Sur le fondement de l’article 260-2° du CGI, tout propriétaire de locaux donnés en location à un professionnel est en droit d’exercer l’option pour le paiement de la TVA sur les loyers perçus. En dehors de cette hypothèse, la location nue est expressément exonérée de TVA par les dispositions du même article. Le législateur n’a en effet pas souhaité, qu’additionnée aux loyers, la TVA constitue un obstacle supplémentaire à l’accès à un besoin fondamental : le logement.
Depuis l’origine, l’administration a interprété ce droit à l’option dans sa documentation (BOFIP-TVA-CHAMP-50-10.-04/04/2014), en explicitant les conditions de son application. Elle a ainsi estimé à cet égard que :
« Dans les immeubles ou ensembles d’immeubles comprenant à la fois des locaux nus donnés en location ouvrant droit à l’option en application du 2° de l’article 260 du CGI et d’autres locaux, l’option ne s’étend pas à ces derniers mais elle s’applique globalement à l’ensemble des locaux de la première catégorie. »
Autrement dit, l’option pour un local y ouvrant droit devait, selon elle, rejaillir automatiquement sur toutes les locations de locaux situés dans le même immeuble et susceptibles, eux également, de faire l’objet de l’option. Il en résultait un inconvénient majeur. Imaginons par exemple que, dans le même immeuble, des locaux soient loués à une entreprise soumise elle-même à la TVA et d’autres à un médecin expressément, lui, exonéré de TVA. Selon l’administration, l’option pour les premiers locaux cités devait impérativement rejaillir sur la seconde location.
Pour l’entreprise, l’option ne présente guère d’inconvénient. Elle est en effet en droit de récupérer la TVA qui lui est facturée en sus des loyers. Il en va en revanche tout différemment pour le médecin. Faute de pouvoir faire l’objet d’une déduction, la TVA devient en effet une charge qui s’ajoute aux loyers.
Du même coup, allait se poser un jour la question de savoir si cette interprétation administrative correspondait à l’intention du législateur. Il revint ainsi au Conseil d’Etat de se prononcer sur ce point dans une affaire soumise à sa juridiction le 9 septembre 2020 (req. n° 439143).
Il n’est pas inutile ici de rappeler les principes posés par la législation européenne, et en l’occurrence ceux issus de la directive 2006/112, en matière de transposition de cette législation dans le droit national. A cet égard, si les Etats ont la possibilité de subordonner à des conditions ou de restreindre comme ils le souhaitent les exonérations qu’elles prévoient, les dispositions de l’article 137 de cette directive leur offrent la faculté d’ouvrir la possibilité aux redevables de la TVA d’opter eux-mêmes pour la soumission des loyers à la taxe, s’ils considèrent que c’est dans leur intérêt.
Et précisément, dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat, propriétaire de plusieurs locaux donnés en location dans le même immeuble, la société avait pris soin de désigner de manière très précise les seuls locaux objets de l’option de l’article 260-2° du CGI. Pour autant, lors d’un contrôle, appliquant la doctrine précitée, l’administration avait estimé devoir étendre l’application de la taxe à l’ensemble des locaux susceptibles d’entrer dans le cadre de l’option.
Le Conseil d’Etat rejeta purement et simplement l’interprétation administrative. Pour lui, la désignation très précise des locaux objets de l’option s’opposait à ce que celle-ci soit étendue à l’ensemble des locaux situés dans le même immeuble alors même que leur location aurait pu faire également l’objet d’une option.
L’intérêt de cette décision est très grand. En effet, est ainsi évitée la difficulté soulignée plus haut lorsque des locaux situés dans le même immeuble et susceptibles d’option sont donnés en location, pour certains à des preneurs assujettis à la TVA, pour d’autres à des locataires qui ne le sont pas. La pertinence de la position du Conseil d’Etat a au demeurant amené l’administration à réagir favorablement pour s’aligner sur cette analyse. Dans une réponse ministérielle Gruau (JOAN 16 novembre 2021, p. 8310), elle revient ainsi sur sa doctrine antérieure de 2014 en des termes non équivoques. Le ministre précise de la sorte :
« qu’il est loisible au bailleur, lors de l’exercice de son option, de mentionner, de façon expresse, précise et non équivoque, les locaux nus à usage professionnel situés dans l’immeuble ou ensemble d’immeubles concernés pour lesquels il entend soumettre à la TVA les loyers« .
Pour lui, cette doctrine doit s’appliquer désormais sans qu’il soit nécessaire qu’existe une division juridique des locaux. L’application de la TVA doit être appréciée opération de location par opération de location. Il précise toutefois que, lorsque plusieurs locaux donnés en location à des professionnels sont visés par le même contrat de bail, l’option concerne alors l’ensemble de ceux-ci.
Quelques conseils au conseiller :
1) Rédiger chaque contrat de bail en précisant chaque fois que nécessaire ceux des locaux visés par l’option de l’article 260-2° du CGI ;
2) Mentionner de manière extrêmement précise dans le texte du document à adresser à l’administration, les locations concernées par l’option.