Le moins que l’on puisse dire, c’est, qu’avec le développement des locations meublées saisonnières AirBnB, ce mode de location est clairement à la mode. Il est vrai, qu’assez souvent, ces locations portent sur des locaux dont le bailleur est déjà propriétaire. Il les réaffecte à cet usage pour des raisons de rendement financier évidentes, ce qui ne va pas sans inquiéter les parlementaires soucieux de l’équilibre du marché locatif. Pour autant, nombre d’investisseurs se voient proposer des investissements immobiliers de cette nature par des professionnels vantant leur intérêt financier tout autant que patrimonial. Ils proposent alors fréquemment une acquisition par le biais d’un emprunt in fine maximisant les charges financières de l’entreprise de location meublée, une bonne façon de limiter l’imposition au titre de l’impôt sur le revenu. En effet, la déduction des frais d’acquisition du bien additionnés aux frais financiers et aux frais généraux font généralement apparaître un résultat déficitaire et cela peut perdurer un certain nombre d’années. L’attrait du gain fiscal au plan de l’impôt sur le revenu est si fort qu’il peut s’avérer aveuglant au point que l’investisseur souscrit sans hésiter à une telle proposition.
Pour autant, a-t-il pensé à tout ? L’investissement s’avère-t-il aussi judicieux que cela au plan fiscal ? Examinons les conséquences tant au regard de l’impôt sur le revenu au plan de l’IFI.
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La définition du loueur en meublé professionnel proposée par les dispositions de l’article 155 du CGI au regard de l’impôt sur le revenu sont bien connues. Le bailleur peut prétendre à cette qualité s’il réalise des recettes supérieures à 23 000 € et à condition toutefois que celles-ci soient supérieures aux revenus professionnels. Par revenus professionnels, il faut entendre les traitements et salaires au sens de l’article 79 du CGI, les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices non commerciaux, les bénéfices agricoles et les rémunérations de l’article 62 du CGI. La référence à l’article 79 du CGI ne doit pas passer inaperçue. En effet, cet article définit le champ d’application des traitements et salaires et cette catégorie de revenus inclut les pensions et les rentes viagères. Nombreux sont ceux qui, sans prendre le soin de lire les dispositions légales, estiment que le bailleur titulaire de pensions de retraite est nécessairement professionnel parce que les recettes sont forcément supérieures aux revenus professionnels. Ils pensent que les pensions de retraite ne constituent pas des revenus professionnels, et c’est malheureusement pour eux totalement erroné.
En tout cas, une chose est sûre, la nature du résultat d’exploitation, bénéficiaire ou déficitaire, reste sans influence sur la qualification du bailleur, professionnel ou non d’ailleurs.
Arrive-t-on cependant à la même conclusion si l’on s’intéresse maintenant aux conditions d’application de l’IFI ? C’est à cet endroit qu‘apparaît l’importance fondamentale d’une lecture précise des articles du CGI. En effet, la qualification, ou non, de bien professionnel d’un local donné en location meublée dépend cette fois de la définition donnée par l’article 975-V-1° du CGI. Or celui-ci dispose que les biens donnés en location meublée bénéficient d’une exonération lorsque les recettes tirées de cette location sont supérieures à 23 000 € et que les revenus générés par l’exploitation excèdent 50 % des revenus professionnels, ces derniers étant définis de la même manière qu’au regard de l’impôt sur le revenu.
Et c’est la différence des termes employés par le texte fiscal qui doit ici être soulignée. Pour l’impôt sur le revenu on invoque la comparaison entre les recettes et les revenus professionnels alors qu’en matière d’IFI, elle doit être établie entre les revenus tirés de la location et 50 % des revenus professionnels. Mais alors, que se passe-t-il si la location dégage un déficit ? Nul doute que la location peut néanmoins présenter un caractère professionnel au regard de l’impôt sur le revenu si la condition relative au montant des recettes est observée, mais une chose est sûre en revanche, l’apparition d’un déficit oblige à mentionner le bien dans l’actif imposable à l’IFI.
C’est ce que décide la Cour de cassation dans une décision du 20 décembre 2023 (n° 22-17.612 F-B). Pour la cour, la présence d’un déficit fait définitivement obstacle à la qualification de bien professionnel d’un logement donné en location meublée. Faute de revenus, aucune comparaison ne peut en effet être établie entre les revenus tirés de la location et les revenus professionnels. L’administration saute sur l’occasion pour reprendre à son compte cette analyse dans une réponse ministérielle du 9 avril 2024 (RM n° 9897 : JOAN, 9 avril 2024, p. 2808),
Autrement dit, dans le cas pratique auquel on faisait référence en introduction, le néo propriétaire qui acquiert un bien en ne voyant son investissement que sous l’angle de l’impôt sur le revenu peut déchanter sérieusement. Le vendeur aura oublié de lui préciser que l’absence d’imposition à l’impôt sur le revenu aura pour conséquence directe la mention du bien dans son actif taxable à l’IFI, pour peu bien entendu qu’il soit redevable de cet impôt.
En conclusion : attention,
– on peut être loueur en meublé professionnel en matière d’impôt sur le revenu en étant propriétaire d’un bien, mais non professionnel au plan de l’IFI parce que celui-ci n’est pas productif de revenus ;
– on peut tout aussi n’être qu’un loueur en meublé non professionnel pour l’impôt sur le revenu, tout en disposant d’un logement dégageant un revenu positif qualifiable de bien professionnel si les recettes qu’il procure excèdent 23 000 €.