PAR JEAN AULAGNIER
PREFACE DE L’OUVRAGE D’HENRI LEYRAT
« USURUIT, GESTION DE PATRIMOINE, ET PRATIQUE NOTARIALE »
ED. DEFRENOIS
Cet ouvrage destiné principalement aux notaires, acteurs principaux de l’usage du démembrement de propriété, est particulièrement bienvenu.
Depuis fort longtemps les notaires accompagnent leurs clients, confrontés au démembrement de propriété, démembrement le plus souvent « subi », conséquence des règles de dévolution successorale et des dispositions prises par un défunt dans la perspective de sa disparition.
Si leurs clients subissaient l’éclatement de la propriété, le plus souvent entre le conjoint et les descendants, les notaires subissaient le poids des habitudes pour en organiser la mise en œuvre.
Le démembrement de propriété pouvait être la conséquence d’une stratégie sommaire. Rechercher une fiscalité transmissive favorable parce qu’allégée était le fondement de la naissance d’un usufruit. La classique donation de la nue-propriété avec réserve d’usufruit par et pour le donateur constituait un acte dont la dangerosité pour le donateur n’était pas nécessairement perçue.
Acte « supposé » indolore, parce que laissant entre les mains du donateur « la jouissance » du bien donné pour une durée égale au reste à vivre, le démembrement était fréquemment proposé notamment par des notaires pas suffisament attentifs à ses conséquences à long terme.
Le donateur d’une part perdait la maitrise du bien dont il donnait la nue-propriété, d’autre part il s’appauvrissait de la perte des revenus à percevoir au lendemain de sa mort. Pour beaucoup le nu-propriétaire, ne se privait de rien puisque les revenus étaient conservés par l’usufruitier.
Compte tenu de l’allongement de sa durée de vie le donateur pouvait s’inquiéter (et regretter) de plus en plus fréquemment d’avoir donné des droits politiques et économiques contenus dans la propriété injustement et maladroitement qualifié de nue-propriété.
Henri Leyrat fidèle à son passé notarial se propose de renouveler et d’enrichir les pratiques notariales telles qu’il a pu les constater, pour en actualiser l’usage d’une part et les modalités de mises en œuvre d’autre part.
Il justifie de leur incomplétude fondée sur une appréciation erronée de la durée probable du démembrement. Le démembrement est marqué par sa durée qui n’en finit pas de s’allonger. L’usufruitier profite de l’allongement de sa durée de vie, l’usufruit entre ses mains perdure d’autant.
Henri Leyrat prend en compte d’une part la diversité des actifs patrimoniaux dont la nature affecte parfois profondément les droits des acteurs du démembrement, d’autre part la multiplicité des situations pouvant conduire au démembrement pour opportunément optimiser la jouissance ressentie et espérée des parties au démembrement.
Avec Henri Leyrat, on est passé d’un usufruit subi a un usufruit choisi.
Civiliste de talent, il n’oublie pas pour autant l’importance des règles fiscales. Il examine dans le détail et avec clarté les conséquences fiscales des solutions proposées permettant aux praticiens de rassurer des clients prêts à s’investir dans la détention de droits démembrés.
Henri Leyrat fait incontestablement preuve d’une belle pédagogie pour analyser la rencontre du démembrement avec la diversité des préoccupations des propriétaires présents et futurs. Il sait parfaitement inscrire son approche dans leur temps de vie et de survie.
L’analyse théorique et doctrinale est renforcée par les exercices de mise en situation. Les exemples arrivent à point nommé pour faciliter l’appropriation du démembrement par les praticiens. Le lecteur appréciera sans nul doute des positions claires et fermes qui rassurent parce que parfaitement justifiées et étayées.
Cet ouvrage satisfera praticiens et théoriciens du démembrement, qui pourront y puiser des réponses concrètes de nature à renforcer la conviction, de plus en plus partagée, qu’il s’agit d’une organisation pertinente de la propriété.
Le démembrement continue d’étonner par une modernité à laquelle Henri Leyrat aura largement participé.
Si cet ouvrage s’adresse principalement aux notaires, gageons qu’il trouvera un lectorat intéressé, et probablement passionné, dans les milieux du conseil patrimonial. Les conseillers en gestion de patrimoine, mieux informés, comprendrons et apprécierons davantage les préconisations des notaires pour une mise en œuvre optimale de l’usufruit dans l’intérêt bien compris de leurs clients.
Jean Aulagnier
Doyen honoraire
Président d’honneur de l’AUREP