Exonération de la plus-value de cession de la résidence principale

Eclairage du 31 janvier 2025 - N°533

Accueil + Publications & Agenda + Exonération de la plus-value de cession de la résidence principale

Dans quelle mesure les dépendances peuvent bénéficier de cette exonération ?

Getty Images Pour Unsplash+

Une décision de la Cour administrative de Nantes apporte un éclairage particulièrement intéressant sur la délicate question de ce que l’on entend par ”dépendances immédiates et nécessaires“ au sens de l’article 150 U, II-3du CGI (CAA Nantes 22 décembre 2023, n° 23NT00536).

Cet article dispose en effet que l’exonération de la plus-value de cession de la résidence principale s’étend aux ″dépendances immédiates et nécessaires des biens mentionnés aux 1o et 2o, à la condition que leur cession intervienne simultanément avec celle desdits immeubles″

Voyons les faits soumis à l’appréciation de la cour. En l’occurrence, les propriétaires cédaient à la fois une parcelle de terrain sur laquelle était édifié une maison à un marchand de biens. Dans l’acte constatant cette cession, ils déclaraient que cette habitation constituait leur résidence principale au moment de la vente et entendaient par conséquent bénéficier de l’exonération prévue par les dispositions de l’article 150 U-II-1 du CGI. La difficulté trouva son siège dans la décision du marchand de biens acquéreur au plan de la destination des terrains objets de cette acquisition. Il déclarait en effet vouloir, d’une part, céder cette habitation et le terrain attenant et d’autre part, construire une maison sur une parcelle détachée du même terrain. Sur cette parcelle se trouvait un garage qu’il entendait démolir préalablement à la construction. Un point important : la division parcellaire permettant cette seconde destination était réalisée postérieurement à la signature de l’acte authentique constatant la cession.

 L’administration adressa aux propriétaires une proposition de rectification par laquelle elle refusa d’étendre l’exonération propre à la plus-value de cession de la résidence principale à celle liée à la cession de la seconde parcelle au motif que celle-ci ne constituait pas une dépendance immédiate et nécessaire du bien cédé. Elle faisait là application de sa propre doctrine applicable à l’époque des faits, mais toujours actuelle, selon laquelle :lorsqu’un terrain, qui constitue une dépendance de la résidence principale, est vendu comme terrain à bâtir, l’exonération prévue au 3° du II de l’article 150 U du CGI ne peut s’appliquer, à l’exception des dépendances qui constituent des locaux et aires de stationnement utilisés par le propriétaire comme annexes à son habitation (garage, parking, remise, maison de gardien) ainsi que des cours, des passages, et, en général, de tous les terrains servant de voies d’accès à l’habitation et à ses annexes″ (BOFIP-RFPI-PVI-10-40-10- § 340.-12/08/2015 mis à jour à l’identique au 28/06/23).

Il appartenait à la cour de préciser la portée de la notion de dépendances immédiates et nécessaires au sens de la disposition du CGI précitée dans ce cas apparemment particulier. Jusqu’à présent, la jurisprudence a pu considérer que la cession d’un terrain à bâtir d’une superficie de 4 000 m2 n’entrait pas dans le champ de l’exonération, à la différence de celle de la maison attenante et de son jardin de 500 m2 (CAA Nantes 17 décembre1996 no 93-492). Dans le même sens, on remarque une décision de la Cour administrative de Marseille aux termes de laquelle elle a considéré que la vente d’une parcelle destinée à accueillir six maisons ne pouvait bénéficier de l’exonération, le contribuable n’apportant aucun élément de nature à établir que ladite parcelle constituait une dépendance nécessaire et immédiate de sa maison d’habitation (CAA Marseille, 18 février 2020, n° 18MA02365).

On peut féliciter la Cour de Nantes de poser un principe important. La destination du terrain projetée par l’acquéreur ne peut interférer sur le sort fiscal d’un terrain situé à proximité de la résidence principale. En l’occurrence, les cédants faisaient valoir que la parcelle détachée postérieurement à la cession constituait avant celle-ci un jardin d’agrément. Pour la cour, il appartenait par conséquent à l’administration de rapporter la preuve contraire. Un élément important paraît alors avoir joué en faveur des cédants : la superficie respective des parcelles. En effet, après division postérieure à la cession, celle sur laquelle se trouvait l’habitation principale avait une superficie de 187 m2, cependant que la seconde parcelle ne représentait que 295 m2. Une telle surface au fond assez faible confortait la position des cédants. Elle correspondait tout à fait à ce que peut représenter une maison entourée d’un jardin. En cela, les éléments de fait étaient tout à fait différents de ceux présents dans la décision précitée de la même cour de Nantes du 17 décembre 1996 précitée. Dans cette dernière espèce en effet, la parcelle cédée en tant terrain à bâtir représentait 4 000 m2 cependant que la surface de celle sur laquelle se trouvait la résidence principale s’établissait à 500 m2.

Néanmoins, dans les deux cas, la surface assimilée à une dépendance immédiate et nécessaire était finalement assez proche. Dans l’affaire du 22 décembre 2023, le total des deux parcelles représentait 482 m2 alors que dans l’espèce jugée par cette même juridiction en 1996, 500 m2 paraissaient représenter la résidence principale et ses dépendances immédiates et nécessaires. La cohérence d’appréciation de cette cour de Nantes est à l’évidence notoire. Et au fond, de telles surfaces correspondent parfaitement dans les faits à ce que l’on rencontre couramment lorsqu’il est question d’acquérir un terrain en vue de l’édification d’une résidence principale. Un terrain de cette dimension est au demeurant souvent considéré comme un minimum pour l’édification d’une maison de quatre faces.

Tout est donc bien une question de surface. On en veut encore pour preuve une décision du Conseil d’Etat du 8 avril 2022 (arrêt no 447694), espèce dans laquelle la cession portait d’une part, sur un terrain à bâtir de 10 000 m2 et, d’autre part, d’une maison d’habitation entourée de son jardin de 230 m2. Sans surprise, le Conseil d’Etat avait validé l’arrêt de la cour administrative considérant que la plus-value de cession du terrain à bâtir de 10 000 m2 ne pouvait bénéficier de l’exonération faute de constituer une dépendance nécessaire et immédiate de la maison d’habitation.

Pour autant, grande serait l’erreur de tirer de ces différentes jurisprudences, et notamment de la dernière citée, une approbation de la doctrine administrative précitée mise à jour le 28 juin 2023. Ce n’est en effet pas la présence de la cession d’une parcelle qualifiée de terrain à bâtir parallèlement à celle supportant la résidence principale et son terrain attenant qui conduit au rejet du bénéfice de l’exonération. Qui peut en effet prétendre qu’une division parcellaire traitant à part la cession d’un terrain ne devenant un terrain à bâtir que postérieurement à la date de la cession devrait rejaillir rétroactivement sur la nature de dépendance nécessaire et immédiate du terrain attenant la résidence principale avant toute intervention de la cession ? Une réponse positive serait méconnaître un principe fiscal bien établi : la qualification de terrain à bâtir ne dépend aucunement d’une décision du cédant. Certes ce dernier entend bien céder un terrain à bâtir pour vendre au prix le plus élevé, mais ce terrain ne devient véritablement un terrain à bâtir que sur le fondement l’engagement de l’acquéreur, dans l’acte, d’affecter le terrain à la construction d’un immeuble dans le délai de cinq ans prévu par les dispositions de l’article 1115 du CGI, engagement qui lui permet au demeurant de n’être redevable au regard des droits d’enregistrement que du taux réduit de 0,70 % depuis le 1er janvier 2011.

On est surpris au demeurant que cette approche n’ait pas du tout été abordée par le Rapporter public dans ses conclusions sous la décision de la Cour de Nantes du 22 décembre 2023 tant elle nous parait déterminante.

Reste cependant un point intéressant. Quelle va être la réaction de l’administration suite à cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes objet de ce commentaire ? La logique voudrait qu’’elle en tienne compte et revienne sur sa propre doctrine. Cependant, une décision jurisprudentielle n’ayant d’effet qu’entre les parties présentes au procès et pour le règlement du litige particulier qui les oppose, l’administration n’est aucunement contrainte de s’aligner sur la position de la cour et on serait au demeurant surpris qu’elle le fasse directement. En effet, la décision n’émane que d’une juridiction inférieure et non du Conseil d’Etat. Elle attendra vraisemblablement que cette jurisprudence soit confirmée par la Haute juridiction pour éventuellement la reprendre à son compte en revenant sur sa position encore en vigueur actuellement.

En vérité, cette doctrine ajoute tout simplement à la loi en tant qu’elle fait rejaillir rétroactivement sur le cédant les conséquences d’un choix qui ne dépend que du seul acquéreur, ce qui ne ressort pas du texte de l’article du CGI. Pourquoi ne pas alors tenter d’obtenir l’annulation de cette doctrine par le biais du recours pour excès de pouvoir. Ce type de recours permet de solliciter l’annulation d’une doctrine administrative pour autant qu’elle ajoute à la loi. Comme l’écrit le Conseil d’Etat : ″Le recours formé à l’encontre des dispositions impératives de circulaires ou d’instructions par lesquelles l’autorité administrative interprète les lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en œuvre doit être accueilli s’il est soutenu à bon droit que l’interprétation qu’elles prescrivent d’adopter, soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu’elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure (arrêt du23 janvier 2020, n° 435562).

Malheureusement, pour séduisante qu’elle soit, l’idée ne pourrait aboutir en raison de ce que l’on appelle l’exception de recours parallèle. Ainsi, un contribuable ne peut mettre en œuvre le recours pour excès de pouvoir que si un recours contentieux classique ne permet pas d’obtenir un résultat aussi satisfaisant et efficace. La boucle est bouclée. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes apporte bien la preuve qu’un simple recours contentieux a permis au contribuable d’obtenir satisfaction, le juge refusant l’application de la doctrine en se fondant sur une interprétation différente des dispositions légales. Exit donc le recours pour excès de pouvoir qui aurait pour but de provoquer l’annulation de cette doctrine. Voilà au demeurant pourquoi le contentieux fiscal repose à 99 % sur un recours de plein contentieux.

On l’admettra volontiers, le contentieux administratif n’est pas si simple. Attention à ne pas ″s’emmêler les pinceaux

A bon entendeur, salut ….

Droit fiscal
Pierre FERNOUX

Pierre FERNOUX

Consultant en droit fiscal