Sur recommandation de son conseiller en gestion de patrimoine (CGP), un client avait placé 90 000€ sur plusieurs supports proposés par la société Aristophil et investi dans des collections de lettres et manuscrits anciens. Le CGP était part ailleurs mandataire de cette société.
Subissant une lourde moins-value sur les supports de l’ordre de 88%, le client assigna le conseiller en responsabilité devant le tribunal judiciaire de Cusset afin d’obtenir réparation. Il considérait que le conseiller en gestion de patrimoine avait manqué à ses obligations professionnelles.
https://www.freepik.com/free-photo
Les juges de première instance ont reconnu que le professionnel avait manqué à son obligation d’information et de conseil à l’égard de son client lors de la commercialisation des produits. En conséquence, le tribunal condamna le conseiller à indemniser son client au regard de la perte de chance de ne pas contracter le produit et de ne pas investir dans un produit plus avantageux subie. Ce préjudice avait alors été évalué à 15% du capital investi.
Le client revendiquait alors le montant de l’indemnisation au motif qu’il était éloigné de la perte d’investissement subie. En outre, il soutenait l’absence d’informations précontractuelles lui permettant d’appréhender les avantages et risques de l’opération et l’inertie du conseiller dans la recherche de la cohérence des estimations de valeurs des biens vendus. A l’inverse, le conseiller exposait la réputation sérieuse et de solidité financière de la société Aristophil à l’époque des faits ne pouvait laissait présager les futures déconvenues.
La Cour d’appel de Riom (CA Riom, 15 mai 2024, n°23/00269), distingue les deux qualités du professionnel pour entériner la mise en jeu de sa responsabilité. D’abord, sur sa mission de CGP, les juges d’appel rappelèrent les obligations d’information et de conseil de la profession :
« Il lui incombe de vérifier par tous moyens le sérieux et la régularité de l’investissement proposé. L’obligation de prudence qui pèse sur lui doit l’amener à approfondir ses vérifications ou à mettre ses clients en garde sur les aléas de l’opération envisagée. Ces obligations sont transcrites dans le code de déontologie des membres de la chambre nationale des conseillers en gestion de patrimoine aux termes de laquelle il est rappelé que le conseiller met en œuvre tous les moyens nécessaires à l’expression de son professionnalisme et de son indépendance.
Par ailleurs, il est reproché au CGP de ne pas avoir sensibiliser son client au risque inhérent à la souscription d’un engagement sans disposer de données sur le contenu précis des collections « en cours de constitution ». En outre, aucune mention relative à l’éventuel risque de surélévation des œuvres n’était indiquée. Le CGP n’avait par ailleurs pas démontré avoir cherché à s’informer sur les conditions d’évaluation des produits et sur l’évolution du marché. Enfin, il est intéressant de souligner que les juges s’enquièrent des conseils de prudence et mise en garde de l’époque de l’AMF et de l’association UFC Que Choisir relatifs aux produits souscrits.
Ensuite, sur son statut de mandataire, la Cour d’appel pointe une absence de respect des obligations précontractuelles d’information définies à l’article L111-1 du code de la consommation.
S’agissant de la nature du préjudice subi, la Cour d’appel qualifie là encore une perte de chance pour le client de ne pas investir dans les produits litigieux. En revanche, la Cour d’appel évalue différemment le préjudice en ce qu’elle retient une perte de chance à hauteur de 75% de la perte d’investissement subie, soit 59 400€. Par ailleurs, les juges d’appel retiennent également une perte de chance de de faire fructifier son capital investi dans un produit plus avantageux. Le montant du préjudice est ici évalué sur une période de 10 ans au taux de rendement de 1,50% soit 11 880€.
A noter qu’ici, la compagnie d’assurance du CGP a été déchargée de l’indemnisation. Les faits étaient certes intervenus durant la période d’activité du CGP mais, les réclamations étaient intervenues après la résiliation de la police et passées le délai subséquent contractuel de 5 ans.
Avis de l’AUREP
Cet arrêt sanctionne en réalité une pratique commerciale passive pour encourager le conseiller patrimonial à être véritablement acteur de ses préconisations, ce qui passe nécessairement par une étude approfondie des caractéristiques du produit susceptible d’être proposé.
Si elle apparait sévère pour le professionnel en cause, la solution apparait en revanche protectrice pour le client bien souvent néophyte en la matière.
Affaire potentiellement à suivre si pourvoi il y a…