On sait que le pacte Dutreil suppose la conclusion d’un engament collectif de conservation des titres objet de la transmission pour une durée minimale de deux ans entre le donateur ou de cujus et ses associés.
On distingue trois types d’engagement selon qu’il soit réputé acquis, post-mortem ou écrit au jour de la transmission.
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Dans le premier cas de figure qui suppose l’absence d’écrit, l’engagement de conservation collectif des titres est réputé acquis si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies :
- Les titres doivent être détenus depuis plus de deux ans par une personne physique seule ou avec son conjoint, partenaire de PACS ou concubin notoire.
- Au moins 10% des droits financiers et 20% des droits de vote (sociétés cotées) ou 17% des droits financiers et 34% des droits de vote (sociétés non cotées) des titres de la société sont détenus par ces mêmes personnes durant les deux ans précédant la transmission.
- Le défunt ou donateur, son conjoint, partenaire de PACS ou concubin, exerce effectivement dans la société éligible à l’exonération partielle son activité professionnelle principale ou une fonction de direction depuis plus de deux ans à compter de la transmission.
A la suite de l’engagement collectif, les donataires, héritiers ou légataires doivent s’engager individuellement à conserver les titres transmis pour une durée de quatre ans minimums.
A la suite de l’engagement collectif, les donataires, héritiers ou légataires doivent s’engager individuellement à conserver les titres transmis pour une durée de quatre ans minimums.
Ainsi, dans le cadre d’un engagement collectif réputé acquis le donateur n’est signataire d’aucun engament de conservation. Dès lors, la problématique suivante avait été soulevée : le donateur des titres peut-il, lui-même, exercer la fonction de direction à compter de la transmission ? A défaut, le respect de cette condition doit-il seulement incomber aux donataires, héritiers ou légataires ?
La réponse ministérielle Moreau (RM Moreau n°99759, JOAN 7 mars 2017, p.1983) avait indiqué que faute d’être signataire d’un engagement de conservation, le donateur ne pouvait assurer lui-même la fonction de dirigeant de la société à compter de la transmission. En conséquence, on en déduisait implicitement que cette condition tenait aux donataires, héritiers ou légataires des titres. La réponse ministérielle fût reprise par l’Administration dans ses commentaires du BOFIP-Impôts dédiés à la question, à l’occasion d’une mise à jour en date du 21 décembre 2021. Une seconde réponse ministérielle avait d’ailleurs entériné la précédente en précisant que cette exigence n’excluait pas la possibilité pour le donateur de continuer d’exercer parallèlement une fonction dirigeante (RM Bascher n°00189, JOAN 29 déc. 2022, p. 6839).
En l’espèce, c’était donc au tour de la Cour de cassation de statuer sur la problématique (Cass. com., 24 janv. 2024, n°22-10.413 ; n° 22-10.414 et n°22-16.135). Dans cette affaire et toujours dans le cadre d’un engagement collectif réputé acquis, le donateur avait seul continué d’exercer la direction de la société à compter de la transmission. Forte de ce constat, l’Administration remettait en cause le bénéfice de l’exonération partielle selon la casuistique précitée.
Les juges du droit rejetèrent le pourvoi des contribuables en suivant le raisonnement de l’Administration. Selon la Cour suprême, dans le cadre d’un engagement collectif réputé acquis, l’exonération partielle « ne s’applique que lorsque, pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, l’un des héritiers, donataires ou légataires exerce effectivement dans la société son activité professionnelle principale, si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter du même code, ou l’une des fonctions énumérées au 1° de l’article 885 O bis dudit code, lorsque celle-ci est soumise à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option ». Dès lors, le donateur ne peut à compter de la transmission assurer la direction de la société.
Avis de l’AUREP
Il nous semble que la Cour de cassation n’avait jamais eu à statuer sur la question. Il est à noter qu’antérieurement plusieurs Cours d’appel avaient suivi ce raisonnement (CA Bordeaux 23 nov. 2021, n°19/03867 et n°19/03868 ; CA Douai, 17 mars 2022, n° 20/02264).
En définitive, la Haute juridiction vient donc à son tour, entériner la réponse ministérielle Moreau et les commentaires administratifs de décembre 2021. Nous analyserons plus en détails la portée de cet arrêt au travers d’un prochain éclairage.