Les praticiens, spécialement les notaires, mais aussi tous les intervenants d’une planification successorale, sont confrontés à la question de la réduction des libéralités consenties par le défunt lors du règlement de sa succession. Les règles civiles qui régissent ces réductions sont à présent bien établies. Elles ont fait l’objet d’une récente confirmation jurisprudentielle s’agissant de la méthode à retenir pour apprécier la réductibilité et réduire les libéralités en usufruit (Cass. 1ère civ., 22 juin 2022, n° 20-23.215). Le régime et les conséquences fiscales d’une telle réduction sont beaucoup moins clairs et méritent d’être précisés. Ils doivent être intégrés lors de l’établissement d’une planification successorale afin de bénéficier d’une fiscalité optimale.
Question n°1 : la question de la fiscalité attachée à la réduction des libéralités adressées par le défunt est-elle nouvelle ?
Réponse : Non.
Elle est à vrai dire aussi ancienne que la réserve elle-même et l’imposition des successions.
Question n°2 : le corpus de règles fiscales régissant cette question est-il sécurisant ?
Réponse : Non.
En dépit de sa fréquence, la question du régime fiscal de la réduction des libéralités demeure à bien des égards incertaine. L’insécurité juridique induite incombe au premier chef à l’administration fiscale qui, plus de quinze ans après l’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, n’a toujours pas précisé les impacts pourtant avérés résultant de la généralisation de la réduction en valeur consacrée par cette réforme. Les règles applicables sont fragmentaires. Elles proviennent de jurisprudences et de doctrine administratives émises avant l’entrée en vigueur de loi du 23 juin 2006 n’ayant pas été actualisées suite à l’évolution des règles civiles.
Question n°3 : Cette situation emporte-telle des conséquences pratiques pour le contribuable en termes de procédures fiscales ?
Réponse : Oui.
Elles ont été fixées par la jurisprudence fiscales et sont confirmées par la doctrine administrative. L’ancienneté des commentaires administratifs est de nature à priver le contribuable de la sécurité que lui octroie d’ordinaire l’existence d’une prise de position résultant de la doctrine administrative. La jurisprudence fiscale confirme en effet qu’une prise de position antérieure à la loi nouvelle ne peut pas interpréter cette dernière (CE 5 avril 1978 n° 1211, 7e et 8e s.-s. : RJF 6/78 n° 289 ; CE 18 novembre 1985 n° 44343, 7e et 9e s.-s. : RJF 1/86 n° 28) ; et ce, quand bien même elle serait maintenue au sein des commentaires administratifs. L’administration confirme elle-même ce point dans sa doctrine, précisant qu’un changement de législation a pour effet de rendre caduque l’interprétation donnée par l’administration de la loi antérieure dès l’entrée en vigueur de la loi nouvelle (BOI-SJ-RES-10-10-10, n°400). C’est donc bien la situation du contribuable qui est fragilisée par la péremption de la doctrine antérieure. Un commentaire émis à l’égard d’une réduction en nature ne pourra pas être transposé à la réduction en valeur.
Question n°4 : Des difficultés fiscales surgissent-elles dès le stade de la détection de l’existence de libéralités réductibles, c’est à dire portant atteinte à la réserve ?
Réponse : Oui.
Elles résultent des discordances existant entre la liquidation civile et fiscale qui peuvent diverger tant en ce qui concerne l’évaluation des actifs et passifs que la consistance même de la succession.
Il n’y a pas de doute sur le fait qu’au titre de la liquidation fiscale, l’actif net de succession soumis globalement aux droits de mutation par décès doit être quantifié en appliquant les règles fiscales, tant en ce qui concerne la détermination de l’actif taxable, la détermination des biens soumis à l’impôt que les règles d’assiette valorisant les biens héréditaires ainsi que celles souvent dérogatoires au droit civil régissant la déduction du passif.
Mais ce constat ne règle que partiellement la problématique fiscale lorsque le défunt a consenti des libéralités potentiellement réductibles. Quelles valeurs retenir pour la liquidation fiscale au sein de la déclaration de succession pour apprécier cette réductibilité, pour déterminer si les libéralités consenties par le défunt sont ou non réductibles ?
Les écarts entre les règles civiles et fiscales sont quasi systématiques et peuvent être significatifs. Ils concernent tant l’actif que le passif. Ainsi, le passif déductible sur le plan fiscal se limite aux dettes existant à la charge personnelle du défunt au jour du décès (CGI, art. 768), alors que celui grevant les biens existants de la masse de calcul successorale englobe les charges de la succession (C. civ., art. 922). Il en va de même de dettes présumées fictives au plan fiscal (CGI, art. 773) et pouvant être portées au passif de la masse de calcul. A l’inverse, des sommes admises au passif fiscal et ne correspondant pas réellement à des dettes (v. par ex. CGI, art. 775 bis) ne sont pas prises en compte dans la liquidation civile.
Le même constat, réversible, peut être fait s’agissant de l’actif, pour sa consistance et sa valorisation. Des biens peuvent figurer à l’actif taxable en raison d’une présomption fiscale (par ex. CGI, art. 751) alors que ne dépendant pas de la succession, ils ne figureront pas parmi les biens existants. A rebours, de nombreux régimes d’exonération ou des règles d’assiette conduiront souvent à inclure dans la liquidation fiscale un actif figurant dans les biens existants au plan civil pour une valeur moindre.
Dès lors qu’il s’agit de calculer l’impôt de succession au sein de la déclaration fiscale, il est tentant et peut sembler de prime abord cohérent de se référer aux actifs et valeurs ayant servi à déterminer l’actif net de succession.
Question n°5 : A ce stade, le praticien doit-il se référer aux actifs et valeurs figurant dans la liquidation fiscale contenue en pratique dans la déclaration fiscale de succession ?
Réponse : Non.
Il doit se référer aux calculs établis sur la base des éléments d’actif et de passif et valeurs civiles appréciées au décès.
C’est la finalité poursuivie par cette première phase de la liquidation fiscale qui conditionne cette conclusion. Cette première étape de la liquidation a pour seule fonction de décliner au fiscal les constatations résultant de la liquidation civile, c’est-à-dire en l’espèce de tirer sur le plan fiscal les conséquences résultant de la réductibilité constatée au terme de la liquidation civile. Appliquer lors de cette étape les valorisations et règles fiscales pour apprécier la réductibilité de la libéralité fausserait les calculs et pourrait conduire à des conclusions erronées, voire absurdes.
Ainsi, l’inclusion de biens réputés fiscalement dépendre de la succession ou le rejet de certains passifs pourraient conduire, en gonflant artificiellement l’actif héréditaire, à conclure que la libéralité n’est pas réductible alors qu’elle porte effectivement atteinte à la réserve. L’inverse est vrai. La prise en compte d’exonérations minorant la valeur fiscale des biens existants pourrait par exemple conduire à remettre en cause des libéralités qui ne seraient pas réductibles. Ce qui vaut pour les biens existants vaut aussi pour la réunion fictive.
A ce stade, les donations antérieures seront reprises dans la masse de calcul servant à quantifier la quotité disponible pour leur valeur civile appréciée au décès, et non pour celle fiscale servant à chiffrer le rappel imposé par l’article 784 du CGI.
Question n°6 : Ce constat d’une liquidation fiscale conditionnée par les résultats des calculs civils établis en amont est-il isolé ?
Réponse : Non.
Il peut par exemple aussi être fait lorsqu’il s’agit de déterminer l’étendue des droits successoraux légaux en pleine propriété du conjoint survivant, même si les logiciels d’établissement des déclarations de succession respectent rarement cet impératif. Considérer qu’en présence de descendants, ce quart correspondrait au plan fiscal à un quart de l’actif net taxable de la succession serait le plus souvent erroné. Ce quart peut ne correspondre à rien, le conjoint étant au plan civil dépourvu de tout droit dans la succession, par exemple faute de masse d’exercice. Tel est le cas lorsque le défunt sans avoir formellement exhérédé son conjoint a épuisé la totalité de la quotité disponible de sa succession. Il peut aussi représenter bien plus que le quart de l’actif net de succession et parfois même la totalité des biens laissés par le défunt à son décès par exemple en présence de donations antérieures imputables sur la réserve des descendants (C. civ., art. 758-5).
Question n°7 : Si ainsi établie la liquidation fait apparaitre des libéralités portant atteinte à la réserve, l’administration fiscale peut-elle d’office, en se référant à ce seul constat taxer l’indemnité de réduction entre les mains de l’héritier réservataire ?
Réponse : Non.
C’est ici le régime civil, juridique, de la réduction qui a été confirmé par la jurisprudence qui conditionne la réponse à cette question.
Réductibilité ne signifie pas réduction.
Toutes les conséquences doivent être ici tirées de l’absence d’automaticité de la réduction. La doctrine administrative confirme ce point. Elle admet que les héritiers réservataires pouvant ne pas exercer l’action en réduction, le service de la direction générale des finances publiques ne saurait opérer une réduction d’office. Il doit se conformer à la volonté exprimée par l’héritier réservataire (BOI-ENR-DMTG-10-10-10-10 n° 220) qui sera utilement reprise dans la déclaration de succession.
On rappellera toutefois que si ce principe est actuellement consacré par la doctrine pleinement opposable à l’administration, tel n’a pas toujours été le cas. L’administration s’était initialement positionnée en sens contraire avant de voir cette analyse fermement désavouée à juste titre par la Cour de cassation (C. cass. 10 juillet 1860, instr. 2.185 § 7). L’héritier réservataire qui s’abstient d’exercer l’action en réduction n’est donc pas exposé au risque de se voir taxer sur l’indemnité de réduction potentiellement exigible.
Question n°8 : Si, ce qui est de loin la situation la plus fréquente en pratique, l’action en réduction est exercée par l’héritier réservataire, la réduction non plus en nature mais en valeur consacrée par la loi du 23 juin 2006 emporte-t-elle des conséquences fiscales ? Dans l’affirmative ces conséquences doivent-elles être anticipées lors de l’établissement d’une planification successorale pour bénéficier d’une fiscalité optimale ?
Réponse : Oui.
Le passage d’une réduction en valeur plutôt qu’en nature s’il n’a toujours pas été intégré dans la doctrine administrative induit d’inévitables frottements aisés à comprendre.
Le droit fiscal qui n’a pas été adapté en conséquence continue de taxer l’actif transmis par le défunt, évalué et imposé en fonction de règles spécifiques établies d’après les actifs composant en nature la succession. Mais la réduction s’opérant en valeur, ces actifs héréditaires qui par exemple peuvent bénéficier de régimes d’exonération ou de règles d’assiette favorables ne correspondent pas nécessairement à l’émolument recueilli par l’héritier réservataire. Dans une situation extrême qui n’est pas un cas d’école : l’institution d’un légataire universel en présence d’un héritier réservataire, ce dernier ne recueille aucun des actifs successoraux soumis à l’impôt, mais uniquement une somme d’argent : l’indemnité de réduction.
Cette évolution a indéniablement produit des conséquences fiscales. Le praticien doit y être attentif, spécialement lorsqu’il organise une planification successorale et envisage de gratifier le conjoint voire le partenaire survivant d’une libéralité universelle (V. Ph. DELMAS SAINT HILAIRE et F. FRULEUX, De l’intérêt renouvelé des libéralités universelles entre époux, APSP 2020, n° 4, 29, p. 34, n° 7).
Une telle organisation de la dévolution successorale peut engendrer une surtaxation, si cette donnée est mal maitrisée. Les régimes d’exonération ou de faveur applicables aux actifs successoraux ne pourront pas déployer leurs effets, faute d’être reçus in corpore par les héritiers effectivement soumis à l’impôt. En l’état nous ne voyons pas comment l’héritier réservataire pourrait prétendre sur la somme d’argent qu’il reçoit au titre de l’indemnité de réduction bénéficier des règles d’assiette ou d’exonération favorables applicables aux biens successoraux qu’il ne recueille pas. Quant à l’indemnité de réduction, à l’évidence, sa nature successorale conduit à la soumettre aux droits de mutation par décès.
Cette déperdition fiscale n’est pas inéluctable. L’option pour une réduction en nature ou un cantonnement permettrait de l’éviter. Mais cette décision est à l’initiative du seul bénéficiaire de la libéralité, ce qui peut s’avérer problématique lorsque le règlement de la succession est tendu.
Ces risques doivent être détectés et traités en amont lors de la rédaction des dispositions de dernières volontés.
Question n°9 : Est-ce à dire que la modification du mode de réduction des libéralités réalisée par la réforme de 2006 conduit à abandonner purement et simplement les règles fiscales dégagées antérieurement sous l’empire d’une réduction en nature ?
Réponse : Non.
Les principes dégagés par la jurisprudence et doctrine administrative antérieures ne nous semblent pas devoir être abandonnés mais simplement adaptés à la réduction en valeur. Ils conduisent, en toute logique, à imposer le produit de la réduction entre les mains de l’héritier réservataire et corrélativement à ne taxer le bénéficiaire de la libéralité qu’à hauteur de son émolument effectif, c’est-à-dire à hauteur de la fraction non réduite du legs ou de la donation.
Le produit de l’action en réduction est donc passible des droits de mutation par décès. Le fondement classiquement assigné de manière d’ailleurs contestable à cette taxation nous semble devoir être revu. Plus que par une résolution de la libéralité emportant retour du bien considéré dans l’hérédité qui a pu être avancée par l’administration fiscale (Doc. adm. 7 G 2322, 20 décembre 1996, n° 3), cette taxation s’explique par l’objet même de l’action en réduction et la nature successorale du droit perçu en nature ou en valeur par son titulaire. Elle s’applique pour la même raison au produit de l’exercice de l’action en retranchement (Cass. com., 8 mars 2005, n° 402 FS-PB ; RJF 2005, n° 790). Elle est confirmée implicitement par l’actuelle doctrine administrative lorsqu’elle précise que l’administration ne peut opérer une réduction d’office pour inclure l’indemnité correspondante à l’actif taxable.
Question n°10 : En présence d’une donation réduite consentie à l’un des héritiers réservataires, certains auteurs préconisent de déduire l’indemnité de réduction de la part taxable revenant à l’héritier réservataire redevable de cette indemnité. Qu’en pensez-vous ? Une telle déduction qui figure dans certains cas pratiques chiffrés (V. A. Chappert et N. Levillain, Rapport et réduction des donations : aspects fiscaux, Defrénois 30 juin 2001, p. 739, n°12) est-elle selon vous possible ?
Réponse : Non. Un tel raisonnement procède à nos yeux d’une confusion entre rapport et réduction.
Même si un tel mode de liquidation apparait avantageux est parfois suggéré (V. avec toutefois des réserves, G. BONNET, Dalloz Action Droit patrimonial de la famille 2022-2023, n° 612.201), la taxation de l’indemnité de réduction ne peut pas de notre point de vue être écartée au motif qu’elle s’imputerait en moins prenant sur la part de réserve du bénéficiaire de la libéralité lors du partage de la succession. Relevant du partage, cette attribution est inapte à modifier la consistance de l’actif taxable.
Un tel mode de liquidation conduirait à scinder le régime fiscal de la réduction, amenant à le taxer ou non suivant l’identité de son débiteur.
Surtout, il apparaît contraire au traitement fiscal réservé à la réduction du côté du donataire. En effet, la doctrine administrative (BOI-ENR-DG-70-20 n° 70) et la rare jurisprudence fiscale (TGI GRENOBLE, 2 mai 1991, Ind. Enr. n° 15577) confirment que la réduction de la donation engendre pour le donataire un droit à restitution des droits acquittés lors de l’enregistrement ou de la publication de la libéralité assurant de cette manière le respect de la règle non bis in idem. En dépit de leur similitude, les mécanismes fiscaux de restitution ou d’imputation des droits obéissent à des régimes à bien des égards distincts (V. F. FRULEUX, Donation faisant l’objet d’un droit de retour légal ou conventionnel : restitution ou imputation des droits ?, JCPN 2008, 1307). En l’espèce, la restitution des droits de donation résultant de la réduction ne nous semble pas pouvoir ni faire échapper l’indemnité aux droits de mutation ni compenser les droits de succession exigibles.
Des exemples chiffrés ont été publiés préconisant de ne pas taxer l’indemnité de réduction revenant au donataire (V. A. Chappert et N. Levillain, préc.). Pour ce faire, l’indemnité de réduction due par le donataire devrait être déduite de sa part taxable.
Un tel mode de liquidation nous semble erroné. Il confond rapport et réduction. La déduction du rétablissement de la part taxable du successeur qui en est redevable est énoncée par la doctrine administrative uniquement pour l’indemnité de rapport et non à l’égard de l’indemnité de réduction. Cette divergence s’explique par la différence de traitement réservé au plan fiscal à ces deux mécanismes. La déduction du rapport de la part taxable du donataire se fonde sur la règle non bis in idem. La donation ayant été imposée lors de sa réalisation, le rapport est déduit de la part taxable du donataire afin de ne pas être imposé une nouvelle fois aux droits de mutation par décès lors du règlement de la succession, ce qui permet d’éviter une double imposition. L’administration suit à juste titre cette logique de neutralité, y compris dans des situations extrêmes. Elle admet que si le rapport dépasse la part taxable du donataire l’excédent s’impute proportionnellement sur celle de ses cohéritiers.
Un tel risque de double imposition est exclu lorsque la donation n’est pas rapportable mais réductible. Les droits acquittés lors de la réalisation de la donation sont en effet restitués, à concurrence de la fraction réduite de la donation. Bénéficier de ce remboursement et déduire, comme en présence d’un rapport, l’indemnité de réduction de la part taxable du donataire reviendrait à procéder à une double déduction : la partie réduite de la donation échapperait à l’impôt par l’effet du remboursement, sans que l’indemnité de réduction qui en est la représentation soit imposée entre les mains du donataire. Une telle réduction rendrait la liquidation inexacte. Ce constat se vérifie aisément. Dans l’exemple chiffré proposé V. A. Chappert et N. Levillain, préc.), elle conduit à ne soumettre à l’impôt qu’une partie seulement de l’actif globalement transmis entre vifs et par décès.
Par définition, la déduction de l’indemnité de réduction de la part taxable revenant à son débiteur qui la fait échapper à l’impôt de succession est envisageable uniquement si la donation réduite a gratifié un héritier réservataire. L’indemnité de réduction serait ainsi taxable ou non suivant l’identité du donataire. Elle serait imposable s’il s’agit d’un tiers, et échapperait à l’impôt si le gratifié un héritier réservataire. On ne perçoit pas ce qui justifierait une telle différence de traitement.
Le praticien se gardera donc de procéder à une telle déduction de la part taxable du donataire lorsque le rétablissement concerne une indemnité de réduction, sauf à risquer une rectification émanant de l’administration fiscale.
Question n°11 : Les mêmes règles s’appliquent-elles à la réduction non pas d’une donation ayant déjà déployé ses effets, mais d’une libéralité à cause de mort ?
Réponse : Non, pas tout à fait.
Dans un tel contexte, l’indemnité de réduction doit être taxée entre les mains du ou des héritiers réservataires, en lieu et place de la fraction réduite du bien légué si la réduction s’opérait en nature. Corrélativement, la taxation du légataire à hauteur de son seul émolument effectif, c’est-à-dire la partie non réduite de la libéralité conduit à déduire l’indemnité de réduction de la part taxable revenant au légataire qui en est redevable, là où une réduction en nature amènerait à taxer le légataire uniquement sur la partie du bien légué non réduite.
Si l’indemnité de réduction se rapporte à un bien exonéré, l’administration fiscale ne sera pas fondée à transposer la règle dite de « l’imputation prioritaire » énoncée à l’article 769 du CGI pour limiter la déduction de l’indemnité de réduction à la seule fraction imposable du bien exonéré, comme elle le ferait s’il s’agissait d’une dette contractée pour acquérir le bien exonéré ou dans son intérêt. Cette règle d’exception concerne uniquement les dettes à la charge du défunt. L’indemnité de réduction n’est pas de cette nature. Tant la lettre que la finalité de ce texte commandent d’écarter ici son application.
Contrairement à la remise en cause d’une donation entre vifs, et comme en présence d’une réduction en nature, la réduction en valeur du legs n’engendre donc par principe aucun accroissement de l’actif net successoral taxable. Celui-ci comprend uniquement les biens laissés par le défunt à son décès, évalués en application des règles fiscales, sous déduction du seul passif répondant aux conditions de déductibilité imposées par le droit fiscal.
Au final, la réduction affecte par principe uniquement la répartition de cet actif taxable entre le bénéficiaire de la libéralité et les héritiers réservataires.