La question de la nullité des délibérations sociales en droit des sociétés est complexe, source d’un contentieux abondant, justifiant parfois des incertitudes pratiques et des débats doctrinaux sur les solutions jurisprudentielles établies en la matière.
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Le présent arrêt (Cass. com., 29 mai 2024, n° 21-21.559) est l’occasion de revenir sur un principe jurisprudentiel récent de droits de sociétés appliqué ici aux conséquences de la convocation irrégulière à une assemblée générale d’un associé de SARL.
En l’espèce, la SARL X détenue à 63% par la société de droit anglais Y était cogérée par Messieurs A et B.
En octobre 2015, une assemblée générale s’est tenue au sein de la SARL X prévoyant l’approbation des comptes du dernier exercice, la révocation du co-gérant Monsieur B ainsi que la distribution de dividendes.
L’associée Y arguant du fait qu’elle n’avait pas était régulièrement convoquée à l’assemblée, assigna la SARL X en demandant sa nullité et par voie de conséquence la nullité de toutes les délibérations litigieuses prises. Un des co-gérants indiquait pourtant avoir adressé à chacun des associés une convocation régulière, et que l’absence de l’associée Y, résulterait d’une démarche volontaire de cette dernière dans le but de remettre en cause la régularité des décisions prises.
Les juges de la Cour d’appel d’Angers (CA Angers, 25 mai 2021, n°17/02421) ont d’abord fait droit à cette demande d’annulation au regard d’une absence de preuve de convocation régulière de la société Y à l’assemblée générale. En effet, le seul justificatif de l’envoi d’une convocation à la l’intéressée était « un document de la Poste anglaise retraçant le parcours d’un envoi non identifiable, arrivé de France le 7 octobre 2015 et délivré le lendemain, sans qu’il soit permis d’en connaître ni l’expéditeur ni le destinataire ».
Ainsi, les juges du fond s’appuyèrent sur une analyse combinée des faits et de l’article R 223-20 du Code de commerce, qui prévoit une convocation par lettre recommandée 15 jours au moins avant la réunion de l’assemblée, pour justifier l’irrégularité et, l’annulation de l’assemblée générale en vertu de la règle posée à l’article L.223-27 du Code de commerce.
Saisie sur pourvoi du co-gérant en place Monsieur A, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Après avoir rappelé le principe d’annulation de l’assemblée irrégulièrement convoquée de l’article L.223-27 du Code de commerce, la Haute juridiction rappelle que la Cour d’appel aurait dû rechercher si le défaut de convocation régulière de la société Y à l’assemblée générale de la société X avait privé cet associé de son droit à y prendre part et si son absence avait été de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
Avis de l’AUREP : La nullité posée à l’alinéa 4 de l’article L. 223-27 du Code de commerce est une nullité facultative en ce qu’elle laisse au juge un pouvoir d’appréciation lui permettant d’évaluer la pertinence d’une annulation tirée d’une irrégularité de convocation. La Chambre commerciale de la Cour de cassation vient ici étendre à cette cause de nullité facultative en SARL, une modération qu’elle avait appliquée l’an dernier à d’autres causes de nullité en droit des sociétés (Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-18.324 ; Cass. com., 11 oct. 2023, 21-24.646).
La nullité d’une délibération pour défaut de convocation régulière se heurte ainsi à la théorie du « vote utile ». Nous sommes réservés sur l’opportunité de discréditer une cause de nullité certes facultative mais protectrice des associés de SARL. Réduire la portée de la présence d’un associé à une assemblée à la seule prise en compte mathématique de son vote reviendrait à ignorer l’influence qu’il serait susceptible d’exercer sur les autres associés lors des débats préalables à toute délibération.