Cette affaire est l’occasion de revenir sur une problématique fiscale tenant à la qualification des sommes perçues par un associé d’une société de personnes cédant ses parts avant la clôture de l’exercice (CE, 30 juin 2023, n°460432).
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En l’espèce, un contribuable associé initialement avec son fils au sein d’un GAEC, lui céda pour moitié ses parts et pour l’autre à l’épouse de celui-ci à l’occasion d’une transformation en EARL. Précisons ici que la cession est intervenue le 31 décembre 2010 soit au cours de l’exercice social de la société qui courait du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011.
A la suite d’un contrôle sur pièces, l’Administration constata qu’une somme avait été prélevée au cours de l’exercice sans qu’elle ne soit intégrée aux bénéfices imposables à la fin de l’exercice aux mains des associés nouvellement en place. Au dire des parties, cette somme révélait en fait une « rémunération » octroyée au père, ici cédant, en contrepartie du travail effectué sur la durée de l’exercice proratisée. L’Administration refusant la déductibilité des sommes, réintégra au bénéfice les sommes litigieuses.
Le fils et son épouse assignèrent l’Administration en vue de la décharge des impositions additionnelles.
Les juges de droit ont suivi le raisonnement retenu en première instance en s’appuyant sur une lecture stricte des textes applicables (Art. 8, 12 et 39 du CGI) aux sociétés semi-transparentes fiscalement. Cette translucidité implique que les bénéfices soient imposés chaque année à la clôture de l’exercice directement entre les mains des associés en fonction de leurs droits dans les bénéfices sociaux. Ainsi, la rémunération de l’associé matérialisée par un prélèvement sur les bénéfices ne constitue en réalité qu’une modalité de répartition du résultat et non une charge déductible.
En conséquence, le Conseil d’Etat a pu considérer que les sommes appréhendées par le cédant avant la clôture de l’exercice constituaient « un élément du prix de cession de ces parts, prélevé par le cessionnaire sur la quote-part des bénéfices sociaux qui lui revient à la clôture de l’exercice ». Pour éviter cela, les contribuables auraient pu opter lors de la cession pour le dispositif dérogatoire inscrit à l’article 73, D du CGI permettant d’opérer une « comptabilité intermédiaire ». En effet, une liquidation de l’impôt en deux temps aurait alors été effectuée : la première lors de la cession au profit de l’associé cédant, sur sa part dans les bénéfices depuis la clôture du dernier exercice ; la deuxième à la clôture de l’exercice relative à la quote-part de l’acquéreur dans les bénéfices de l’exercice diminuée de la part préalablement taxée au nom du cédant.
Avis de l’AUREP
Cet arrêt s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence établie à ce sujet et notamment de la décision VAILLANT (CE, 28 mars 2012, n°320570).
Il est de la nature même des sociétés semi-transparentes fiscalement et admis de longue date qu’une « rémunération » allouée à l’associé en sus de sa quote-part dans les bénéfices de l’exercice ne constitue pas une charge déductible mais une modalité particulière de répartition des bénéfices sociaux. Les bénéfices et donc les droits des associés étant déterminés à la fin de chaque exercice, il convient de se placer à cette date pour identifier les associés imposables. Ainsi, en cas de cession, les cessionnaires alors associés à la clôture, seront imposables rétroactivement sur leur quote-part de bénéfices sur l’entièreté de l’exercice.
En l’espèce, une sensibilisation sur le dispositif dérogatoire prévu à l’article 73, D du CGI, apparait essentielle afin d’écarter ces déconvenues.