En dépit d’une jurisprudence abondante, la Cour de cassation eut une nouvelle fois à se prononcer sur les conséquences entourant la résolution d’un contrat de rente viagère (Cass. 3ème Civ., 14 sept. 2023, n°22-13.209).
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Suivant acte du 6 janvier 1992, un couple a vendu à un acquéreur une maison d’habitation moyennant un prix de vente d’un million de francs. Ce prix fut acquitté à hauteur de 440 000 francs comptant (que l’on qualifiera ici de « bouquet »), le surplus moyennant constitution d’une rente viagère mensuelle de 4 300 francs. Au mois d’août 2015, l’acquéreur cessant de verser la rente viagère, les vendeurs l’assignèrent en résolution de la vente, paiement des arrérages impayés et expulsion.
En l’espèce, le débirentier reprocha à l’arrêt d’appel de le condamner à payer aux vendeurs la somme de 28 495€ calculée en ajoutant à la rente mensuelle courant jusqu’à la date d’effet du commandement de la résolution, les indemnités d’occupation desquelles sont retranchés les arrérages versés jusqu’alors. Le requérant invoqua notamment le fait qu’en cas de résolution du contrat, « les parties doivent être mises dans la même situation que s’il n’y avait pas eu de contrat ». En conséquence, il demandait la restitution du bouquet versé initialement
Saisie de l’affaire, la Haute juridiction cassa l’arrêt d’appel. Les juges du droit estimèrent, au titre d’une conséquence légale de la résolution du contrat, que la Cour d’appel aurait dû prononcer la restitution du bouquet. Ils s’appuyèrent sur les articles 1134 et 1183 anciens du code civil :
« 9. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
10.Il résulte du second que la condition résolutoire entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat ainsi que des restitutions réciproques qui en constituent des conséquences légales.
[…] 12. En statuant ainsi, sans ordonner la restitution du « bouquet » correspondant à la part du prix payée comptant lors de la signature du contrat et en incluant dans son calcul le paiement des arrérages échus et impayés au jour de la résolution, après avoir constaté, par motifs adoptés, que la clause résolutoire prévoyait qu’en cas de résolution du contrat, seuls les arrérages versés et les embellissements et améliorations apportés au bien demeuraient acquis au vendeur, et sans retenir que le « bouquet » et les arrérages échus et impayés étaient laissés au vendeur à titre de dommages-intérêts, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. »
Ainsi, à la lecture de cette conclusion, les parties auraient pu prévoir dans la clause, un maintien du bouquet au profit du vendeur au titre de dommages et intérêts.
Avis de l’AUREP
Cet arrêt est l’occasion de rappeler qu’en vertu de l’article 1978 du Code civil, le crédirentier ne peut invoquer la résolution du contrat au seul motif du défaut de paiement des arrérages. Cet article n’étant par d’ordre public, les parties pourront dès lors convenir librement d’une clause résolutoire dans le contrat qui permettra :
Soit au crédirentier de demander la résolution judiciaire du contrat ou,
De provoquer la résolution de plein droit du contrat sans recours judicaire.
En tout état de cause la clause devra être expresse et non équivoque.
Comme l’illustrent les faits ici relatés, la procédure pouvant être relativement longue en pratique, le devoir de conseil accompagnant la rédaction du contrat revêt une importance majeure pour la nécessaire anticipation de ces situations conflictuelles et pour éviter tout blocage.