à ses trois enfants en 1991 et en 1998 selon les actes de donation produits par les intimés. Il est devenu propriétaire d’une maison à [Localité 9] en 2006 au prix de 303 000 euros. La cour observe que les rachats ont porté sur un montant total de 228 000 euros entre la date de la souscription et le décès de sorte que les fonds placés lui ont servi au moins partiellement à se procurer des revenus complémentaires.
La valeur du patrimoine mobilier et immobilier de [B] [M], son âge à la date du versement des primes et l’utilité économique de la souscription de l’assurance-vie qu’il a utilisée en partie pour se procurer des revenus complémentaires permettent de retenir que les primes versées, quoiqu’élevées, n’étaient disproportionnées à ses facultés. »
Avis de l’AUREP
Cet arrêt rappelle que le caractère manifestement exagéré des primes versées s’apprécie au regard du contexte global ayant entouré les versements. A cet égard, il convient de se placer au jour de chaque versement pour en apprécier le caractère excessif.
Il nous semble que l’utilité du contrat, matérialisée par le droit de rachat, puisse être justifiée par l’anticipation de l’éventuel coût financier lié au vieillissement. En effet, le contribuable probablement confronté à des besoins de revenus complémentaires et contraint de s’affranchir de charges souvent colossales pour faire face à sa potentielle dépendance (Soins à domicile, maison de retraite, EHPAD…) aura tout intérêt à utiliser l’assurance vie comme instrument d’anticipation de sa vulnérabilité. C’est d’ailleurs le sens d’une décision de la Cour de cassation qui a admis l’utilité future d’un placement en assurance vie, pourtant inutile à court terme, révélant ainsi son rôle de placement à long terme (Cass. 1ère Civ., 5 MAI 2018, N° 17-17.303).
Toutefois, si l’utilité économique du contrat est un élément de preuve, il n’en demeure pas moins que la proportion des primes eu égard à la situation patrimoniale et aux capacités financières de l’assuré, sa situation familiale, son âge au moment de chacun des versements, en sont d’autres d’une importance égale. L’appréciation souveraine des juges reposera sur cette analyse du contexte global ayant entouré chaque versement.