La chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 12 févr. 2025, n° 23-16.290) s’est récemment prononcée sur la validité d’une clause d’offre alternative, communément appelée « clause américaine ».

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Les faits de l’espèce ne présentaient pas de difficulté particulière. Une société constituée sous la forme d’une SARL était détenue par deux associés :
- Le premier majoritaire détenant 60 % des parts ;
- Un second minoritaire et gérant de la société détenant 40% des parts.
Les intéressés avaient rédigé un pacte d’associés dans lequel ils avaient inséré une clause américaine pour pallier la survenance d’un désaccord grave et persistant susceptible d’entraîner une paralysie dans le fonctionnement de la société et de porter atteinte à l’intérêt social. Dans un tel scénario, la clause stipulait que chaque associé pourrait proposer à l’autre de lui céder la totalité de sa participation au sein de la société aux prix et conditions précisés dans son offre, le bénéficiaire de l’offre disposant de trente jours pour lever l’option. A défaut, ce dernier serait alors tenu de céder ses propres titres à l’associé ayant pris l’initiative de la procédure aux prix et conditions déterminés dans l’offre initiale.
En raison de désaccords, l’associé minoritaire, après vaines tentatives d’achat des parts sociales de son associé, mit en œuvre la clause d’offre alternative. Ainsi, il proposait à l’associé majoritaire de lui céder l’ensemble de ses parts sociales pour 40 000 euros (soit 10 € la part), lui rappelant qu’à défaut de lever l’option il sera tenu de lui céder l’intégralité des siennes au prix de 60 000 euros.
L’associé majoritaire s’étant opposé à l’application de la clause, le requérant et la société l’assignèrent aux fins de le voir condamner à procéder à la signature de l’acte de cession de l’intégralité de ses parts sociales au prix de 60 000 euros.
La Cour d’appel d’Angers saisie du litige avait rejeté les prétentions de l’associé majoritaire appelant et, validait en conséquence les conditions de mise en œuvre de la clause américaine (CA Angers, 7 mars 2023, n° 22/01628)
Les juges d’appel avaient rappelé les dispositions de l’article 1591 du Code civil, selon lequel le prix de vente doit être déterminé et désigné par les parties, afin d’apprécier la validité de la clause. Ils avaient alors qualifié cette dernière d’engagement synallagmatique librement consenti par les associés pour régler une situation de blocage. La vente était donc consécutive à la mise en jeu de la clause en raison de ce contexte particulier de paralysie.
La Cour d’appel avait également estimé que les modalités de déclenchement de la clause permettaient la détermination du prix si la procédure a été respectée « en ce que le prix est déterminable à partir du prix proposé par le potentiel vendeur, qui sert de prix de référence au bénéficiaire de l’offre qui choisirait finalement de ne pas racheter les titres du premier et qui, dès lors, s’engage à vendre ses propres titres aux conditions de prix fixées dans l’offre de vente, que lui a faite l’autre associé. »
De son côté, l’associé majoritaire soutenait que le contrat de vente était imparfait, la détermination du prix de cession ne dépendant que de la volonté de l’une seule des parties. Pour cause, les juges d’appel jugeaient que le déclenchement de la clause était soumis à des conditions objectives, ne laissant pas la fixation du prix à la volonté d’une seule des parties. Ainsi, la vente devenait parfaite dès l’exécution par ces dernières de leurs engagements résultant du pacte.
Enfin, les juges du fond avaient relevé au regard de plusieurs éléments de faits, la situation de mésentente entre associé et la rupture de confiance entre eux :
- D’abord, lors de la dernière assemblée générale, l’associé majoritaire avait voté contre toutes les résolutions proposées y compris celle conférant au gérant les pouvoirs d’accomplir les formalités nécessaires à la suite des délibérations.
- Ensuite, l’associé minoritaire gérant avait déposé plainte contre son associé refusant de restituer un acompte client.
- Enfin, les associés étaient en conflit sur le nouveau local pris à bail par la société et le transfert de son siège social.
En parallèle, selon les juges, l’application de la clause d’offre alternative n’était soumise à aucune condition tenant à des vérifications quelconques, notamment comptables.
Saisie du litige la chambre commerciale de la Cour de cassation a suivi en tout point le raisonnement des juges d’appel, validant ainsi la mise en jeu de la clause d’offre alternative :
Ensuite, la condition de déclenchement de la clause, tenant à l’existence d’un désaccord grave et persistant entre les deux associés susceptibles d’entraîner une paralysie dans le fonctionnement de la société, était remplie.
La Cour d’appel avait valablement caractérisé l’absence de mauvaise foi de l’associé minoritaire dans la mise en œuvre de la clause.