Dans cet arrêt, les faits étaient pour le moins singuliers. Une SARL était constituée entre deux associés. L’un d’eux céda l’intégralité de ses titres à un tiers sans notifier le projet de cession à la société et son autre associé. Une assemblée générale extraordinaire s’était tenue le même jour afin de modifier les statuts. Cet acte de cession, ainsi que le procès-verbal d’assemblée générale et les statuts modifiés ont été déposés pour enregistrement auprès du greffe du tribunal de commerce quelques mois plus tard.

Photo de Brusk Dede sur Unsplash
L’associé cédant contesta l’acte de cession et l’assemblée générale extraordinaire. Il assigna la société, son associé historique, et l’associé cessionnaire des titres en annulation de la cession. Pour cause, les faits révèlent que cette cession s’inscrivait dans un cadre litigieux : si l’acte de cession comportait a priori la signature de l’associé cédant, ce n’était pas le cas de l’acte d’enregistrement au greffe.
En présence de ces deux originaux contradictoires, le tribunal saisi de l’affaire avait alors jugé que l’apposition de la signature de l’associé cédant sur l’acte de cession constituait la preuve de sa présence dans les locaux de la société à cette date et, par voie de conséquence établissait la réalité de la cession.
Interjetant appel, le requérant obtenait alors gain de cause devant la Cour d’appel de Paris. Les juges du fond s’étaient appuyés sur les dispositions d’ordre public de l’article L 223-14 du Code de commerce, texte qui, rappelons le, encadre le consentement des associés au projet de cession et, l’obligation de sa notification à la société et aux associés. Faute du respect de ce formalisme impératif, la Cour d’appel avait alors prononcé l’annulation de la cession litigieuse (CA Paris, 19 janv. 2023, n° 22/03006).
La société et ses associés en place se pourvurent alors en cassation (Cass. com., 12 févr. 2025, 23-13.520). Ils arguaient du fait que l’associé requérant, en sa qualité de cédant, ne pouvait se prévaloir de l’absence de notification de la cession envisagée.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation fonda son syllogisme sur une lecture combinée des articles L. 223-14 et L. 235-1 (encadrant la nullité) du Code de commerce. Selon la Haute juridiction : « Il résulte de la combinaison de ces textes que seuls la société ou chacun des associés, à qui le projet de cession de parts sociales d’une société à responsabilité limitée à des tiers étrangers à celle-ci doit être notifié, peuvent, à défaut de notification, en poursuivre l’annulation. »
Autrement dit, la notification du projet de cession de ses parts par l’un des associés joue envers la société et chacun de ses associés. Ainsi, seuls ces derniers ont qualité pour poursuivre l’annulation d’une cession litigieuse opérée sans respecter le formalisme impératif de l’article L. 223-14 du Code de commerce. L’associé cédant ne pouvait donc poursuivre l’annulation de la cession, faute de disposer de la qualité pour agir.