Comme son intitulé le laisse entendre, la donation-partage suppose deux opérations : une donation et un partage des biens. Si le recours à un seul acte est possible, il ne fait nul doute que la donation et le partage puissent être réalisés dans deux actes séparés conformément à la lettre du texte de l’article 1076 alinéa 2 du Code Civil.
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Bien entendu, la validité du dernier schéma sera conditionnée aussi bien à l’intervention du disposant aux deux actes, qu’à son implication lors du partage dans la répartition des biens préalablement donnés.
Au cas d’espèce (Cass. 1ère Civ ; 12 juil. 2023, n°21-20.361), le disposant avait effectué au profit de ses trois enfants une donation-partage anticipée attribuant à sa fille, née d’une première union, la pleine propriété de quatre biens mobiliers et à ses deux fils la nue-propriété de la moitié indivise d’un bien immobilier. Quelques années plus tard, un des fils céda sa quote-part indivise à son frère indivisaire par acte authentique, acte auquel le disposant intervenu d’une part en donnant son consentement, d’autre part en renonçant au droit de retour et à l’action révocatoire.
Au décès du donateur, des difficultés sont intervenues dans le cadre du règlement de la succession, la fille du défunt assignant ses cohéritiers en partage judiciaire au motif que l’acte de donation-partage anticipée constituait une donation simple rapportable.
Les juges du fond ont d’abord rappelé que l’acte de donation-partage anticipée ne pouvait à lui seul constituer un partage faute d’attribution de lots divis aux deux fils, alors laissés en situation d’indivision. Ils ont ensuite requalifié la donation-partage en donation simple au motif que l’acte authentique opérant licitation n’avait pas été initié par le disposant lui-même mais par les copartagés ; le partage en découlant n’ayant pas été réalisé sous sa médiation. Les deux frères se pourvurent en cassation en invoquant une erreur de droit commise par les juges qui auraient ajouté une condition à l’article 1076 alinéa 2 du Code Civil qui ne prévoit qu’une « intervention » du donateur lors de la donation et du partage.
De manière logique, la Haute juridiction suivit le raisonnement des juges d’appel en requalifiant la libéralité en donation simple avec toutes les conséquences que cela implique : rapport à la succession du donateur, réévaluation des lots à la réunion fictive pour la valeur des biens donnés à la date du décès. En l’espèce, la constitution de lots indivis couplée à l’intervention passive du disposant au terme du second acte suffit à requalifier l’opération.
Avis de l’AUREP
La décision rendue par la Cour de cassation apparait logique et conforme à la lettre des textes. D’une part, le partage suppose une répartition matérielle des biens donnés qui ne saurait être réalisée en présence d’attribution de quotités indivises ; d’autre part, le même partage opérant composition des lots doit être à l’initiative et résulter de la seule volonté du disposant. Cette décision s’inscrit dans le sillon des arrêts rendus en 2013 exigeant l’attribution exclusive de lots divis sous peine de requalification de la donation-partage en donation simple (Cass. 1ère Civ., 6 mars 2013, n°11-21.892 ; Cass. 1ère Civ., 20 nov. 2013, n°12-25.681).
Il est à noter que les juges semblent considérer ici que l’intégralité de la donation-partage soit requalifiée de sorte qu’en l’espèce, la fille, allotie d’un lot divis ne pourrait prétendre aux effets vertueux du mécanisme initial.
En parenthèse, nous rappellerons que le refus d’un bénéficiaire dans la composition de son lot reste sans effet sur l’opposabilité et la validité de l’acte susvisé (Cass. 1ère Civ., 13 févr. 2019, n°18-11.642), l’opération de partage ainsi que la répartition des biens qui en découle résultant de la seule volonté du disposant.